Emmanuel Macron, pari perdu, promesse à tenir
“Ce n'est pas un échec mais ça n'a pas marché", expliquait le Président de la République lors de la deuxième vague. Si Emmanuel Macron n’assume pas avoir fait un “pari” face à la troisième vague, celui-ci est pourtant perdu : en ne reconfinant pas (allant ainsi contre les avis scientifiques), il n’a fait que repousser les mesures désormais inéluctables, qui s’imposent donc indistinctement à tout le territoire métropolitain quelle que soit la situation épidémique, socio-économique, géographique, etc.
Après plus d’un an de fermeture, tout juste interrompu d’une parenthèse entre les deux premières vagues, le secteur culturel nourrissait peu d’espoirs pour ce mois d’avril (l’Opéra de Paris, entre autres, a d’ailleurs annoncé il y a peu l’annulation de tous ses spectacles jusqu’au mois de mai). Même après la décrue de la deuxième vague, les théâtres, cinémas, salles de concerts, musées étaient restés fermés et le Ministère de la Culture refusait de donner des dates : pour cause, le seuil de réouverture fixé à 5.000 contaminations par jour (objectif abandonné depuis) était impossible à atteindre avec les mesures décidées. Le choix de ne pas reconfiner fin janvier condamnait ainsi la culture à garder les yeux rivés sur les chiffres de l’épidémie, qui se dégradent déjà depuis plusieurs semaines et que le confinement déconfiné annoncé il y a 12 jours n’avait aucune chance de rétablir. Hélas, comme attendu, le pari est perdu et ces deux mois de retard repoussent d’autant les perspectives de réouverture des salles de spectacle.
Le Président de la République Emmanuel Macron, dans cette allocution du 31 mars 2021 a également défendu sa stratégie de maintenir ouvertes les écoles : "Nous pouvons nous féliciter dans notre pays, d'avoir rouvert en premier nos écoles, et de les avoir maintenues ouvertes depuis septembre 2020. Nous faisons partie des rares pays qui ont fait ce choix", une logique qui s’oppose aux fondements mêmes de l'argumentation développée à longueur de temps et de plateaux télévisés par la Ministre de la Culture, celle-ci expliquant que la France fait bien comme ses voisins en fermant les lieux artistiques (omettant d’ailleurs les contre-exemples éloquents). La raison avancée comme une défense de l’éducation par Emmanuel Macron est aussi enthousiasmante qu’il reste incompréhensible qu’elle ne s’applique pas à la culture vivante également : "car nous croyons dans cet investissement, dans l'éducation."
Le Président de la République dit aussi "pouvoir compter" sur les français "en cette période marquée par de nombreuses fêtes religieuses", mais il doit aussi savoir qu’il aurait pu et dû compter de la même manière sur la responsabilité des spectateurs, lui qui rappelle que les contaminations se font en particulier "lors des rassemblements privés".
La politique et la science ont décidément maille à partir, mais le concept de “pari” pourrait les réunir dans une commune aversion : en politique comme en science, le pari est dangereux. Le salut de la culture tient d'ailleurs, à l’inverse du pari, dans une organisation efficiente. Les lieux de culture vivante ont depuis longtemps (depuis le début) démontré que leur organisation est sûre et rodée en salle et aux abords : reste au politique à mettre en place les outils assurant cette réouverture, en développant la vaccination qui pourra ainsi enfin concerner artistes, professionnels et spectateurs, en recourant également et massivement aux tests ultra-rapides. Heureusement, sur ces deux domaines, les perspectives peuvent enfin porter à l’optimisme avec la multiplication des vaccins et des doses, ainsi qu’avec la généralisation de tests rapides et efficients : comme ce test sérologique à réactif unique développé par le chercheur toulousain Etienne Joly de l'Inserm avec Oxford, via un réactif lyophilisé -donc sans réfrigération et d’une simplicité absolue à transporter et stocker- et ne coûtant qu'environ un euro l'unité (sachant que le coût des tests, remboursés par l’Assurance Maladie, faisaient partie des arguments avancés par le Ministère de la Culture pour refuser qu’ils soient généralisés à tous les spectateurs en vue de rouvrir les salles de spectacle). Le développement des auto-tests est également une voie encourageante. De telles assurances doivent aussi permettre une réouverture au plus large public, avec des distanciations réduites voire sans distanciation : comme dans tant d’autres endroits depuis le début de la pandémie, mais avec une sécurité bien plus importante (celle qu’apportaient et proposaient les lieux de culture dès l'été dernier).
Comme un œuf de Pâques, Emmanuel Macron a caché une bonne nouvelle dans son allocution : la promesse d’une réouverture dans des conditions strictes à partir de la mi-mai, puis plus souple au début de l’été. Après de nombreux rendez-vous manqués, il s’agirait cette fois de tenir cet objectif, et de passer des paris aux actes.