Se ressourcer : une saison 2021 formalisée au Teatro Colón
Les autorités du Teatro Colón (en l’absence remarquée du Directeur artistique, Enrique Arturo Diemecke) et leur tutelle hiérarchique (le chef de gouvernement de la Ville de Buenos Aires et son ministre de la Culture) ont officiellement posé, en plein festival Piazzolla, les jalons de la programmation 2021, comblant ainsi un vide et le flou artistique des annonces de la fin de l’année passée.
Des sources de l’opéra aux ressources locales
Il a fallu tout rebâtir en revenant à l’essentiel et aux origines du genre de l’opéra, autour de six spectacles d’opéra, en sauvant un titre d’une saison 2020 entièrement avortée pour cause de pandémie. Comme Ôlyrix l’annonçait en exclusivité dès le 1er mars, c’est bien Monteverdi qui ouvrira la saison lyrique dès le mois prochain avec ses Altri Canti, parmi lesquels Ballo delle Ingrate et Il combattimento di Tancredi e Clorinda, avec les directions (Marcelo Birman pour l’orchestre et Pablo Maritano pour la mise en scène) et la distribution déjà annoncées : Oriana Favaro, Daniela Tabernig, Constanza Díaz Falú, Adriana Mastrángelo, Martín Oro, Víctor Torres, Hernán Iturralde et Iván García.
C’est Theodora, oratorio de Haendel, qui occupera la scène en juin. César Bustamante sera en fosse auprès de l’Orchestre permanent du Colón tandis qu’Alejandro Tantanian aura à sa charge la mise en scène. Les chanteurs Jaquelina Livieri, Martín Oro, Florencia Machado, Santiago Martínez et Ricardo Seguel, ainsi que l’actrice Mercedes Morán, donneront vie aux personnages de cette œuvre.
C’est par la suite le couplage classique formé de Cavalleria Rusticana de Mascagni et I Pagliacci de Leoncavallo qui sera donné en juin en version de concert. Carlos Vieu et Miguel Martínez assureront respectivement la direction de l’Orchestre et du Chœur permanents. Le plateau vocal sera formé pour cette occasion par Guadalupe Barrientos, María Luján Mirabelli, Enrique Folger, Leonardo López Linares, Leonardo Estévez, Gustavo López Manzitti, Mónica Ferracani, Fabián Veloz, Gustavo Porta et Omar Carrión.
Le mois d’octobre accueillera Mozart et sa Finta Giardiniera avec Srba Dinić (chef remarqué lors de la saison 2019 pour son sauvetage de La Damnation de Faust avant sa prise de fonction pour Don Pasquale) à la tête des musiciens maison et Hugo De Ana comme metteur en scène. On entendra les voix de Verónica Cangemi, Oriana Favaro, Florencia Machado, Santiago Ballerini, Fernando Radó et Lucas Debevec Mayer.
The Consul de Gian Carlo Menotti, seul titre rescapé de la saison 2020, fermera cette programmation d’opéra. Marcelo Ayub tiendra la baguette de chef et Rubén Szuchmacher assurera la mise en scène. Leonardo Neiva, Adriana Mastrángelo, Carlos Ullán, Luciano Garay et Héctor Guedes en incarneront les protagonistes.
Le recours aux ressources artistiques locales marquera donc la signature de cette saison placée sous la menace toujours présente de la pandémie liée au Covid-19, en particulier concernant les contrats des chanteurs. Notons que le vivier de chanteurs argentins sera également mis à profit dans le cadre d’un festival de récitals (et tant mieux pour eux, tant la situation économique est très délicate et même tendue pour eux depuis plus d’un an maintenant, dans un pays où le statut d’intermittent du spectacle n’existe pas). Dans ce cadre, et en dehors de ceux déjà précités pour la programmation d’opéra, Carla Filipcic Holm, Marina Silva, Paula Almerares, Laura Pisani, Alejandra Malvino, Darío Schmunck et Sebastián Sorarrain viendront conforter cette cohorte argentine dédiée au chant lyrique.
Voix internationales et cycles lyriques
D’autres récitals, cette fois-ci avec des invités venus de l’extérieur, sont prévus dans le prestigieux cycle « International ». Des duos sont attendus en juin, avec la soprano espagnole Ainhoa Arteta et la mezzo canarienne Nancy Fabiola Herrera, et en juillet, où la soprano allemande Diana Damrau se joindra à son mari, la basse française Nicolás Testé (programme non précisé). En octobre, deux autres récitals devraient marquer les esprits. La soprano américano-canadienne Sondra Radvanovsky interprétera les airs de scènes finales des trois reines que furent Marie Stuart, Anne Boleyn et Elisabeth Ire d’Angleterre, extraites de la trilogie composée par Donizetti, tandis que Kristine Opolais, soprano spinto lettonne, se présentera elle aussi face au public du Colón. En novembre enfin, la mezzosoprano russe Elena Maximova viendra clore ce cycle de récitals internationaux, là aussi pour un programme qui reste à définir.
Précisons aussi que la saison de la Orquesta Filarmónica de Buenos Aires emmenée par le chef Enrique Arturo Diemecke sera marquée, sur le plan lyrique, par la reprise, fin avril, du Chant de la Terre (Das Lied von der Erde) de Mahler dans la version de Schoenberg. La mezzo Guadalupe Barrientos et le ténor Gustavo López Manzitti y feront retentir leurs voix.
En mai, la Orquesta Estable du théâtre cette fois-ci proposera trois concerts où interviendra le chant lyrique. Dirigée par Martín Jorge, elle sera associée à la soprano Jaquelina Livieri et à la mezzo Florencia Machado pour interpréter le Stabat Mater de Pergolèse. Sous la baguette de Maximiano Valdés, ce même orchestre interprétera, aux côtés du ténor Darío Schmunck, Les Illuminations de Britten. Et c’est sous la direction de Javier Logioia Orbe que l’orchestre permanent accompagnera, lors d’une soirée Beethoven, la soprano Carla Filipcic Holm sur l’air « Ah, Perfido! » (Op. 65). En septembre, c’est pour un concert dédié à Mozart que César Bustamante mènera cette même formation, avec la soprano Verónica Cangemi. Cet orchestre sera accompagné du chœur permanent, respectivement dirigés par Mario Perusso et Miguel Martínez, en septembre, où la Messa di Gloria de Puccini est programmée.
Fait remarquable, le Coro permanente du Colón occupera en 2021 tout un cycle en soi. Toujours sous la direction de Miguel Martínez, cet ensemble interprétera en juin des œuvres de Brahms, Schumann, Fauré et Rossini (programme non détaillé à ce jour). En octobre, accompagnant les chanteurs Jaquelina Livieri, María Luisa Merino, Darío Schmunck et Lucas Debevec Mayer, c’est la Petite Messe Solennelle de Rossini qui sera à l’honneur. En décembre enfin, une commémoration locale se tiendra avec ce même Chœur permanent : celle du centenaire de la naissance du compositeur argentin Ariel Ramírez avec la programmation de deux de ses œuvres : Misa Criolla (Messe Créole) et Navidad Nuestra (Notre Noël).
C’est une autre célébration qui sera introduite avec le cycle de musique contemporaine qui comptera, fin octobre, avec la représentation de Laborintus II de Luciano Berio (1965), pièce écrite pour une troupe d’acteurs, trois chanteurs, un narrateur et un ensemble orchestral en l’honneur du 700e anniversaire de la mort du célèbre poète italien Dante Alighieri, décédé en 1321. Le cycle « Femmes en musique » mettra enfin des musiciennes à l’honneur et deux soirées lyriques 100% féminines : la soprano Daniela Tabernig, pour un concert de musique de chambre autour de compositrices du XIXe et du début du XXe siècle (date non précisée), ainsi que la soprano Marisú Pavón dans un répertoire de musique baroque (en septembre).
Au vu de la richesse et de la diversité de ces projets marquant le retour de la voix lyrique, il convient d’ajouter la programmation de quatre ballets en trois soirées (Vendaval de Tchaïkovski et un Itinéraire Piazzolla en mai, Giselle d’Adolphe Adam en août/septembre et à nouveau Tchaïkovski avec La Belle au bois dormant en décembre), un festival Beethoven en août sauvé de la saison 2020 avec, entre autres invités, Martha Argerich et Charles Dutoit, ainsi qu’un cycle de récitals « Grands pianistes » qui verra là aussi des invités prestigieux redonner à la grande salle du Teatro Colón tout son lustre… si bien entendu la situation sanitaire ne venait pas à se dégrader, ce qui n’est malheureusement pas à exclure.