Le Luxembourg a déconfiné la culture
Le pays (615.000 habitants) était pourtant particulièrement touché par la 2ème vague, le Luxembourg affichant encore avant les Fêtes de fin d'année un taux d'incidence parmi les plus élevés d'Europe. Il était alors à 546 cas pour 100.000 habitants (sur 7 jours), il est désormais à 160, près d'un mois après la réouverture des théâtres.
La stratégie a consisté à renforcer les mesures (encore plus fermement qu'initialement prévu) pour les fêtes de fin d'année et jusqu'au 10 janvier 2021 : fermeture des commerces non essentiels, écoles et crèches, report des soldes, couvre-feu avancé de 23h à 21h, doublement des amendes (à 300 euros).
Conséquences : le 11 janvier 2021 ne fut pas le point de départ d'une nouvelle fermeture repoussée de quinze jours en quinze jours comme en France et ailleurs, mais le jour célébrant la réouverture des lieux de culture vivante, des écoles, des commerces et du couvre-feu à 23h. Cette décision a été fortement critiquée par certains dans le Duché et parmi des pays voisins, mais le Gouvernement continue de se féliciter de son choix, et de féliciter l'esprit de responsabilité démontré par les luxembourgeois. Tandis que Jean Castex et Olivier Véran sont contraints de sermonner les français à intervalles réguliers, le Premier Ministre luxembourgeois Xavier Bettel et la ministre de la Santé Paulette Lenert ont expliqué dans leur point du 24 janvier que la situation "s'est beaucoup améliorée en comparaison à ces dernières semaines", car une "grande majorité des citoyens à respecté les règles". Les mesures sont donc maintenues, les écoles et lieux de culture ouverts (tandis que les bars et restaurants restent fermés, au moins 3 semaines supplémentaires).
Le discours politique paraît d'autant plus audible qu'il se fonde et s'appuie sur des chiffres communiqués dans la transparence : en quelques clics, tout un chacun peut accéder au grand détail des rapports hebdomadaires et journaliers sur le site officiel et Open data public du Luxembourg (nombre de tests effectués, tests positifs, taux de positivité et de reproduction, hospitalisations, décès et bien d'autres informations complétées par force tableaux, graphiques et cartes). Cela permet notamment de constater que le pic de novembre à 6% de tests positifs est descendu à 3,34 à la fin de l'année 2020 et reste stable entre 1,64 et 1,95 pour le mois de janvier 2021.
Tom Leick-Burns, Directeur des Théâtres de la Ville de Luxembourg a ainsi pu adresser pour 2021 des vœux, et pas seulement en forme d'espoirs ou d'encouragements mais souhaitant effectivement d'agréables représentations à ses spectateurs : "Dans le cadre de la réouverture des lieux de culture, je tiens avant toute chose à exprimer ma joie et ma gratitude envers les personnes qui ont rendu ceci possible et remercier les artistes, les techniciens et tous ceux qui encadrent le spectacle vivant de leur patience, de leur enthousiasme et de leur incroyable force de résilience. Je tiens aussi à remercier nos spectateurs et spectatrices, qui tout au long de l’année écoulée sont restés fidèles aux institutions culturelles et ont fait preuve de bienveillance, de curiosité et d’une réelle envie de communion avec les artistes et équipes des théâtres. Que cette nouvelle année nous permette tout doucement de tourner la page d’une année 2020 éprouvante pour nous tous et que cette réouverture nous offre des retrouvailles en toute sérénité et sécurité autour du spectacle vivant !"
Les consignes appliquées au Luxembourg sont désormais bien connues et ont été éprouvées y compris dans les pays où les théâtres restent fermés :
Port du masque dans tout le théâtre (y compris durant les représentations), solution Hydroalcoolique, distanciation de 2 mètres, tickets numériques ou à imprimer chez soi, ouverture des portes 30 minutes avant le début du spectacle, places assignées, vestiaire fermé, sortie cadencée par le personnel
C'est ainsi au Luxembourg que peuvent se créer des spectacles dont l'inauguration était prévue ailleurs, ce fut ainsi le cas pour la pièce de théâtre Breaking the Waves (d'après le scénario de Lars von Trier) qui aurait dû commencer à Toulon et Marseille. Le Grand Théâtre du Luxembourg peut désormais reprogrammer effectivement ses spectacles précédemment annulés (Habiter le temps, Trissotin ou Les Femmes Savantes, Paper Music). Si quelques spectacles y sont toutefois annulés, c'est en raison de l'impossibilité de créations dans d'autres pays, et/ou de trajets d'artistes internationaux.
Ironie et clin d'œil du sort : Les Théâtres de la Ville de Luxembourg ont refermé le mois de janvier en représentant "Moulins à Paroles", viennent tout juste de proposer en toute légalité "Hors la loi" mise en scène de Pauline Bureau, confirment la représentation le 24 février des "Fronatlières" (anagramme des Frontalières, seules qui puissent rentrer du Luxembourg en France sans présenter de test PCR) et confirment aussi les représentations d'On ne badine pas avec l'amour. Car au Luxembourg, on ne badine pas avec les consignes sanitaires, et on ne badine pas avec la culture.
Côté Opéra, Luxembourg a rendez-vous en avril avec Ariane à Naxos par Katie Mitchell (notre compte-rendu de la première aixoise), Macbeth Underworld Pascal Dusapin (notre compte-rendu de la première bruxelloise) et Sibyl par William Kentridge.
Le Luxembourg qui peut être un lieu d'exil fiscal (pour des artistes aussi) pourrait ainsi devenir un lieu d'asile artistique pour les spectateurs. C'est l'autre sens du voyage qui pose désormais problème puisqu'il faut montrer un test PCR négatif afin de rentrer en France, tandis que seule l'entrée par transport aérien au Luxembourg est conditionnée à la présentation d'un test négatif, et le test antigénique suffit.