L'Opéra continue en Australie
L'Opéra d'Australie à Sydney avait dû fermer ses portes le 14 mars 2020, soir de la deuxième représentation d'Attila mais l'institution et le pays comptant sur les 60.000 emplois et les 50 milliards de dollars que la culture apporte à l'économie nationale (sans parler de son rôle sociétal essentiel) permet à l'art de prendre en ce moment sa revanche sur le destin et à l'opéra de montrer le sérieux de ses dispositifs en présentant au public un autre Verdi, Ernani également (en co-production avec La Scala, qui doit pour sa part rester fermée au public, comme presque tous les théâtres en Europe et dans le monde).
La réouverture lyrique australienne avait déjà été célébrée du 5 au 16 janvier 2021 avec La Veuve joyeuse, opérette de Franz Lehar qui illumine traditionnellement les fêtes, qui l'a fait à nouveau en streaming ailleurs, mais en vrai à Sydney. La réouverture océanienne s'appuie sur deux piliers : tests universels pour les artistes et protocole pour les spectateurs.
Le recours massif aux tests antigéniques rapides (donnant leur résultat en 15 minutes) permet en effet de tester tous les musiciens (y compris lorsque leur nombre dépasse la centaine sur un spectacle comme Ernani avec solistes, chœurs et orchestre). Le test antigénique n'est pas utilisé en opposition au test PCR (résultats en 48h), mais en plus et souvent en supplément puisque ce dernier peut être imposé dans le cadre d'activités professionnelles ou communautaires dans ce pays. "Les deux tests sont des co-vedettes et pas des divas exclusives", explique ainsi le Docteur épidémiologiste Henning Liljeqvist à nos confrères du Sydney Morning Herald. Le médecin avisé recommanderait d'ailleurs volontiers l'usage de ces tests pour les passagers de compagnies aériennes (rappelant que la norme ailleurs dans le monde consiste à interdire les théâtres où les spectateurs sont distanciés mais à autoriser sans aucun contrôle tous les types de transports, pleinement remplis).
Dans l'opéra, nulle turbulence apparente, alors que l'institution annonce pourtant un taux d'occupation en salle à 75% mais demande aux spectateurs de garder le masque et de toujours regarder en face d'eux. Les ventes de billets par deux sont privilégiées mais quelques billets individuels peuvent être proposés et des spectateurs peuvent être assis à côté de personnes qu'ils ne connaissent pas (les spectateurs sont toutefois enregistrés pour retracer les éventuels cas contacts). La maison n'impose pas non plus une entrée selon le placement en salle (ni de placement en fonction de l'ordre d'arrivée) et des spectateurs déjà installés peuvent donc devoir laisser passer d'autres spectateurs accédant à des sièges plus centraux.
Les bars du théâtres sont même ouverts avant les spectacles (mais pas aux entractes), les consommations devant se faire assis aux endroits aménagés pour maintenir les distances (mais peuvent dans la plupart des cas être amenés en salles). Les spectateurs sont également invités à privilégier des modes de transports individuels (le tarif du parking a été réduit à 10 $) pour minimiser l'affluence dans les transports publics (selon des recommandations gouvernementales).
L'Australie a certes connu elle aussi deux vagues épidémiques mais avec des chiffres sans commune mesure avec nos latitudes : un pic à 400 cas détectés par jour en mars, 700 en août, et la courbe s'est effondrée depuis septembre, descendant et restant à une dizaine de cas quotidiens. Le pays compte 25 millions d'habitants (soit, certes, une densité globale de 3,27 habitants / km², contre 105 en France), dont 70% vivent dans les six plus grandes villes du pays (5,5 millions d'habitants à Sydney, 5 millions à Melbourne, 2,3 millions à Brisbane, 2 millions à Perth, 1,7 à Auckland, 1,3 million à Adelaïde), où les concentrations d'habitants sont donc élevées.
Les œuvres sont donc rendues au public, et dans leur forme pleine et entière : 2 heures 55 minutes avec deux entractes pour La Veuve joyeuse, 2h25 avec un entracte pour Ernani. Les australiens peuvent aussi réserver pour voir Tosca en février-mars, Le Château de Barbe-Bleue en mars, La Traviata en mars-avril, puis même un Ring et Aïda après l'été.
L'Opéra d'Australie connaît ainsi des hauts mais certes aussi des bas (l'île est d'ailleurs surnommée en anglais "Down Under"). L'institution a en effet licencié des musiciens l'année dernière (au plus haut de la vague pandémique), leur versant des "dizaines de milliers de dollars dans des accords confidentiels" comme le révèle le Guardian, mais l'un des musiciens ayant refusé l'accord amiable engage une procédure judiciaire en dénonçant vertement les méthodes managériales de la maison, notamment en temps de crise.
L'Opéra d'Australie reste aussi traumatisé par la construction de son nouveau bâtiment, certes devenu un symbole du pays dans le monde entier, mais dont le coût de construction initialement estimé a explosé (passant de 6 à 85 millions d'euros), avec un résultat acoustique considéré comme catastrophique. La grande salle est d'ailleurs fermée depuis février 2020 pour des travaux de deux ans et un coût de 170 millions d'euros, visant notamment à améliorer l'acoustique (ainsi que la logistique et l'accessibilité : car l'Opéra de Sydney a la chance d'avoir besoin d'être accessible).
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