Installé au sein d’une ancienne caserne militaire du XVIIIème siècle réaménagée, classée Monument historique notamment pour son superbe escalier central, le Centre national du costume de scène de Moulins ouvert en 2006 attire de plus en plus de visiteurs (en temps ordinaire). Il conserve, expose et explicite une collection unique au monde de plus de 10.000 costumes de théâtre, opéra et danse provenant des dépôts des institutions à l’initiative du projet : la Bibliothèque Nationale de France, la Comédie Française et l’Opéra national de Paris. Les pièces les plus anciennes datent des 18ème et 19ème siècles. De nombreux dons d’artistes, de compagnies ou de particuliers sont venus depuis enrichir le fonds. En 2013, le dépôt par ses héritiers de la collection du danseur et chorégraphe Rudolf Noureev, composé d’un ensemble de 3.500 pièces, a ainsi permis l’ouverture de plusieurs salles permanentes dédiées à sa mémoire. De riches expositions temporaires sont par ailleurs organisées chaque année (nous y étions l’année dernière pour “Habiller l’Opéra” à l’occasion des 350 ans de l’Opéra de Paris). 

Un nouveau bâtiment de la caserne se trouve actuellement en cours de travaux pour une ouverture programmée au premier semestre 2022. Ce nouvel espace, en dehors de possibilités supplémentaires de stockage, sera entièrement consacré à la scénographie, de sa conception à sa réalisation. Il complétera de façon naturelle les vastes emprises déjà réservées aux costumes. 

Préfigurant cette nouvelle destination, le CNCS a souhaité rendre hommage à l’artiste franco-grec Yannis Kokkos. Sa carrière s’étend déjà sur une période productive de 55 années, ce depuis son arrivée en France en 1963. Elle se trouve répartie en deux phases très complémentaires. La première remonte à 1965 et se trouve consacrée à la scénographie proprement dite et à la création de costumes de nombreux spectacles, notamment auprès d’Antoine Vitez au Théâtre National de Chaillot. 

La seconde phase s’ouvre en 1987 avec sa première mise en scène de théâtre, La Princesse Blanche de Rainer Maria Rilke, dont il signe, comme pour toutes ses productions ultérieures, décors et costumes. 

Il aborde ensuite l’opéra avec une production de Boris Godounov de Modeste Moussorgski en 1989 au Théâtre Communal de Bologne, qui fera date. Elle sera reprise à l’Opéra Bastille deux ans plus tard. 

Dès lors, les mises en scène d’ouvrages lyriques se succèdent, entre autres en France : La Damnation de Faust puis Les Troyens d’Hector Berlioz au Théâtre du Châtelet respectivement en 1990 et 2003 en lien avec John Eliot Gardiner, Tosca aux Chorégies d'Orange, la création française de Mort à Venise de Benjamin Britten et plus récemment Turandot de Puccini à l’Opéra de Nancy. 

Sa nouvelle production de Lucia di Lammermoor de Donizetti devait ouvrir le 7 décembre dernier la saison de La Scala de Milan. Mais les conditions sanitaires en Italie ont interrompu les répétitions de l’ouvrage au bout de 15 jours. Une nouvelle date de présentation semble avancée pour le printemps prochain, mais toujours selon les contraintes liées au Covid 19. 

L’exposition proprement dite s’articule autour d’une centaine de costumes issus du fonds du CNCS et de prêts extérieurs dont la Comédie Française, l’Opéra national de Paris, le Grand Théâtre de Genève, La Scala de Milan, le Capitole de Toulouse. Elle se trouve complétée par des dessins et des maquettes de décors, des photographies de scène et par des extraits audiovisuels de spectacles conçus par Yannis Kokkos (Les Troyens, Boris Godounov, Turandot pour l’opéra). Sous la supervision de Kokkos lui-même, de son épouse et collaboratrice Anne Blancard et de Catherine Treilhou-Balaudé, commissaire de l’exposition, le scénographe Nicolas Sire a réalisé un parcours atypique se répartissant sur 13 salles successives. Délaissant la chronologie habituelle, il propose un cheminement allant de l’intimité de la création et de la pensée préalable du créateur, aux grands enjeux de la réalisation et de la mise en œuvre. L’univers méditerranéen de Yannis Kokkos, son recours aux couleurs primaires mais aussi au monde animal très présent dans ses configurations, l’influence japonaise, se trouvent ainsi exposés et dévoilés. Les créations pour le théâtre, l’opéra et la danse se trouvent ainsi mélangées, voire confrontées comme pour la robe d’Iphigénie de Racine et celle de l’Iphigénie en Aulide de Gluck. 

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Le costume chez Yannis Kokkos peut prendre une dimension hiératique et emblématique -celui somptueux du Pape dans La Vie de Galilée de Bertolt Brecht à la Comédie Française ou celui de la Toison d’Or dans Medea de Cherubini au Capitole de Toulouse-, voire drainer toute une fantasmagorie particulière -costumes et masques étonnants des oiseaux dans l’opéra éponyme de Walter Braunfels d’après Aristophane, à Genève. Il peut aussi se simplifier jusqu’à l’extrême, notamment au niveau de la danse. 

Ce parcours ponctué de belles vitrines d’exposition se termine par un vaste ensemble intitulé Odyssées, où l’ambiance maritime prend toute la place avec des costumes issus du Vaisseau fantôme de Wagner, d’Iphigénie en Aulide de Gluck à La Scala, d’Odyssey, le magnifique ballet de John Neumeier. 

Cette exposition devait ouvrir primitivement ses portes au public le 15 décembre 2020. Elle reste en attente des nouvelles dispositions sanitaires du gouvernement. Elle se prolongera jusqu’au 25 avril prochain, et même possiblement au-delà selon les circonstances. Feront suite pour de nouvelles festivités au CNCS, le Festival de Rio, une exposition sur les marionnettes, puis courant 2022, une vaste rétrospective dédiée à Molière dans le cadre des commémorations marquant le 400ème anniversaire de sa naissance. Il convient de noter par ailleurs la parution aux éditions Actes Sud d’un livre imposant et abondamment illustré, rédigé par Yannis Kokkos lui-même et dénommé Scènes. Il ne s’agit pas du catalogue de l’exposition, mais d’un ensemble de souvenirs et d’hommages particulièrement émouvants sur toute sa carrière. Il se trouve complété par une chronologie exhaustive des spectacles auxquels Yannis Kokkos a collaboré.