La culture vivante toujours fermée en janvier
Nouvelle Année 2021, mêmes “décisions”
L’année nouvelle ressemble encore et toujours à l’ancienne : Jean Castex, après avoir présenté ses vœux aux Français, impose aux lieux de culture vivante (entre autres) la résolution de rester fermés. Les annonces en ce jour consistent donc en une prolongation des décisions prises précédemment : tout ce qui était fermé restera fermé en janvier, tout ce qui a permis à l’épidémie de prospérer ces dernières semaines restera ouvert.
Le rituel est devenu tristement prévisible : le fait que les annonces soient confiées au Premier Ministre signifiait d’emblée que les nouvelles seraient mauvaises. Même si les lieux de culture ont prouvé depuis le début de la crise et continuent de prouver qu’ils sont moins dangereux et mieux préparés qu’ailleurs, qu’ils savent mieux gérer des flux et des déplacements infiniment moins dangereux et désordonnés qu’ailleurs, leurs efforts titanesques consentis depuis le début de la crise ne sont toujours pas suivis de faits.
Ce qui était fermé restera fermé en janvier
La conférence de presse n’avance toujours aucun argument pour justifier ces mesures de fermeture et elles confondent une fois encore les lieux de culture avec tous les autres, quels que soient la dangerosité des activités (permettent-elles le port du masque, la distanciation, engendrent-elles des contacts ?), la configuration des lieux, la situation selon les territoires, la qualité des protocoles, la formation des personnels, etc : “Toutes les activités, tous les établissements et équipements aujourd'hui fermés le resteront jusqu'à la fin du mois. Les lieux culturels ne connaîtront aucun assouplissement dans les semaines qui viennent.”
Les lieux de culture restent donc victimes d’une situation sur laquelle ils ne peuvent agir, de l’évolution d’une pandémie à laquelle ils ne contribuent pas. D’autant qu’une fois encore, les annonces et réponses arrivent à la dernière minute (ajoutant autant de complexité et de souffrance au monde de la culture qui a par définition besoin d’anticiper pour créer, répéter, re-programmer). Ce 7 janvier avait été annoncé comme jour de “revoyure”. Mais aucune “revoyure” n’a réellement eu lieu. Surtout, le sort des salles de spectacles était scellé depuis plusieurs jours déjà : le Porte-Parole du Gouvernement annonçait (sans davantage d’explication ni de perspectives), voici une semaine, que les salles ne rouvriraient probablement pas, puis confirmait cette décision, avant que la Ministre de la Culture n’admette en interview sur RTL qu’il est “difficile de donner des perspectives aux professionnels de la Culture, car nous n’avons pas de visibilité sur l’évolution de l’épidémie”.
De fait, le Premier Ministre Jean Castex emploie désormais un élément de langage inauguré par sa Ministre de la Culture (lorsqu’elle prenait acte de la décision du Conseil d’Etat) : l’objectif est d’attendre “selon l'évolution de la situation sanitaire” et de préparer grâce à des concertations, “les conditions d’une ouverture encadrée et progressive”. L’objectif annoncé est de “donner de la visibilité”, avec un point le 20 janvier prochain, dans l’espoir d’une hypothétique réouverture début février. Mais ces décisions n’offrent que trois semaines de certitude (celle d’être fermés) et tous les lieux de culture vont donc encore et toujours devoir s’organiser pour préparer une reprise en février, qui a peu de chances d’avoir lieu. Les responsables politiques, à commencer par la Ministre de la Culture, justifient les décisions de ne pas rouvrir comme une volonté de ne pas imposer aux lieux de culture un “Stop & go” (enchaîner des périodes de fermeture et de réouverture), sauf que la période de “visibilité” est tellement courte qu’elle impose aux acteurs culturels un permanent “Stop & don’t go” (ne cesser de préparer des spectacles pour ne pas les jouer).
Surtout, le Gouvernement ne changeant ni sa logique, ni son raisonnement, ni ses indicateurs, il n’y avait aucune raison que les mesures puissent changer : cette décision de maintenir la fermeture des salles ne constitue une surprise pour personne. Comme nous l’indiquions déjà début décembre, aucune mesure n’avait été prise concernant les lieux qui ont eu droit de rouvrir, et qui donc sont responsables de la propagation du virus. Le maintien des problèmes existants, l’ajout du déconfinement et des écarts prévisibles lors des fêtes de fin d’année, ne pouvaient donc laisser aucune chance de réouverture début janvier. Aucune nouvelle mesure n’étant prise aujourd’hui, la probabilité que ces chiffres s'améliorent suffisamment d’ici début février est également très faible. Autrement dit, la visibilité réclamée par les directeurs d’opéra aurait pu leur être apportée en fermant dès le mois de décembre jusqu’au mois de mars. La déception aurait été grande, bien sûr, mais les institutions auraient été préservées du “supplice de la baignoire” décrit par le Directeur de l’Opéra de Saint-Etienne. L’incompréhension n’aurait en tout cas pas été plus grande qu’elle ne l’est aujourd’hui parmi les professionnels du secteur. De nombreux responsables de théâtres, opéras, salles de concerts et autres nous confient ainsi leur lassitude extrême, la peur du terrible découragement parmi leurs équipes, et en viennent eux-mêmes à souhaiter que le Gouvernement leur annonce une fermeture complète jusqu’au printemps.
La seule perspective offerte aujourd’hui au secteur de la culture est celle, souvent annoncée ces dernières semaines mais jamais précisée, d’un modèle de réouverture pérenne, non dépendant des conditions sanitaires. À ce stade, nous n’avons pas obtenu de la part du Ministère de la Culture d’explication sur ce à quoi ressemblerait un tel protocole, les mesures déjà mises en place par les théâtres, opéras ou cinémas étant déjà considérées par tous comme apportant une très grande sécurité aux spectateurs (et de fait, aucun foyer de contamination n’a à ce jour été identifié dans l’une de ces salles). Aucun échéancier n’est disponible non plus, près d’un mois après la première annonce d’un tel dispositif, près d’un an après le début de cette crise sanitaire.