Salle modulable à l’Opéra de Paris : un projet refinancé et programmé mais toujours incertain
L’Opéra Bastille a fêté ses 30 ans l’année dernière, notamment avec une bonne nouvelle : ce grand projet architectural et artistique devra être enfin achevé par l'occupation d'un espace voué dès l'origine à la musique contemporaine mais qui fut laissé vide. En effet, comme le rappelle le nouveau Directeur des lieux, Alexander Neef : “Cette salle modulable est l'aboutissement du projet Bastille, ce qui a pour moi une certaine importance : ce site où nous sommes aujourd'hui avait été conçu avec une très grande salle et une salle modulable. Mon intérêt est donc fort de revenir au projet de l'architecte Carlos Ott, en l’adaptant au XXIe siècle.” Le choix des architectes ayant été fait, le projet a été bouclé et lancé dans son organisation, depuis l’intérieur de la salle jusqu’à son lien extérieur entre l’Opéra et le Viaduc des Arts prolongeant la promenade plantée.
Présentation complète de cette salle de 820 places
Tout en expliquant être conscient des nombreuses “discussions” persistantes au sujet de cette salle modulable, Alexander Neef explique avoir hérité de ce projet l’année dernière alors qu’il était nommé Directeur préfigurateur de l’établissement (et a fortiori sachant que Stéphane Lissner était déjà tourné vers son nouveau poste à Naples). Mais bien évidemment le projet pour la salle modulable devait figurer dans le dossier présenté et soutenu par Neef pour son recrutement à l’Opéra de Paris. Le nouveau Directeur est ainsi en mesure de nous dévoiler d’ores et déjà ses visées artistiques : “nous avons beaucoup travaillé sur ce concept. Après ce travail, je suis convaincu que ce projet peut être extrêmement bénéfique pour la maison, pour beaucoup de raisons.
Nous sommes en train de le dessiner. D'abord nous ne voulions pas une troisième salle à l'italienne puisque nous en avons déjà deux, mais un grand volume beaucoup plus flexible, des configurations différentes pour produire ce que nous ne pouvons pas faire dans les grandes salles en termes de répertoire d'opéra et de créations. Ce qui m'intéresse beaucoup également, ce sont les formes de théâtre musical non-européennes qui répondent à la diversité de la société française aujourd'hui. Le travail que Bernard Foccroulle a fait par exemple au Festival d'Aix-en-Provence autour de la Méditerranée m'a beaucoup impressionné. C'est aussi le lieu et le moyen d'ouvrir l'opéra à ceux qui ne sont pas nos publics traditionnels. Nous avons surtout l'idée d'inviter des compagnies jeunes, lyriques et chorégraphiques (et pas uniquement parisiennes). Nous ferons ce travail avec les forces de la maison et la rencontre d'artistes invités.
Ce projet m'intéresse car il est complémentaire de celui de nos grandes salles, pour ouvrir plus largement l'éventail au public et pour créer une trajectoire d'accessibilité beaucoup plus décontractée, depuis cette salle modulable jusque vers les grandes salles.”
Reste à s’assurer que ce projet (dont l'inauguration initialement prévue au premier semestre 2023 est désormais repoussée à début 2024) soit bel et bien financé, au moins dans sa construction, sachant qu'il a ensuite vocation à générer des ressources propres pour l’établissement, avec des espaces dédiés à l’événementiel, la création d’un nouveau restaurant rue de Lyon et des privatisations que confirment le nouveau Directeur, en rappelant que c’est déjà le cas pour tous les espaces à l’Opéra de Paris.
Le budget initial était chiffré à 59 millions d'euros, financés principalement par une subvention d’investissement de l’État. Une contribution de l'Association pour le Rayonnement de l’Opéra de Paris (l’AROP) s’était également fixé comme objectif une levée de fonds de 4 millions d’euros, sauf que cette somme avait été progressivement revue à la hausse tandis que les ressources globales de mécénat étaient revues à la baisse.
Alexander Neef conclut ainsi (pour l'instant) sur le sujet de la salle modulable et de la subvention exceptionnelle allouée par le Ministère (mais qui n'est pas du tout un financement exceptionnel puisque la salle modulable était budgétée avant-Covid) : “Les 20 M€ d'euros restants seront la dernière tranche de financement pour la salle modulable. Nous avançons concernant ce dossier, sur lequel se penche aussi la mission confiée par la Ministre à Georges-François Hirsch et Christophe Tardieu. C’est très important de savoir que, si ce projet est confirmé, il sera aussi financé.”
Si avec des “si” on met Paris en bouteille : reste à savoir si l’on remettra Bastille en musique.