L'Opéra sur un terrain de basket-ball pour permettre la rentrée culturelle à Bologne
Les chaussures de sports seront remplacées par des chaussons de ballet, le bruit du cuir rebondissant sur le parquet et le feulement des filets cèderont la place à l'orchestre et aux chanteurs : pour sa rentrée, l'Opéra de Bologne investit le PalaDozza (nommé ainsi en l'honneur de Giuseppe Dozza, maire de la ville entre 1945 et 1966) et surnommé Il Madison (en référence à la légendaire salle du Madison Square Garden, accueillant notamment les matchs des New York Knicks en NBA). Le PalaDozza est dédié au basket-ball (il est le terrain de domicile des deux équipes locales, Virtus et Fortitudo Bologna) mais il accueille aussi parfois d'autres rencontres sportives ainsi que des concerts de musiques pop, jazz ou rock (Duke Ellington, Paul Gonsalves, Dizzy Gillespie, Charlie Mingus, Ella Fitzgerald, Ray Charles, les Rolling Stones ou encore Jimi Hendrix).
Pour l'automne 2020, pour permettre à la culture de reprendre ses droits en respectant les distances sanitaires tout en maintenant une jauge conséquente (le Théâtre de Bologne dispose ordinairement de 1.034 places soit 5 fois moins que le PalaDozza), ce palais des sports deviendra temple musical, lyrique et chorégraphique.
Ce changement de lieu permet ainsi une série de reports (pour des concerts précédemment annulés), mais aussi d'anticipations dans une vaste reconfiguration pro-active. Le coup d'envoi sera donné le 28 septembre par le chef Hirofumi Yoshida et l'Orchestre du Théâtre Communal de Bologne accompagnant la soprano Jessica Pratt. Ce concert était initialement prévu le 26 avril, et c'est ensuite un concert prévu le 16 novembre qui est avancé au 12 octobre : celui dirigé par Roberto Abbado avec le pianiste Alexander Melnikov. Trois jours plus tard, Yoel Levi dirigera le pianiste Michail Lifits. Trois autres rendez-vous sont en outre confirmés, comme prévus : Stefano Bollani dans le double rôle de chef d'orchestre et de soliste, Pinchas Steinberg avec le pianiste Federico Colli, Oksana Lyniv avec le violoniste Stefan Milenkovich.
L'opéra reviendra le 29 septembre grâce à L'Élixir d'amour de Donizetti dans une forme semi-scénique signée Pablo Maritano (qui devait reprendre à Bologne en avril dernier sa mise en scène représentée à Tenerife en octobre 2019). Une double distribution permettra de proposer 6 représentations en 9 jours : sous la baguette de Jonathan Brandani, Maria Rita Combattelli et Beatriz de Sousa Chaveiro alterneront pour incarner Adina, aimées tour-à-tour par Klodyan Kacani et César Arrieta en Nemorino, Givi Gigineishvili et Matteo Andrea Mollica en Docteur Dulcamara et rivalisant avec les Belcore Alberto Bonifazio / Jacobo Ochoa Piedrahita le tout sous les regards de Sofìa Esparza Jàuregui / Leonora Tess (Giannetta).
Madame Butterfly de Puccini annulée en février dernier viendra en version de concert (pour des raisons logistiques) les 18, 20 et 21 octobre sous la direction de Pinchas Steinberg. Le couple tragique sera joué par Karah Son / Svetlana Kasyan et Angelo Villari / Raffaele Abete avec Cristina Melis (Suzuki), Dario Solari / Gustavo Castillo (Sharpless), Cristiano Olivieri (Goro), Luca Gallo (Yamadori), Nicolò Ceriani en Bonze.
Couple tragique également, celui d'Otello et Desdemona (et Iago) de Verdi incarnés en novembre par de grands noms : Gregory Kunde, Mariangela Sicilia / Federica Vitali, Franco Vassallo / Angelo Veccia sous la direction d'Asher Fisch et dans une mise en scène (Gabriele Lavia) conçue spécifiquement pour les espaces du PalaDozza. La danse sera également à l'honneur avec un ballet intitulé Quatre Saisons, là où le cœur vous mène remplaçant Lucrezia Borgia (Le Presbytère n'a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat de Maurice Béjart prévu aux même dates d'octobre n'aura pas lieu).
L'Opéra de Bologne confirme également qu'il retrouvera son théâtre en décembre, avec La Bohème de Puccini (mise en scène de Graham Vick, Francesco Ivan Ciampa dirigeant Benedetta Torre / Karen Gardeazabal, Valentina Mastrangelo / Nina Solodovnikova, Rame Lahaj / Francesco Castoro). Suivront des concerts dirigés par James Conlon et Ryan McAdams et pour finir l'année en Gala de danse les 29, 31 et 31 décembre : Les Étoiles (parade de danseurs internationaux célébrant le grand répertoire).
Bologne rejoint ainsi une trinité italienne de théâtres lyriques qui maintiennent vaille que vaille un très attrayant programme artistique en investissant d'autres lieux : comme Rome l'a fait sur un hippodrome et comme Naples Place du Plébiscite. Le San Carlo de Naples où Stéphane Lissner a anticipé sa prise de fonctions d'un an tout en restant Directeur pour quelques mois à l'Opéra de Paris, qui ne propose quant à lui aucune initiative de ce genre. Le Palais Garnier a certes rendu hommage aux soignants les 14 et 15 juillet derniers et le Directeur musical Philippe Jordan s'est battu pour représenter la tétralogie en version concertante cette année, des villes comme Nice ou Vichy offrent un riche programme culturel estival, mais les Chorégies d'Orange ont décidé d'enregistrer une émission sans public et dans l'ensemble notre pays attend encore et toujours des initiatives artistiques et des décisions politiques claires : notre nouvel article dresse justement le champ des possibles pour ce faire.