Concert Sacré au Festival lyrique-en-mer de Belle-Île édition 2020
Pour le format réduit covid-19 de ce festival lyrico-maritime breton, son Directeur musical Philip Walsh propose une série de concerts avec un récital sur Reynaldo Hahn (notre compte-rendu), une Schubertiade, le concert jeune public en hommage à l'anniversaire de Beethoven, tout comme la soirée de musique sacrée dans l'église de Bangor. Comme la tradition le prescrit, ce choix artistique du programme met en scène une variété de compositeurs et d'interprètes, qui traduisent à juste titre le caractère "international" de cet événement belle-îlois. À son crédit s'ajoute une pléiade de jeunes artistes qui reviennent régulièrement et dont le développement musical est suivi de près par le public festivalier depuis ces dernières années. Enfin, les œuvres de Bach, Haendel et Pergolèse à l'affiche complètent la gamme d'éléments internationaux.
La soprano Louise Pingeot chante la partie soliste du Stabat mater de Pergolèse, où elle débute d'un pas mal assuré et vacillant. Les aigus sont quelque peu aérés et sans appui, tendus et parfois glissant dans les attaques. La voix est tendre et légère, mais très stable dans le registre médian, avec un phrasé solide comme la prononciation du latin et de l'anglais (dans l'air de Haendel), sans failles.
Son duo avec Éléonore Gagey révèle un déséquilibre entre les deux solistes, la mezzo française étant très discrète et réservée dans les numéros à plusieurs voix (notamment dans la cantate de Bach). En revanche, cette timidité disparaît dans la prestation soliste, où sa ligne boisée aux graves ronds se déploie pleinement, mais sans pourtant puiser son potentiel entier. Les exploits de sa voix poitrinée sont pourtant retentissants et sonores, alors qu'elle phrase ses séquences mélodiques assez élégamment, tout en veillant à une articulation propre même si les mots restent par moments imperceptibles.
La soprano Lauren Urquhart se démarque par ses cimes perçantes et lumineuses, qu'elle met en valeur tout au long de la soirée. La palette dynamique est plutôt monochrome et son instrument vocal peine à dépasser l'orchestre dans les forte. Le son juvénile et radiant, appuyé sur un souffle solide, atteint néanmoins son zénith dans l'air de Haendel ("Rejoice greatly, O daughter of Sion"), après son début moins convaincu pour Bach.
Jean Miannay (récemment à l'affiche télévisée du Gala aux Chorégies d'Orange vides) se présente par un ténor chaleureux et arrondi, un instrument puissant qui ne manque pas de s'afficher. De ce fait, il tend constamment à surpasser la phalange en intensité par une projection droite et retentissante, bien qu'elle soit légèrement forcée. D'une part, sa voix se montre moins souple dans les vocalises et fioritures mélodiques, mais d'autre part elle révèle une sensibilité musicale qui se reconnaît, entre autres, par les fines gradations dynamiques.
La voix de basse de son collègue Andrew Nolen repose sur une assise bien posée et étoffée, sans pourtant être trop assombrie. Le registre supérieur est fragile, les notes y sont poussives au point de nuire à la durée du souffle. La prononciation (hormis l'anglais, sa langue maternelle) ne parvient pas toujours à rendre les paroles intelligibles.
Philip Walsh dirige son ensemble chambriste de cordes (cinq musiciens) tout en jouant les orgues. La phalange garde la cohésion rythmique le long du concert, mais couvre souvent les chanteurs, créant ainsi une disproportion sonore qui se fait sentir surtout dans les passages mezzo-forte. Le chœur des solistes réuni dans la cantate de Bach ("Der Vert denket an uns", BWV 196) se manifeste peu précis, le son des voix particulières est difficilement distinct. Pourtant, les musiciens accompagnent assurément les solistes et forment un ensemble compact qui résonne délicatement sous les voûtes de l'église de Bangor à moitié vidée (par les mesures sanitaires).
Tous les artistes recueillent ainsi les longs applaudissements du public enthousiaste, mélomanes belle-îlois et vacanciers, venus apprécier l'art de la musique baroque sacrée.