La saison 2020/2021 du renouveau pour l’Opéra de Nice
Dans une interview donnée à Nice Matin suite à l’annonce de sa nomination, Bertrand Rossi décrivait le besoin de “montrer que l’opéra n’est pas un art du passé, ringard et poussiéreux. Il faut le prouver par des mises en scène visionnaires.” De retour à l’Opéra de Nice Côte d’Azur 20 ans après ses débuts en tant que régisseur et une carrière saluée à l’Opéra National du Rhin, il entame sa première saison en tant que Directeur général des lieux en signant une programmation sous le signe de la nouveauté (qu’il avait esquissée au cours de surprenants petits-déjeuners à l’opéra, nous y étions) et de la jeunesse.
Sa prise de fonctions ne date que de janvier dernier, il inaugure pourtant une série d’initiatives innovantes, avec pour ambition de bouleverser les habitudes de l’institution et des codes de l’univers lyrique. Dans la continuité des petits-déjeuners à l’opéra ce sont aussi des Afterworks et Dîners sur scène en compagnie des artistes qui seront proposés au public niçois dès février 2021. Et parce qu’il n’y a pas d’âge pour faire de belles rencontres, les mélomanes en herbe seront eux aussi invités à échanger avec les artistes lors des rendez-vous “Viens avec ton Doudou” (de 0 à 8 ans) ou “Viens avec ton Smartphone” (de 9 à 15 ans). Toujours dans une perspective de mise en contact entre spectateurs et œuvres, les Face à Face proposés la veille de chaque première permettront de rencontrer metteurs en scène, chefs et chanteurs pour mieux comprendre leur démarche artistique.
Bertrand Rossi met également un point d’honneur à décloisonner l’opéra en réhabilitant la tradition du carnaval qui lui est chère à l’occasion d’un bal masqué “Le Veglione” ouvert au grand public. C’est aussi par une initiative hors les murs que le directeur entend se donner les moyens d’atteindre un large public : prévu pour l’été 2021, Opera Beach permettra d’assister aux rediffusions de grandes productions lyriques, symphoniques et chorégraphies sur grand écran, les pieds dans le sable. L’ouverture s’entend aussi au sens stylistique par la programmation de trois concerts jazz en partenariat avec le Conservatoire de Nice. Par ailleurs, une riche saison symphonique mettra en avant les talents de l’Orchestre Philharmonique de Nice en présence de solistes lyriques tels que Julie Adams, Luca Lombardo et Richard Rittelmann.
Circo ! la nouvelle production et création mondiale de la metteuse en scène Magali Thomas et du compositeur Sergio Monterisi répond au défi majeur énoncé par Bertrand Rossi : atteindre un public plus jeune. Par cet opéra participatif, les enfants des écoles sont invités dans la deuxième scène de l’Opéra, la Diacosmie, transformée pour l’occasion en un cirque imaginaire par la magie des décors virtuels signés par Machina Films. Répondant à l’appel de Monsieur Loyal (Magali Thomas), ils sont invités à chanter et s’émerveiller aux côtés du Clown Blanc (Thomas Morris), du Clown Auguste (Gilles San-Juan) et autres figures du cirque traditionnel telles que la Trapéziste et la Dresseuse de Chevaux (Michelle Canniccioni) pour un opéra sur piste, à mi-chemin entre nostalgie et modernité.
Le registre de la modernité est également convoqué dès le premier opéra programmé, Akhnaten de Philip Glass, où scènes historiques de l’Égypte ancienne rencontrent musique minimaliste de la fin du XXème siècle. À la direction musicale, le public niçois retrouvera Léo Warynski, spécialiste de la musique contemporaine, et Lucinda Childs à la mise en scène et chorégraphie, elle même associée à la mouvance artistique minimaliste (en 1976, elle avait d’ailleurs participé à la légendaire production d’Einstein on the Beach à Avignon). Le rôle-titre du pharaon est interprété par le contre-ténor Fabrice di Falco, sa femme Nefertiti par la mezzo Julie Robard-Gendre (également à l’affiche du Théâtre de Caen). Dísella Làrusdóttir retrouve le rôle de la Reine Tye qu’elle avait déjà chanté au Met un an auparavant (notre compte-rendu).
L’Opéra de Nice entend également donner un coup de jeune à l’un des drames lyriques les plus célèbres en faisant appel à la nouvelle génération de chanteurs et chanteuses français : c'est le cas avec Werther. Sous la direction de Jacques Lacombe, Anaïk Morel prêtera sa voix à Charlotte, le jeune ténor Thomas Bettinger prendra le rôle-titre (notre compte-rendu de sa performance à l'Instant Lyrique aux côtés du baryton-basse Nicolas Cavallier) tandis que Catherine Trottmann incarnera Sophie. À la mise en scène, le tandem Sandra Pocceschi et Giacomo Strada visera à mettre en lumière toute l’actualité du drame intemporel de Massenet.
Le comédien et metteur en scène Kristian Frédric donnera vie à une autre pièce mettant la jeunesse à l’honneur et dans les tourments, La Bohème de Puccini et sa ribambelle de personnages hauts en couleurs : Mimi (Ruzan Mantashyan, également à l’affiche de l’Opéra de Vienne), Marcello (Mikhail Timoshenko), Musetta (Melody Louledjian aussi présente à Cannes pour la prochaine édition de Musical Guest) et Rodolfo (Luciano Ganci) dirigés par Giuliano Carella.
Dans une volonté de promouvoir le répertoire contemporain et l’innovation, l’Opéra de Nice Côte d’Azur s’engage cette année dans le Festival Manca en donnant carte blanche aux artistes en résidence. L’opéra de poche de Michèle Reverdy Le Cosmicomiche sera ainsi délivré par la metteuse en scène Victoria Duhamel, qui propose une adaptation à mi-chemin entre théâtre musical et opéra-bouffe. A partir de nouvelles tirées du traité d’astronomie d’Italo Calvino Un Segno Nello Spazio, et Tutto in un punto, elle propose à un public de tout âge une épopée spatiale aux côtés de Qfwfq, le premier homme ayant connu l’univers avant le Big-Bang et obsédé par l’idée de laisser une trace de son passage (Franecsco Biamonte). La soprano Mélanie Boisvert et la mezzo-soprano Albane Carrère l’accompagneront sur scène pour donner vie à ce conte cosmique dont nous avons rendu compte pour sa création à Toulon.
De la projection astrale à la projection vidéo, La Ralentie invite les spectateurs à explorer l’atmosphère onirique conçue par Pierre Jodlowski inspirée du texte éponyme du poète Henri Michaux. Au rythme des percussions de Jean Geoffroy, la soprano Clara Meloni déroule un récit explorant les frontières de l’intime et du vide.
Au cœur de la modernité de la programmation s’insèrent trois grands classiques séduisant les publics au travers des époques, et connus pour avoir révolutionné le monde de la musique en leur temps. La Dame blanche de François-Adrien Boieldieu, dirigée par Alexandra Cravero, allie les ingrédients d’un opéra-comique à succès : un romantisme noir avec l’Écosse des légendes fantastiques en toile de fond, mascarades et mélodies virtuoses portées par Amélie Robins dans le rôle d’Anna (après un passage en Anne Truelove dans The Rake’s Progress à Nice) aux côtés du ténor rossinien Patrick Kabongo débutant quant à lui en Georges Brown.
Notre compte-rendu de cette mise en scène signée Pauline Bureau à l’Opéra Comique de Paris
En Écosse toujours se déploie l’un des drames les plus fascinants de la littérature : Macbeth de Shakespeare, adapté par un jeune Verdi en quête de modernité en 1847 et remis au goût du jour sur la scène niçoise par György G. Rath et le metteur en scène Daniel Benoin. Le rôle-titre de l’ambitieux général sera tenu par Levente Molnár, aux prises avec son épouse despotique Lady Macbeth interprétée par Larisa Andreeva.
Dans la lignée des compositeurs désireux de rompre avec l’esthétique et les normes en vigueur, Wagner est un incontournable. L’Or du Rhin (Das Rheingold), premier volet de sa Tétralogie l’Anneau de Nibelung (aussi connu sous le nom de Ring) sera présenté à Nice dans une version concertante où Adam Horvath interprétera le Dieu Wotan et Emanuela Pascu sa compagne Fricka, Thomas Gazheli le nain Alberich et Arnold Bezuyen le demi-dieu du Feu Loge.