Le Teatro Municipal de Santiago du Chili lève le masque (sur sa saison 2021) mais pas son public
La première d’entre elles est Carmen Gloria Larenas, Directrice générale du Teatro Municipal de Santiago suite à la démission de Frédéric Chambert (lui-même ancien Directeur artistique du Capitole de Toulouse). Celle-ci a dû assumer sa prise de fonction dans des conditions extrêmement difficiles, quelques mois seulement avant l’apparition de la pandémie du Covid-19 en Amérique latine qui a entraîné l’annulation de toutes les saisons lyriques des principaux théâtres de la région.
Près de 10.000 morts et une quantité de personnes contaminées bientôt deux fois supérieures à celle de la France (pour une population globale presque quatre fois moindre) sont actuellement à déplorer au Chili, face à ce Coronavirus dont la propagation se poursuit de façon extrêmement préoccupante, très loin donc des situations de déconfinement qui ont cours en Europe. C’est dans ce contexte morose que l’annonce de la saison 2021 du Théâtre Municipal de Santiago, forme, comme le dit Carmen Gloria Larenas, des « retrouvailles à deux dimensions », d’une part au regard du vivre-ensemble dans le contexte de la pandémie avec de nouvelles règles qui s’imposent au théâtre et au public, d’autre part sous l’angle de la créativité et de l’émotion qui structurent cette nouvelle saison pleine d’espoir.
Bas les masques
C’est un public a minima qui assistera aux sept opéras programmés en 2021 en version de concert, ce choix étant vraisemblablement motivé par des raisons financières et sanitaires. Des mises en espace sont néanmoins prévues, un directeur artistique ayant été recruté pour chacun des spectacles. La sûreté des lieux et la sécurité des personnels du théâtre, des artistes et, naturellement, des spectateurs sont en effet les enjeux prioritaires dans l’organisation de cette saison. Les règles de distanciation sociale seront très strictes : un siège sur deux sera condamné dans les balcons, tandis qu’au parterre ce n’est pas un mais deux sièges vides qui sépareront les places individuelles et celles réservées aux couples (qui pourront rester côte à côte). À ces règles d’éloignement, qui restreignent considérablement la jauge d’une salle prévue pour accueillir normalement jusqu’à 1.466 personnes, se superposent le port obligatoire du masque pour le public, l’accès à du gel hydroalcoolique dans des endroits dédiés tandis que les employés accueillant les spectateurs seront pourvus de visières protectrices.
Haut les cœurs
Les sept opus de la saison 2021 sont des productions locales, interprétées à sept reprises chacune par la Orquesta Filarmónica et le Coro del Municipal de Santiago. Lucia, Carmen, la Reine de la nuit, Butterfly, Violetta : la reconquête des cœurs du public passera en grande partie par les grands rôles féminins du répertoire européen entre la fin du XVIIIe et le début du XXe siècle.
En mars, juste un an après l’apparition du virus, c’est la folie de Lucia di Lammermoor, chantée par la Biélorusse Nadine Koutcher (en alternance avec la Chilienne Patricia Cifuentes) qui fera vibrer le public, le Péruvien Ivan Ayon Rivas et l’Argentin Dario Schmunck seront Edgardo, Orhan Yildiz, de nationalité turque, et l’Argentin Fabian Veloz Enrico, le Polonais Daniel Miroslaw et le Chilien Matías Moncada Raimondo, l’Argentin Santiago Bürgi et le Chilien Brayan Ávila enfin Arturo. Le chef Paolo Bortolameolli dirigera ce classique de Donizetti.
La seule œuvre française sera Carmen de Bizet, programmée en avril, sous la baguette de Maximiano Valdés. La mezzo d’origine géorgienne Natalia Kutateladze et la Chilienne Evelyn Ramírez auront la lourde tâche d’assumer le rôle-titre. Le Slovaque Peter Berger et le Chilien Pedro Espinoza chanteront Don José, tandis que Micaëla sera interprétée par la soprano russe Oksana Sekerina et la Chilienne Paulina González. Daniel Miroslaw alternera avec le Chilien Patricio Sabaté, dans le rôle d’Escamillo.
La Flûte de Mozart enchantera le mois de juin des habitués du Municipal avec, au choix, une direction musicale double que se partageront l’Estonien Hendrik Vestmann (chef invité) et Pedro-Pablo Prudencio (Directeur résident du Philharmonique de Santiago). La distribution comprendra : les Chiliennes Yaritza Véliz et Paulina Gonzalez (Pamina), l’Espagnol Joel Prieto et le Chilien Diego Godoy (Tamino), la Serbe Aleksandra Jovanović et la Belge Lisa Mostin (la Reine de la nuit), le Coréen In-Sung Sim et le Russe Roman Astakhov (Sarastro), l’Espagnol Joan Martín-Royo et le Cubain Eleomar Cuello enfin (Papageno).
Eugène Onéguine de Tchaïkovsky, dirigé par Roberto Rizzi-Brignoli (chef titulaire de l’orchestre maison), marquera une pose hivernale durant le mois de juillet dans ces reprises des grands rôles féminins. On y entendra nombre de chanteurs russes, dont Maxim Aniskin et Petr Sokolov dans le rôle éponyme, Vlada Borovko et Bondarenko (d’origine ukrainienne) dans celui de Tatiana, Dmitry Ivanchey et le Chilien Álvaro Zambrano (Lenski), Ekaterina Sergeeva et Evelyn Ramírez (Olga), déjà présente dans Carmen.
Le « festival » de grands personnages féminins sera de retour en août avec Madame Butterfly de Puccini, de même que le chef Pedro-Pablo Prudencio. C’est Karah Son, une soprano coréenne (et non japonaise) qui incarnera Cio-Cio-San, tandis que Paulina González fera de Madame Butterfly, dans la distribution alternative, sa troisième participation à cette saison, tout comme Evelyn Ramírez dans le rôle de Suzuki (en alternance avec la Chilienne María Luisa Merino, habituée des scènes de Buenos Aires). L’Arménien Migran Agadzhanyan et le Géorgien Giorgi Sturua alterneront pour chanter le rôle de Pinkerton. Enfin, ce sont les Chiliens Ricardo Seguel et Patricio Sabaté qui interpréteront Sharpless.
La Traviata, en septembre, complétera ces représentations de l’éternel féminin à l’opéra. Nadine Koutcher reviendra pour l’occasion face au public de Santiago pour interpréter Violetta Valéry (la Chilienne Andrea Aguilar fait partie de la deuxième distribution). Alfredo Germont sera chanté par le Kosovar Ramè Lahaj et l’Argentin Santiago Ballerini tandis que Sebastian Catana, d’origine roumaine, et le Chilien Javier Arrey prêteront leur voix de baryton à la figure du père, Giorgio. Pour ce spectacle, c’est le chef espagnol José Miguel Pérez-Sierra qui assurera la direction d’orchestre.
La saison lyrique se fermera, si tout va bien, en novembre sur Andrea Chénier de Giordano dirigé par les deux chefs locaux, Roberto Rizzi Brignoli et Pedro-Pablo Prudencio. Alfred Kim, de nationalité coréenne, et l’Italien Samuele Simoncini incarneront vocalement le poète. Elena Mikhailenko, citoyenne russe, et la Polonaise Ewa Vesin seront Maddalena di Coigny. L’Ukrainien Vitaliy Bilyy et - à nouveau - Fabian Veloz (qui confirme son assise internationale) interpréteront Carlo Gérard, tandis que le rôle de Bersi se partagera entre María Luisa Merino, pour sa deuxième convocation cette année, et la Chilienne Camila Aguilera. L’éclat optimiste de cette renaissance ne doit pas cacher la peine liée à la tragédie du Coronavirus. En ce sens, et ce n’est sans doute pas un hasard de calendrier, pas moins de deux requiem, ceux de Mozart et Verdi, ainsi que la Passion selon Saint-Matthieu de Bach, sont également programmés au Théâtre Municipal de Santiago