Voyage sans escale de Paris à Broadway avec le Festival Jeunes Talents
Comme avant tout voyage, les consignes de sécurité sont énoncées par le fondateur Laurent Bureau, accessoires en main : les groupes de spectateurs sont distanciés les uns des autres, chacun désinfecte ses mains à l’entrée, le port du masque est obligatoire, l’entracte annoncé dans le programme ne dure que quelques secondes, la sortie se fait rang par rang. Comme dans les avions, certains spectateurs se montrent soucieux et attentifs à ces consignes, d’autres restent distraits, ayant déjà apprivoisé ces protocoles amenés à accompagner encore longtemps les envols lyriques. Tous respectent toutefois scrupuleusement ces gestes désormais basiques.
Loin de tourner en rond, la première partie du spectacle, menée par le duo Moine ou Voyou (la soprano Tamara Bounazou -Suzanna des Petites noces au TCE- et la pianiste Anna Giorgi) démarre de Paris, où la Manon de Massenet se trouve encore toute étourdie, pour atterrir à Broadway, lieu depuis lequel Leonard Bernstein place sa Cunegonde… à « Paris, France » (« Glitter and be gay », extrait de Candide).
La voix franche de la soprano est ronde et ample, le vibrato vigoureux, le timbre sucré, les aigus agiles et les graves "mezzo-sopranants" : des moyens imposants, déjà servis par une fine musicalité, dont le modelage pourra encore être aiguisé pour varier davantage les registres. Sa diction de l’anglais trahit par son accent une prononciation française précise et expressive. Sa théâtralité, évidente, se traduit musicalement : dans l’Hôtel de Francis Poulenc par exemple, elle prononce « fumer » avec une voix de fumeuse, décrit sa cigarette avec sensualité ou refuse de travailler par un étirement langoureux. Cette aisance scénique s’appuie sur une vraie personnalité artistique, mais se repose encore souvent sur son sourire radieux, qui lorsque trop présent, s’approche de la minauderie.
Après avoir récité l’« Amor » sur tous les tons dans une chanson de William Elden Bolcom, elle déclare sa flamme au piano et à sa partenaire (« I love a piano » de Irving Berlin). Le public est tout aussi conquis, et pour cause : dans la Toccata de Camille Saint-Saëns, les notes déferlent sous les doigts de la pianiste Anna Giorgy telles une vague musicale sur laquelle surfe la mélodie imprimée par la main droite. Le silence, écume musicale, est recouvert de prompts applaudissements. Dans son accompagnement, la discrète pianiste se montre appliquée, attentive à la résonnance du lieu et aux jeux de nuances et de tempi de sa partenaire.
Dans une seconde partie, le quatuor Ellipsos parcourt les Amériques du nord au sud. Artistes complets, les musiciens de ce groupe formé depuis 2004 passent avec humour de leurs quatre saxophones à un ensemble vocal pour interpréter des gospels. La qualité est alors la même, seules les tessitures évoluant : le saxophone ténor émet une voix de basse tandis que le saxophone baryton s’envole en falsetto.
Alors que les deux ensembles se rassemblent pour exalter le Summertime de Gershwin (extrait de Porgy and Bess), la pluie fait son apparition à l’extérieur sans doucher l’enthousiasme du public.
???????????? #Summertime dans le Summer Tour 2020 du Quatuor Ellipsos ! Avec le duo Moine ou Voyou (@CnsmdLyon), la magie était au rendez-vous samedi soir pour le concert de clôture du Festival #JeunesTalents à Paris ! @francemusique #Paris #ArchivesNationales #SaxophoneFamily pic.twitter.com/pK2sOnUYPd
— Ellipsos Saxophone Quartet / le Quatuor Ellipsos (@Q_Ellipsos) July 28, 2020