Opéra de Saint-Etienne, saison 2020/2021 dans l’air du temps
Cette nouvelle saison donnera à voir trois nouvelles productions issues des ateliers stéphanois et faisant la part belle à des distributions en majorité françaises, chères à Jean-Louis Pichon, conseiller aux distributions vocales.
Nonne, Veuve, Racine, saule et Prêtresse
Après s’être emparé in loco du mythique Faust (notre compte-rendu), le metteur en scène suisse Julien Ostini donne vie au second ouvrage lyrique de Charles Gounod, le drame fantastique longtemps oublié La Nonne sanglante (ressuscitée par David Bobée à l'Opéra Comique). Dans cette sombre intrigue inspirée du roman The Monk de Matthieu Gregory Lewis, le public Stéphanois retrouvera le ténor Florian Laconi (Rodolphe), habitué des rôles titres de Gounod : il a tour à tour prêté sa voix aux personnages de Roméo (Roméo et Juliette), Vincent (Mireille) et Faust. Il partagera la scène avec une autre habituée du registre de Gounod, Marie Gautrot dans le rôle de la Nonne (Marthe, dans Faust ; Martine dans Le Médecin malgré lui) et Erminie Blondel qui incarnera sa fiancée Agnès.
Une figure féminine tragique en annonce d'autres : à la Nonne Sanglante succèdera dans un tout autre registre La Veuve joyeuse, éclatante opérette de Franz Lehár ici placée sous la baguette de Laurent Touche, et mise en scène par Jean-Louis Pichon. Pour inviter les spectateurs à vivre trois heures exquises (qui les grisent !) en période de fêtes de fin d’année, Olivia Doray incarnera Missia Palmieri, veuve frivole et nostalgique, aux côtés de Jean-Christophe Lanièce dans le rôle du Comte Danilo.
Pour renforcer le registre intemporel de cette programmation, une fameuse tragédie lyrique est convoquée : Andromaque, adapté du texte de Jean Racine par le librettiste Louis-Guillaume Pitra et le compositeur André Grétry. C’est à Matthieu Cruciani que revient la lourde tâche de transposer la piété conjugale d’Andromaque (Judith van Wanroij qui portait une autre tragédie lyrique ressuscitée : Phèdre de Lemoyne), la furie amoureuse de Pyrrhus (Sébastien Guèze) et le désespoir d’Oreste (Yoann Dubruque) dans un registre contemporain explorant les tréfonds des passions humaines. S’il avait auparavant mis en scène la version théâtrale d’Andromaque en 2017 à la Comédie de Saint-Etienne, il conjugue aujourd’hui ses forces à celles de José Luis Dominguez Mondragon pour livrer les dernières faces du baroque français dans toute leur splendeur.
De tragédies en tragédies, cette saison donnera aussi à voir la folie vengeresse d’Otello, réinterprété par le tandem italien Giuseppe Grazioli et Stefano Mazzonis di Pralafera, Directeur de l’Opéra Royal de Wallonie. Nikolai Schukoff incarnera le guerrier naïf Otello. Le rôle de Desdemona et sa tragique romance du saule reviendront à Gabrielle Philiponet, très remarquée dans Les Pêcheurs de perles sur la scène de l’Opéra de Lille en début d'année.
Les Pêcheurs de perles, justement, largueront aussi les amarres à Saint-Etienne, dans une version coproduite par l’Opéra Comique, l’Opéra Royal de Wallonie et l’Opéra National de Bordeaux (nos comptes-rendus). Yoshi Oïda met en scène le triomphe de l’amitié de Nadir (Kévin Amiel) et Zurga (Philippe-Nicolas Martin) malgré leur amour commun pour la prêtresse Leïla (Catherine Trottmann).
Enfin, dans une programmation placée sous le signe de l’intemporalité, il est tout naturel de voir figurer les reports de la saison 2019-2020 avec deux comédies musicales aux résonances contemporaines : Mars 2037, écrite et mise en scène par Pierre Guirlois où un milliardaire s’adonne au fantasme de conquérir la planète rouge et Eau chaude à tous les étages d'Yves Coudray, mettant en scène les désirs d’indépendance et d’émancipation de quatre employées d’hôtels dans les années 1950.