Opéra de Lyon : le directeur du ballet condamné, licencié pour discrimination
2014 est une année charnière dans la carrière de Karline Marion : âgée de 34 ans il ne lui manque plus qu'un (sixième !) renouvellement de contrat pour que celui-ci soit requalifié en CDI. La danseuse refusant de renoncer pour autant à ses droits les plus élémentaires de femme, met au jour un heureux événement. Or, elle reçoit une lettre de non-renouvellement deux jours après la fin de son congé maternité. Le Directeur du ballet Yorgos Loukos tient alors un double discours, selon son interlocuteur : à la ville de Lyon, il justifie sa décision en raison d'une "Faiblesse physique et stylistique", d'un "style trop classique" de la danseuse ; mais en privé, la danseuse ayant pris soin d'enregistrer ses conversations avec le Directeur quelques jours plus tard, les raisons de celui-ci sont toutes autres : «Je t’aime beaucoup comme fille, je trouve que t’es gentille, que t’es jolie, que t’as un joli corps, etc. […]. Je pense que si entre 29 et 34 [ans] tu as fait pas mal mais pas beaucoup, c’est pas entre 35 et 40 que tu vas faire plus, en plus avec un enfant […] parce que tu es plus occupée, tu as des choses à faire.» (informations révélées et propos rapportés par site d’investigation Médiacités, repris à l'audience, par l'AFP et dans des médias locaux et nationaux).
En première instance, en novembre 2017, Yorgos Loukos est très lourdement condamné : 6 mois de prison avec sursis, amende de 5.000 euros et 20.000 euros de dommages et intérêts. L'appel en décembre 2019 confirme la culpabilité même s'il allège le verdict (1.500 euros avec sursis et 5.000 euros de dommages et intérêts à l'ancienne danseuse).
L'Opéra de Lyon décide alors de convoquer un Conseil d’Administration exceptionnel qui (6 ans donc après les faits) décide à l'unanimité de licencier Yorgos Loukos avec effet immédiat. Dans le communiqué de presse daté d'hier (7 février 2020), l'Opéra de Lyon ajoute avoir "pour sa part mené une enquête interne, qui a révélé des faits pouvant être qualifiés de harcèlement moral commis par Yorgos Loukos dans l’exercice de ses fonctions" sans davantage de précision quant à savoir s'il s'agit ou non d'autres personnes victimes, la nature des faits, leurs dates, durées, quand l'Opéra en a eu connaissance et comment il a agi.
Mise à jour : dès le 12 février 2020, Julie Guibert est nommée à la direction artistique du Ballet par Serge Dorny, "en accord avec [son successeur] Richard Brunel, et les membres du conseil d’administration."
Julie Guibert (née en 1974) revient dans cette maison où elle se forma et travailla entre 2003 et 2005 après le Ballet du Nord et Stockholm. Le communiqué se conclut ainsi : "Attachée à l’identité artistique du Ballet de l’Opéra de Lyon, et forte de ses liens de confiance avec de nombreux chorégraphes, Julie Guibert aura à cœur de maintenir l’excellence artistique, d’ouvrir et d’enrichir le répertoire, de poursuivre le rayonnement de la compagnie, en plaçant la création au cœur du projet."
Deux femmes, danseuses, dirigent ainsi les deux plus grands ballets en France, Aurélie Dupont menant celui de Paris.