Don Carlos à Liège : de somptueux ateliers au service des rois
L'Opéra Royal de Wallonie rayonne dans le monde lyrique avec ses décors et costumes immédiatement reconnaissables par leur richesse et leur variété (et, parfois, leur originalité), réalisés dans les ateliers de la maison.
Le Théâtre de Liège fut inauguré le 4 novembre 1820 mais l’Opéra Royal de Wallonie devient une structure lyrique pleinement indépendante en 1967, notamment en se dotant rapidement de ses propres ateliers de décors et de costumes. Les ateliers sont alors répartis en divers lieux de la ville, mais les ambitions artistiques croissent, immenses et sont bientôt à l'étroit. La Traviata de Verdi mise en scène durant la saison 1996/1997 achève de confirmer les besoins d'espaces, grands et regroupés pour faire travailler ensemble tous les corps de métier sur d'immenses projets. Un seul lieu, un ensemble architectural de 2.660 m² ouvre en juin 2002. Il regroupe l’ensemble des ateliers : décors (menuiserie, ferronnerie, peinture et accessoires), costumes (couture, chaussure, décoration de costumes) et maquillage-perruquerie. Ces nouvelles installations à Ans (commune dans la Province de Liège) libèrent les bâtiments de la rue des Tawes qui deviennent une salle de répétition pour l'orchestre.
“Les meilleurs Ateliers au monde”, c’est ainsi que nous les décrit Gary McCann, artiste ayant travaillé avec les compagnies parmi les plus prestigieuses à travers la planète et qui revient à Liège, après une précédente collaboration sur Anna Bolena, pour signer les décors de Don Carlos. “Les Ateliers font un travail sensationnel, et Don Carlos est une nouvelle étape qui a poussé encore plus loin la masse de labeur, le nombre d’éléments de décor, le travail d’équipe étroit entre tous les artisans pour un résultat époustouflant. Le fait qu’une maison d’opéra ait ses propres ateliers, a fortiori réunis dans un espace commun est de plus en plus rare. Cela permet des processus de travail interactifs, fluides, riches et assurés, depuis la livraison des modèles jusqu’aux retouches finales. La communication est idéale aux Ateliers de Liège et les artisans adorent ce qu’ils font. Les outils modernes sont aussi présents (imprimante 3D par exemple) mais le digital ne remplace pas le traditionnel, notamment dans une maison de tradition telle que Liège.”
Laissez-vous guider à travers ces ateliers par le Directeur Général et Artistique de l’institution, Stefano Mazzonis di Pralafera, lui qui est également le metteur en scène de ce nouveau Don Carlos :
Cette vidéo montre d'abord le Directeur comme un poisson dans l'eau parmi décors et costumes, avec un premier plan sur des cintres où sont rangés ceux de Jérusalem et Nabucco. Deux productions très importantes pour la maison, et que le Directeur a lui-même mises en scène. Jérusalem, Grand Opéra français, est plus connu dans sa version en italien sous le titre I Lombardi alla prima crociata (Les Lombards à la première croisade), tout comme le Grand Opéra français Don Carlos est plus connu en italien sous le titre de Don Carlo. Liège avait ressuscité Jérusalem en 2017 (compte-rendu) et cette production avait directement mené à la nomination de Speranza Scappucci comme Directrice musicale maison (lire sa toute récente interview). La production de Nabucco était interprétée par Leo Nucci (compte-rendu), qui a récemment annoncé la fin de sa carrière d’interprète, et elle sera reprise à Liège pour refermer la saison lyrique en juin.
Le reportage vidéo permet de voir le travail effectué par les artisans-artistes. Nous avons également interrogé Gary McCann qui signe les décors. Il nous les explique avec les photographies qu’il nous transmet :
“Une lourde couronne, omniprésente, plane au-dessus de la scène, même dès la forêt de Fontainebleau. Cette puissance est celle de la religion et du pouvoir, donnant à l'oeuvre sa gravitas.
La scénographie se compose également sur de puissantes structures architecturales avec énormément de détails dans l'ornementation. Le tout est uni par des teintes monochromes donnant une présence physique et menaçante à l'espace. Les trois façades-parois sont mobiles et réversibles, permettant de présenter différents espaces et angles, dans toutes leurs dimensions suivant l’intrigue et le drame, historique, psychologique (allant de grands espaces épiques à des recoins claustrophobiques), et les lieux très variés à travers lesquels le livret se déplace rapidement. Cela permet -et c’est impératif- que le public puisse bien repérer les lieux, en même temps que l'arc narratif global.”
Le Directeur Liégeois continue le parcours à travers les cintres et détaille d’autres costumes parmi les 16.000 conservés par l’institution, tous aux pièces brodées, détails de haute-couture, et conservés dans une température idéale. Plus de 400 costumes sont ainsi réalisés spécialement pour Don Carlos ! Cela représente 6 mois de travail pour 20 personnes (soient 6 jours de travail par costume), dont 12 couturières et 3 personnes à la coupe (qui reprennent les patrons historiques). Tout est fait sur mesure, certaines parties à la main.
De la même manière que la fontaine du décor a de tout petits motifs sculptés, les tenues sont riches jusqu'aux détails invisibles de loin pour le public en salle mais qui se "sentent" (comme le dit le Directeur) et participent pleinement de l'effet. Le détail est d'orfèvre, sur les riches colliers et parures, sur les costumes aux motifs ajourés royaux, ou bien visibles (croix de chevaliers) : des costumes effectués pour tous, solistes mais aussi l'intégralité des choristes.
Les Ateliers de l'Opéra Royal de Wallonie à Liège se présentent d’ailleurs également à travers un grand Reportage dans les coulisses de la préparation d'une autre production maison d'importance : La Flûte enchantée, premier opéra co-signé Julien Lubek & Cécile Roussat en 2010-2011. Une production faisant rayonner le travail des ateliers liégeois par ses reprises en Avignon et à Versailles.
Les Ateliers de l'Opéra se veulent même des lieux ouverts au public. Chaque année, c'est désormais une tradition, ils invitent le public à découvrir l'envers des décors et le revers des costumes, à parcourir les réserves, à voir le travail des artisans et à échanger avec eux :
Réservez sans plus attendre vos places (à partir de 10 €,voir même 2 € pour les moins de 26 ans) pour assister à ce Don Carlos à l'Opéra Royal de Wallonie-Liège, avec Gregory Kunde dans le rôle-titre, Ildebrando D’Arcangelo en Philippe II, Yolanda Auyanet (Elisabeth de Valois), Kate Aldrich, (Princesse Eboli), Lionel Lhote (Marquis de Posa), Roberto Scandiuzzi (Grand Inquisiteur) sous la baguette de Paolo Arrivabeni.