Festival de Salzbourg 2020 : le Programme du Centenaire
[Mise à jour : en raison du Coronavirus, l'édition 2020 est entièrement refondue : programme]
Le 22 août 1920, le Festival de Salzbourg est inauguré par une représentation de Jedermann (pièce d'Hofmannsthal) sur la place de la Cathédrale. C'est désormais une tradition centenaire, qui lancera une fois encore les festivités de ce qui est devenu le "plus grand festival classique" au monde avec 200 performances à l'été 2020, dans 15 lieux, sur 44 jours, invitant des artistes de 80 pays (la moitié en-dehors de l'Europe). Le théâtre est fièrement représenté par des œuvres de Shakespeare, Schiller, Handke ou encore Milo Rau avec de nouvelles productions et de grands noms.
Le programme lyrique, lui aussi et une fois encore, est exceptionnellement riche en événements uniques. L'ouverture des festivités musicales sera baroque le 24 juillet à la maison de Mozart : ce compositeur y accueillera symboliquement son auguste maître Haendel avec l'adaptation qu'il en fit du Messie. La mise en scène confiée à Bob Wilson annonce un événement, par ce nom même mais aussi puisqu'il travaillera donc un oratorio, forme qui n'est traditionnellement pas mise en scène. Marc Minkowski dirigera ses Musiciens du Louvre et le Chœur Philharmonique de Vienne, Elena Tsallagova, Lucile Richardot, Richard Croft et José Coca Loza.
Mozart sera aussi à l'honneur d'un événement qui s'annonce étincelant et sulfureux : Don Giovanni par un duo on ne peut pus terrible, Romeo Castellucci à la mise en scène (qu'il signe avec décors, costumes et lumières) et Teodor Currentzis à la baguette (de ses Orchestre et Chœur musicAeterna). Davide Luciano et Vito Priante incarneront le rôle-titre et son valet, Michael Spyres Don Ottavio, Nadezhda Pavlova et Federica Lombardi les trompées Donna Anna et Donna Elvira, David Steffens et Anna Lucia Richter le candide couple Masetto et Zerlina, Mika Kares Il Commendatore.
Une production électrique en simultané avec l'Elektra de Strauss par Krzysztof Warlikowski. L'occasion pour le metteur en scène sulfureux de retrouver son équipe scénique habituelle (à commencer par la scénographe Małgorzata Szczęśniak) mais aussi en héroïne Aušrine Stundyte qui portait sa triomphale Lady Macbeth de Mzensk à Bastille. Elle sera notamment confrontée à Tanja Ariane Baumgartner en Clytemnestre, Asmik Grigorian en Chrysothemis, Michael Laurenz et Derek Welton pour Aegisth et Oreste, avec le Philharmonique de Vienne.
Tosca de Puccini sera incarnée par Anna Netrebko avec son amoureux à la scène comme à la ville Yusif Eyvazov et le terrible Baron Scarpia de Ludovic Tézier (qui aura comme sbires Mikeldi Atxalandabaso & Rupert Grössinger, face au Cesare Angelotti de Krzysztof Bączyk et Matteo Peirone en Sacristain). Michael Sturminger en a signé la mise en scène pour le Festival de Pâques 2018 (en 2017 il mettait en scène le traditionnel Jedermann salzbourgeois), le Philharmonique de Vienne et les forces chorales de son Opéra d'État seront confiés à Marco Armiliato.
Cecilia Bartoli est annoncée en Norina dans Don Pasquale de Donizetti avec son ensemble instrumental Les Musiciens du Prince-Monaco dirigé par Gianluca Capuano. Elle sera en compagnie d'autres interprètes de premier ordre : Peter Kálmán (pour le rôle-titre), Nicola Alaimo (Dottor Malatesta), Javier Camarena (Ernesto), dans une production de Moshe Leiser & Patrice Caurier.
Comme plusieurs autres salles européennes, Salzbourg confirme sa confiance en Placido Domingo et la présomption d'innocence (suite aux accusations à son encontre, c'est d'ailleurs à Salzbourg que le chanteur avait reçu deux des plus tonitruantes marques de soutien du public présent ces soirs-là). Le ténor devenu baryton chantera Les Vêpres siciliennes de Verdi et sur la page de présentation de cette production, le Festival affiche la citation suivante extraite du livret : "ma plus grande peine était de devoir te haïr!" (que chante dans l'œuvre la soprano Hélène au ténor Henri). Ces derniers seront incarnés par Rachel Willis-Sørensen et Fabio Sartori, avec le Sire de Neven Crnić et Mika Kares en Giovanni da Procida, pour deux versions de concert dirigées par Daniele Rustioni avec le Philharmonia Chor Wien et le Mozarteum Orchestra Salzburg.
Mozart reviendra avec sa Flûte enchantée, dans la mise en scène de Lydia Steier créée l'année dernière. Joana Mallwitz dirigera un couple de suisses dans les rôles héroïques (Mauro Peter et Regula Mühlemann en Tamino et Pamina), aux côtés de Papageno et Papagena (Adam Plachetka et Maria Nazarova), Brenda Rae Reine de la Nuit, Tareq Nazmi Sarastro et Peter Tantsits Monostatos.
Autre immense nom d'un autre registre et dans une autre langue, Ildar Abdrazakov incarnera Boris Godounov de Moussorgsky (il s'agira de la version réorchestrée par Chostakovitch, suivant le même schéma du Messie de Haendel réorchestré par l'héritier Mozart), avec la rencontre d'un riche plateau vocal slave et d'une fosse viennoise, sous la baguette de Mariss Jansons, mis en scène par Christof Loy.
Salzbourg parcourt une fois encore les pays et les époques allant du baroque jusqu'au contemporain avec cette année Neither composé en 1977 pour Rome par Morton Feldman sur le texte éponyme de Samuel Beckett. Cet opéra en un acte, pour soprano et orchestre, sera porté par Sarah Aristidou, le Minguet Quartett et l'Orchestre Symphonique de la Radio Viennoise avec Ilan Volkov. Après cette version de concert, Intolleranza 1960 croisera les références et les disciplines : cette "action scénique" composée et écrite par Luigi Nono en 1961 (d'après Henri Alleg, Bertolt Brecht, Paul Éluard, Julius Fučík, Vladimir Mayakovsky, Angelo Maria Ripellino et Jean-Paul Sartre) se déploiera dans la mise en scène, scénographie, chorégraphie et vidéo de Jan Lauwers (comme il le faisait à Salzbourg l'année dernière pour Le Couronnement de Poppée).
La programmation de concerts est tout aussi prestigieuse avec la Capella Reial & Hespèrion XXI de Jordi Savall, Le Balcon de Maxime Pascal, le Collegium Vocale Gent & l'Orchestre des Champs-Élysées de Philippe Herreweghe, Pygmalion de Raphaël Pichon, ainsi que Kent Nagano, Riccardo Muti, Christian Thielemann, Gustavo Dudamel, Daniel Barenboim, Martha Argerich un récital Sonya Yoncheva et bien entendu les musiciens de Vienne, qui participent depuis un siècle à cet événement auquel il nous reste à souhaiter un nouveau siècle de succès !