Opéra de Paris, saison 2019/2020 : le programme complet
L'événement de la saison 2019/2020 sera la nouvelle mise en scène, signée Calixto Bieito, de La Tétralogie de Wagner avec le ténor superstar Jonas Kaufmann (dans le rôle de Siegmund), sous la direction de Philippe Jordan. Les deux premiers épisodes (L'Or du Rhin et La Walkyrie) sont programmés en avril puis en mai 2020. Iain Paterson incarnera le Dieu Wotan, avec Ekaterina Gubanova en Fricka, Jochen Schmeckenbecher pour Alberich, John Relyea (Hunding), Eva-Maria Westbroek (Sieglinde) mais aussi Martina Serafin (Brunnhilde). Rendez-vous est pris pour les troisième et quatrième opus en octobre puis novembre 2020 avec un Siegfried tenu par Andreas Schager, le Mime de Gerhard Siegel, Brünnhilde par Ricarda Merbeth, Waltraute par Sarah Connolly et Julie Fuchs en Oiseau de la forêt. Puis, la Tétralogie sera donnée en Festival (les quatre opus de suite avec une journée de relâche entre chacun, sauf pour les deux premières soirées) et ce à deux reprises : en novembre puis novembre-décembre.
3 nouveautés pour commencer
Hormis le Ring de Wagner par Calixto Bieito, la saison 2019/2020 compte (seulement) quatre nouvelles productions, et elle en proposera trois les trois premiers mois.
Étonnante inversion des traditions pour commencer : le bel canto le plus populaire dans la plus petite salle de Garnier et le baroque à Bastille. Une nouvelle mise en scène de Traviata signée Simon Stone viendra tout d'abord remplacer celle de Benoit Jacquot, avec une distribution en vue : Pretty Yende et Nino Machaidze en Violetta, Benjamin Bernheim et Atalla Ayan en Alfredo, Ludovic Tézier et Jean-François Lapointe en Germont, Catherine Trottmann en Flora, Marion Lebègue en Annina, Julien Dran en Gastone et Thomas Dear en Grenvil dirigés par Michele Mariotti.
Tandis que cette Traviata enchantera Garnier, une autre production nouvelle investira Bastille pour célébrer de nouveau l'esprit français en cette année 2019 anniversaire : Les Indes galantes de Rameau par le jeune Clément Cogitore, sous la direction de Leonardo García Alarcón. Les voix seront portées par la fine fleur du chant français : Sabine Devieilhe, Florian Sempey, Jodie Devos, Edwin Crossley-Mercer, Julie Fuchs, Mathias Vidal, Alexandre Duhamel, Stanislas de Barbeyrac.
Autre production nouvelle offerte à Philippe Jordan pour son départ, le Prince Igor de Borodine, réalisé par Barrie Kosky avec Evgeny Nikitin dans le rôle-titre, Anita Rachvelishvili, Pavel Cernoch et Elena Stikhina. Par ce spectacle, c'est non seulement le Prince Igor mais même Borodine qui fait son entrée au répertoire lyrique de la maison capitale (seules les Danses polovtsiennes du Prince Igor avaient été entendues dans trois spectacles de danse).
La dernière nouveauté scénique au programme sera la Manon de Massenet par Vincent Huguet. Un nouveau rôle-titre pour Pretty Yende (dont elle nous parlait déjà en interview et qu'elle préparait en récital) alternant avec Sofia Fomina, comme Benjamin Bernheim et Stephen Costello pour Des Grieux, le tout face à Ludovic Tézier (Lescaut), le Comte de Roberto Tagliavini, Rodolphe Briand en Guillot, Pierre Doyen sera de Brétigny, Alix Le Saux Javotte, Jeanne Ireland Rosette et Cassandre Berthon en Poussette emmenés par Dan Ettinger.
De fraîches reprises
L'Opéra de Paris reprend déjà des productions créées la saison dernière ou bien tout récemment.
L'un des plus grands scandales de récente mémoire, La Bohème dans l'espace, revient (la mise en scène de Claus Guth a moins d'un an et demi). Plusieurs nouveaux équipages conduits par Lorenzo Viotti se composeront d'un trio alternant pour Mimi (Ermonela Jaho/Elena Stikhina/Marina Costa-Jackson) comme pour Rodolfo (Francesco Demuro/Vittorio Grigolo/Benjamin Bernheim), un duo dans la Musette (Julie Fuchs/Elena Tsallagova) et deux Marcello (Lucas Meachem et Gabriele Viviani).
Deux productions d'Ivo van Hove vivront deux reprises éclair : celle de Boris Godounov (Moussorgski) a été créée l'année dernière, tandis que son Don Giovanni ne sera donné pour la première fois qu'en juin prochain.
Michael Schønwandt dirigera René Pape dans le rôle-titre de Boris avec Evdokia Malevskaya en Fiodor, Ruzan Mantashyan en Xenia, le Prince d'Andreas Conrad et Chtchelkalov par Lauri Vasar ainsi que Pimène pour Dmitry Belosselskiy.
Luca Pisaroni dans le rôle-titre de Don Giovanni aura pour acolyte Leporello Philippe Sly qui revient déjà dans cette production, comme Stanislas de Barbeyrac, Jacquelyn Wagner, Mikhail Timoshenko, au contraire de Stéphanie d'Oustrac (Donna Elvira).
Idem -ou presque- pour Don Carlo (en italien, donc) de Verdi par Warlikowski créé il y a deux ans, à ceci près qu'il s'agissait alors de Don Carlos (la version en français de l'opéra). Après Kaufmann en français, c'est Roberto Alagna qui chantera en italien le rôle-titre tout contre sa compagne Aleksandra Kurzak, alternant avec l'américain Michael Fabiano et Nicole Car. Pour toutes les dates, Anita Rachvelishvili incarnera la Princesse Eboli, Étienne Dupuis s'attaquera au rôle de Posa. René Pape sera le Roi Philippe II et Vitalij Kowaljow le Grand Inquisiteur (Eve-Maud Hubeaux et Julien Dran font le fil rouge avec la précédente version, gardant leurs rôles) le tout sous la baguette de Fabio Luisi (qui reviendra pour Lear).
Adriana Lecouvreur a beau avoir été créée par Francesco Cilea en 1902, elle n'est entrée au répertoire de l'Opéra de Paris qu'en 1993. La mise en scène de Jean-Luc Boutté n'a jamais été reprise et c'est donc la seconde et dernière version en date (David McVicar, 2015) qui reviendra pour la première fois. Le casting dirigé par Giacomo Sagripanti mettra en vedette le couple Yusif Eyvazov/Anna Netrebko (alternant avec Elena Stikhina), Ekaterina Semenchuk et Sava Vemic (Prince et Princesse de Bouillon), mais aussi Željko Lučić (Michonnet).
Reprises (de) classiques
D'autres reprises permettent de revoir des mises en scène depuis longtemps à l'affiche, qu'elles y soient toujours demeurées ou qu'elles reviennent à cette occasion.
Dixième série de représentations pour une production bientôt trentenaire avec la Madame Butterfly dans la vision épurée de Robert Wilson qui aura pas moins de 15 dates de septembre à novembre. Cio-Cio San, Suzuki et Pinkerton sont confiés à une double distribution (Ana Maria Martinez et Dinara Alieva, Marie-Nicole Lemieux et Eve-Maud Hubeaux, Giorgio Berrugi et Dmytro Popov), Laurent Naouri en Sharpless, Rodolphe Briand en Goro, Tomasz Kumięga en Yamadori et Jeanne Ireland pour Kate Pinkerton.
Autre record de fréquence et de longévité avec Robert Carsen (qui a signé 12 productions in loco), qui reviendra par Les Contes d'Hoffmann. Pour souffler les 201 bougies d'Offenbach et les 20 printemps de cette mise en scène (et sa septième reprise, la dernière aurait d'ailleurs dû marquer les débuts de Jonas Kaufmann dans un rôle-titre qu'il n'a jamais pris depuis). Le rôle-titre sera tenu par Michael Fabiano, avec Jodie Devos en Olympia, Véronique Gens en Giulietta, Ailyn Pérez en Antonia. Gaëlle Arquez sera Nicklausse et Sylvie Brunet-Grupposo la Voix de la tombe. Événement du côté des basses, les débuts dans la maison (enfin) de Jean Teitgen en Luther et Krespel, tandis que Laurent Naouri campera les Quatre antagonistes et Philippe Talbot les Quatre valets. Le tout dirigé par Mark Elder (et une date pour Pierre Vallet).
Grand habitué des lieux, Laurent Pelly reviendra avec sa neuvième et dernière mise en scène en date pour l'Opéra de Paris : Les Puritains de Bellini (sur laquelle il exprimait pourtant des regrets dans notre interview), déjà appréciée en 2013. Il s'agit toutefois de la première reprise pour cette production, qui sera portée par Elsa Dreisig (Elvira), Luc Bertin-Hugault en Lord Valton, Sir Giorgio par Alexander Tsymbalyuk et l'alternance Javier Camarena/Francesco Demuro (Lord Talbot), Igor Golovatenko ainsi que les académiciens Gemma Nì Bhriain et Jean-François Marras.
Le Barbier de Séville par Damiano Michieletto se présente une quatrième fois, de nouveau avec Florian Sempey (en alternance, Andrzej Filończyk qui avait débuté en Député flamand pour Don Carlos). Sous la battue de Carlo Montanaro, Carlo Lepore revient lui aussi à cette production (en Bartolo) alors que Xabier Anduaga (ténor basque espagnol entendu récemment à la Philharmonie) fera ses débuts in loco. Lisette Oropesa assurera son cinquième rôle avec cinq metteurs en scène différents en cinq ans pour l'institution. À relever également le Basilio de Krzysztof Baczyk, habitué des rôles de supports dans de grandes productions (il est à l'affiche des prochaines Lady Macbeth du district de Mzensk et de Tosca avec Kaufmann, Yoncheva, Harteros), sans oublier Marion Lebègue en Berta.
Deux productions fêtent chacune leur deuxième reprise en trois et quatre ans : Cosi fan tutte de Mozart par Anne Teresa De Keersmaeker avec Jacquelyn Wagner (Fiordiligi), Stephanie Lauricella (Dorabella), Stephen Costello (Ferrando), Philippe Sly (de retour en Guglielmo), Ginger Costa-Jackson en Despina et Paulo Szot en Don Alfonso (direction Antonello Manacorda). Rigoletto de Verdi par Claus Guth avec une décidément ascensionnelle cheffe Speranza Scappucci non moins qu'Elsa Dreisig en Gilda, Frédéric Antoun en Duc, le retour de Željko Lučić dans le rôle-titre, mais aussi Rafal Siwek (Sparafucile), Jean-Luc Ballestra, Adèle Charvet, Aude Extrémo (Maddalena), Jeanne Ireland (Giovanna) et Marie Perbost (le Page).
Cela étant, reprise peut aussi rimer avec contemporain : l'Opéra de Paris reprendra en effet pour la première fois et dix ans après sa création, Yvonne, Princesse de Bourgogne. Ce conte de fées acide et renversé, composé par Philippe Boesmans, écrit et mis en scène par Luc Bondy verra le retour de l'actrice Dörte Lyssewski dans le rôle-titre quasi-muet. Les voix, nouvelles, seront confiées à Béatrice Uria-Monzon (Marguerite) et Laurent Naouri (Ignace), Julien Behr (Prince Philippe) et deux -premières- fois valent mieux qu'une, Jean Teitgen (en chambellan), Antoinette Dennefeld (Isabelle), une vraie première pour Guilhem Worms (l'Innocent), Loïc Félix (Cyrille), enfin Christophe Gay en Cyprien dirigés par Mälkki (succédant à Paul Gay, Mireille Delunsch, Yann Beuron par Sylvain Cambreling).
Il en va de même pour Lear d'Aribert Reimann représenté à Paris en 1982 (quatre années après sa création munichoise). La mise en scène était alors de Jacques Lassalle, mais en novembre 2019 sera reprise celle qui avait fait découvrir Calixto Bieito à Paris en 2016. Beaucoup de continuité avec cette reprise puisque reviennent dans leurs rôles : Bo Skovhus (Roi Lear) et Gidon Saks (Roi de France), mais aussi Lauri Vasar (Comte de Gloucester), Andrew Watts (Edgar), Andreas Conrad (Edmund), Annette Dasch (Cordelia) et pour nouveauté Evelyn Herlitzius en Goneril.
Enfin, une surprise : l'annonce d'un opéra en version de concert (d'habitude, l'absence de mise en scène dans la Grande boutique est le fait d'incidents ou de grève, à l'exception du récent Béatrice et Bénédict) : Il Pirata de Bellini à Garnier dirigé par Riccardo Frizza, avec Sondra Radvanovsky, Michael Spyres, Ludovic Tézier, Kévin Amiel, Krzysztof Baczyk et Valentine Lemercier.
La production de l'Académie de l'Opéra de Paris au Palais Garnier (dirigée par Vello Pähn avec l'Orchestre, le Chœur, le Chœur d'enfants des lieux et la Maîtrise des Hauts-de-Seine) sera consacrée à L'enfant et les sortilèges de Ravel mis en scène par Richard Jones et Antony McDonald en diptyque avec le ballet L'Après-midi d'un faune (musique de Claude Debussy) chorégraphié par Anne Teresa De Keersmaeker (dansé par sa Compagnie Rosas).
Si Yoncheva est ainsi absente d'une maison où elle a ces dernières saisons annulé plusieurs représentations (voire productions), Paris peut donc se vanter d'avoir Kaufmann (contrairement au Met), Netrebko et pas moins de trois fois le baryton (inter)national Ludovic Tézier sans oublier ses compatriotes Alagna, d'Oustrac, Gens, Naouri. Trois fois également Julie Fuchs : c'est une constante de ces dernières années que de mettre les jeunes interprètes françaises et français à l'honneur (Devieilhe, Fuchs, Vidal, Barbeyrac, Duhamel, Crossley-Mercer, Sempey) et les francophones (Devos, Lemieux, Dupuis).
L'imposante majorité des chefs d'orchestre la saison prochaine seront italiens et seuls des italiens (au nombre de quatre) sont invités à deux reprises. Peut-être une indication sur la succession de Philippe Jordan... Le choix appartiendra au prochain directeur et successeur de Lissner, auquel il reste une ultime saison à annoncer : elle refermera la Tétralogie de Wagner et un cycle de création sur la littérature française par Le Soulier de satin, œuvre de Paul Claudel, musique de Marc-André Dalbavie.
Direction de l'Opéra de Paris : retrouvez les profils des 11 candidats
Partagez votre avis dans l'espace de commentaire ci-dessous !