Jeunesse triomphante au Concours international de chant de Clermont-Ferrand 2019
560
inscrits au départ (contre 350 en 2017), 44 nationalités
représentées, 199 candidats sélectionnés pour les
éliminatoires. Cette édition 2019 est marquée par des chiffres
records pour le Concours de chant du Centre Lyrique Clermont-Auvergne, épreuve à la réputation solide en ce qui
concerne la découverte de nouveaux talents lyriques. Des solistes
tels qu'Elsa Dreisig, Florian Laconi, Julien Dran ou Cyril Auvity, à
la renommée désormais bien établie, comptent parmi les lauréats
des précédentes éditions pour ce concours à la double vocation.
Outre les traditionnels prix, l'enjeu est aussi de tenter de décrocher des engagements dans un prochain opéra. Ou plutôt : deux opéras. Cette année, le concours s'articule en effet autour du diptyque Pagliacci – Cavalleria Rusticana, qui sera créé en 2020 en Avignon, avant de tourner entre autres à Reims, Saint-Céré, Massy, Clermont-Ferrand et Vichy. C'est dire toute l'importance des délibérés rendus par un jury sous la présidence de la soprano Inva Mula, et composé de Xavier Adenot (Directeur de production de l'Opéra de Massy), Raymond Duffaut (Président du Centre français de promotion lyrique), Ludivine Gombert (soprano), Françoise Petro (Administratrice de l'Adami), Éric Perez (qui mettra en scène la production pré-citée), Martin Kubich (Directeur de l'Opéra de Vichy), Richard Martet (Rédacteur en chef d'Opéra Magazine) et de Pierre Thirion-Vallet (metteur en scène et Directeur du Centre lyrique Clermont-Auvergne).
Bien des enjeux, donc, pour des finalistes au nombre de 15, qui proposent une réjouissante audition de clôture (devant un public massif, prompt à faire entendre ses préférences par des applaudissements plus ou moins nourris). Durant 1h30, les airs les plus fameux issus des opéras de Leoncavallo et Mascagni s'enchaînent, permettant à quelques artistes de s'illustrer un peu plus que d'autres. C'est le cas de Chrystelle di Marco. La soprano française de 36 ans met en relief une voix pleine de caractère, aisément projetée et nantie d'une remarque gestion du souffle. En plus de décrocher le prix du public, Chrystelle di Marco décroche le rôle de Santuzza.
Le rôle de Nedda est attribué à une autre soprano française : Solen Mainguené, qui trouve dans cette finale l'occasion de faire briller un timbre plein de couleurs, rond dans le medium comme dans les aigus. La jeune artiste se démarque aussi par sa présence scénique. En plus de son rôle de Nedda, Solen Mainguené s'adjuge l'un des deux prix Adami de la meilleure interprétation du répertoire italien, le second revenant au jeune ténor français Louis Zaitoun, à la voix aussi mélodieuse que le jeu de scène est expressif.
Deux autres artistes se font remarquer : il s'agit d'Ekaterina Godovanets et de Jiwon Song. La soprano russe, à la carrière déjà bien remplie (Leonora, Desdemona, Sieglinde, Lisa figurent déjà à son répertoire), expose une voix profonde projetée avec aisance. Le baryton sud-coréen de 36 ans dispose d'un charisme scénique dû en partie à un sourire charmeur, mais surtout à une voix au timbre chaud et retentissant. Ces deux artistes obtiennent le Prix des partenaires du Centre lyrique.
Un tout jeune ténor doublement récompensé
Le Prix du public revient à Steeve Michaud. Le ténor canadien décroche des applaudissements nourris dans ses interprétations de Turiddu et Canio, notamment dans le fameux “Recitar !”. Son charisme et son engagement scéniques sont au service d'une puissance vocale remarquée. Mais, par excès de fougue sans doute, Steeve Michaud se montre défaillant sur certains aigus. Très applaudie, sa performance ne lui permet toutefois pas de décrocher les rôles de Turridu/Canio (ces rôles non attribués au terme de ce concours feront l'objet de prochaines auditions dans les différents opéras concernés par la coproduction).
Le dernier prix de ce concours revient au tout jeune (22 ans) Jean Miannay, qui reçoit le Prix du Centre français de promotion lyrique des mains de Raymond Duffaut. Le ténor français n'en est encore qu'à l'aube de sa carrière, mais possède déjà une voix enjouée et expressive, qui ne demande qu'à gagner en maturité. Jean Miannay fait coup double : il décroche aussi le rôle de Beppe.
Le baryton sud-coréen Dongyong Noh, avec sa belle étendue vocale et son timbre pénétrant, obtient de son côté les rôles d'Alfio-Tonio. Le personnage de Lola, enfin, revient à la française Ania Wozniak, riche d'un mezzo cristallin et vibrant, projeté avec maîtrise sur l'ensemble des registres.
Bien
que non primés, les autres finalistes de ce concours parviennent
aussi à se mettre en valeur. C'est le cas de la soprano moldave
Diana Axentii, dotée d'une voix puissante au timbre fort agréable,
et de l'allemande Felicitas Frische, au soprano aussi charmant que
robuste. La jeune mezzo russe Ekaterina Kurbanova dévoile une voix
non moins exquise et colorée, quand le ténor coréen Hyokun Ha use
d'un organe perçant et bien projeté, avec un réel investissement
scénique. Enfin, même s'il ne décroche pas le rôle de Beppe, le
ténor italien Nico Franchini présente une chaleur de timbre
certaine, notamment dans le medium, mais se montre trop hésitant
lorsqu'il faut monter vers les cîmes. Même constat pour le
sud-coréen Beomsok Seo, qui semble plus à l'aise dans les notes
graves, et manque parfois de souffle, malgré un potentiel indéniable.
Les prix attribués :
Prix des partenaires “20ème anniversaire” de la saison lyrique de l'Opéra de Clermont-Ferrand : Ekaterina Godovanets (Russie, soprano) et Jiwon Song (Corée du sud, baryton).
Prix du public Bernard Plantey : Chrystelle di Marco (France, soprano).
Prix du Jeune public : Steeve Michaud (Canada, ténor)
Prix du Centre français de promotion lyrique : Jean Miannay (France, ténor).
Prix Adami de la meilleure représentation de répertoire italien : Solen Mainguené (France, soprano) et Louis Zaitoun (France, ténor).
Les rôles distribués :
Beppe : Jean Miannay
Lola : Ania Wozniak
Alfio-Tonio : Dongyong Noh
Nedda : Solen Mainguené
Santuzza : Chrystelle di Marco