La Folle Journée 2018 à Nantes : le programme lyrique
Depuis 1995, en janvier-février, Nantes organise "La Folle Journée", Festival de Musique classique avec un thème différent chaque année. Auparavant dédiées à un compositeur, une école ou une période, les thématiques sont transversales depuis 2015. Le Festival qui se déroulait à l'origine sur un week-end dans la ville de Nantes propose désormais une semaine de concerts à travers la région des Pays de la Loire et elle s'exporte même à Bilbao, Tokyo, Varsovie, ou encore Iekaterinbourg.
Le thème de l'édition 2018 (du 31 janvier au 4 février) est consacré au "Monde nouveau" avec des compositeurs partis vers d'autres pays, notamment pour des raisons politiques. Les mélomanes penseront immédiatement à la Symphonie du Nouveau Monde composée par le tchèque Antonín Dvořák durant son séjour aux États-Unis (1892-1896). Le programme mettra ainsi en exergue des "exils choisis" (Lulli, Haendel ou Scarlatti) mais il se concentrera également sur les exils contraints par des régimes totalitaires (pour Rachmaninov, Prokofiev, Stravinsky, Bartók, Schönberg et déjà Chopin en son temps), mais aussi la grande tradition des espagnols à Paris (tels Granados et Albéniz). Ce sujet permet aussi à la programmation de s'ouvrir au blues venu d’Afrique, aux musiques klezmer et tziganes d’Europe de l’Est, comme aux chants d’exil du Moyen-Âge et aux musiques épurées de Giya Kancheli.
Pas moins de 300 concerts par 900 artistes seront proposés dans des salles de toutes dimensions (de 80 sièges jusqu'aux 2.000 places de l'Auditorium, en passant par toutes les jauges, dont par exemple les 500 places du Grand Atelier des Biscuits Petits Lu). Avec un si riche programme, la voix est aussi à l'honneur. Dès le premier jour, Barbara Hendricks et son blues-band parcourront la “Road to freedom”. L'Ensemble vocal féminin Callisto dirigé par Élisabeth Baconnais interprétera “Paris, terre d’accueil”, un programme s'ouvrant aux Douze chants de l’île de Corse par Henri Tomasi (1901-1971) et aux Quatre chœurs de Maurice Ohana (1913-1992).
Le lendemain, 1er février proposera un bel événement vocal avec Les Noces, "scènes chorégraphiques russes avec chant et musique" de Stravinsky. Le quatuor vocal composé de Yeree Suh (soprano), Marianne Beate Kielland (mezzo-soprano), Andrew Tortise (ténor) et Andrew Schroeder (baryton), avec l'Ensemble Vocal de Lausanne seront accompagnés par deux pianistes et six percussionnistes sous la direction de Daniel Reuss. À Nantes, les interprètes donnent souvent plusieurs concerts et les événements s'enchaînent dans chaque salle. Ces mêmes interprètes qui reviendront donner le Requiem de Mozart le surlendemain en matinée avant un concert Pärt/Schnittke/Stravinsky/Chostakovitch, céderont ainsi la place à l'ensemble Vocal de Nantes dirigé par Gilles Ragon sur un programme Eben et Dvořák.
S’inspirant du Livre des Lamentations du prophète Jérémie, l'ensemble Les Ombres donnera les Leçons de Ténèbres de François Couperin, une belle illustration baroque française qui répondra à la britannique Consolation du pèlerin de John Dowland par la soprano Maria Keohane et le Ricercar Consort de Philippe Pierlot, avant de remonter aux chansons médiévales et traditionnelles par l'ensemble Obsidienne d'Emmanuel Bonnardot.
L'ouverture aux nouveaux pays et horizons permet également d'inviter le Chœur Philharmonique d’Iekaterinbourg dirigé par Andrei Petrenko pour un programme de leur pays russe : Rachmaninov, Stravinsky et Schnittke mais également Arkhangelsky, Gretchaninov, Gavriline ou encore Sviridov. Rachmaninov et les chants populaires russes à retrouver également au programme de l'ensemble Éclats de Voix emmené par Gérard Baconnais. C'est ensuite vers l’Adriatique et ses chants sacrés que mènera Katarina Livljanić avec un programme Dalmatica par les ensembles Dialogos et Kantaduri. Le chant traditionnel qui sortira encore renforcé comme un merveilleux outil de rencontre, y compris avec les formes occidentales religieuses du Stabat Mater par Vox Clamantis, Jaan-Eik Tulve et les chanteuses seto (polyphonies vocales d'Estonie).
Signalons enfin un dernier hommage au voyage, à l'exil et aux migrations les plus naturelles qui soient : “L’exil de l’oiseau : trajectoire mouvementée d’un canari chanteur dans l’Europe des Lumières” de l'ensemble Artifices dirigé par Alice Julien-Laferrière.
À noter également la vingtaine de conférences au tarif unique de 5€, les concerts solidaires à 4€, les ateliers de chant organisés par l'ensemble vocal britannique Voces8 et les diffusions en direct sur France Musique les 2 et 3 février, puis sur Arte le dimanche 4 (à suivre sur nos pages Vidéos).