EEEmerging à Ambronay : une décennie de soutien aux ensembles émergents
EEEmerging : “Ensembles Européens Émergents”
“L’histoire d’EEEmerging est indissociablement liée à celle d'Ambronay, et donc profondément européenne.”. C’est ainsi que nous le présente le coordinateur de projet Nicolas Bertrand, qui poursuit l’historique : “Alain Brunet a fondé le Festival d'Ambronay en 1980 puis l’Académie baroque européenne d'Ambronay en 1993, le tout menant en 2003 à la labellisation d'Ambronay en Centre culturel de rencontre. Notre Directrice générale depuis 2021, Isabelle Battioni, a été en charge de coordonner le réseau des Centres culturels de rencontre pendant une décennie. Elle a pu constater combien ces centres s’engageaient dans un projet à rayonnement européen, combien ils engageaient de musiciens européens et sur des répertoires traversant le continent. L’Académie d’Ambronay, le Festival, mais aussi le Réseau Européen de Musique Ancienne (REMA) qui était hébergé à Ambronay : tout concordait pour aider les artistes et les institutions à se connecter pour faciliter les circulations culturelles. Ambronay et son Académie ont été reconnus et soutenus par l’Europe en tant qu'Ambassadeur culturel de l'Union Européenne en 2011, pour trois ans. L’idée est alors venue de monter un grand projet qui permettrait de poursuivre ces actions au-delà, au service aussi de plus petits ensembles qui travaillent sur des répertoires moins explorés. C’est ainsi qu’est né EEEmerging, qui signifie Emerging European Ensembles. Le programme a été conçu en 2013 et a vraiment commencé en 2014 avec cette idée de choisir de jeunes ensembles pour les accompagner dans toutes les étapes et dimensions de leur formation et de leur rayonnement.”
Bébé Ambronay deviendra grand
L’un de ces ensembles soutenus par ce programme, La Camerata Chromatica se qualifie ainsi volontiers de “bébé Ambronay”. Ils ont rejoint la deuxième phase du programme, lorsqu’EEEmerging (2014-2018) a cédé la place à EEEmerging+ entre 2019 et 2023, le programme continuant sa métamorphose l’année prochaine, comme vous allez pouvoir le découvrir. La Camerata Chromatica a même pu profiter d’une formation complète s’étendant sur toute la durée d’EEEmerging+. Les ensembles sont sélectionnés pour un parcours entre une et trois années, mais Ambronay a tenu à prolonger les parcours des ensembles touchés par la période de Covid.
Pour La Camerata Chromatica, l’aventure a donc duré. Pourtant tout est allé très vite, dès la candidature que nous raconte Bérénice Brejon, flûtiste à bec de cet ensemble : “Des membres de notre tout jeune ensemble connaissaient d’autres musiciens qui avaient participé à EEEmerging les années précédentes. Ils nous l’ont si chaleureusement recommandé que nous nous sommes lancés dans l’aventure, et tout est allé très vite pour nous !” “Nous étions parmi les plus jeunes pousses lorsque nous avons candidaté en 2019, poursuit le directeur artistique Benjamin Delale. Notre ensemble venait tout juste d’être créé, nous avions donné seulement deux concerts, et pourtant nous avons été retenus. Comme notre projet était tout jeune, nous avons justement mis en avant l'originalité du contenu, la démarche de notre travail entre vocal et instrumental qui compose le noyau de l'ensemble, et la spécificité de la musique que nous interprétons [cette ‘musique chromatique’ des XVIe et XVIIe siècles qui emploie des intervalles de notes bien plus riches et précis que la gamme traditionnelle, ndlr]. Tout en étant très accessible, c’est une musique à fleur de peau, qui déploie les émotions des textes, qui puise dans les passions extrêmes, mais aussi vers la joie et la légèreté. J’en suis tombé amoureux dès mes études et, tout au long de mon parcours, j’ai embarqué des collègues musiciens pour me rejoindre dans ce répertoire. Pour la sélection à EEEmerging+, nous avons senti que tout cela suscitait des interrogations tout en éveillant la curiosité du jury. Ils se sont vraiment posé toutes les questions clefs, et ils nous ont aussi nettement fait part de leurs doutes, mais ils ont visiblement été convaincus en nous entendant et ils ont décidé de nous soutenir.
Dès notre sélection à la suite du concours, ils ont fait une fiche diagnostic (de 6 pages !) pour déterminer nos besoins et ceux du projet, et nous faire la meilleure proposition individualisée. Il y avait des conseils fondateurs pour un jeune ensemble comme le nôtre (par exemple le fait de développer un catalogue de programmes, de savoir se présenter ou de réfléchir à sa communication). Mais ils allaient aussi loin dans le détail d’éléments techniques, et en soulevant des points problématiques que nous avons pu résoudre ensemble : comme nous faisons cohabiter les instruments et les voix, en donnant une place importante à chacun, il fallait qu’un esprit collégial fonctionne, et s’applique. Or, je jouais de mon côté, uniquement en solo dans nos concerts car mon clavier ne permettait pas d’être sur les mêmes tempéraments [hauteurs de notes, ndlr] que les autres instruments. Nous avions donc besoin d’un instrument spécifique, complètement au-dessus de nos moyens. L’idée est venue au bout de quelques mois de participation à EEEmerging+ que nous pourrions simuler cet instrument avec un clavier numérique. Ils nous ont accompagnés dans cette quête d’un ‘orgue samplé’ (qui dispose de sons enregistrés), avec un suivi artistique et un soutien financier (dans le cadre des Innovation Labs, un des pans de ce programme). Nous utilisons désormais cet instrument systématiquement dans tous nos concerts. Notre participation à ce programme nous a aussi apporté de nombreuses opportunités de concerts en Europe, de nombreux lieux nous y ayant découverts.”
Ce tremplin assez fulgurant a aussi propulsé l’Ensemble polonais Cohaere, d’une manière tout à fait étonnante et similaire comme le relate sa claveciniste Natalia Olczak : “Il y a trois ans, nous venions de gagner un concours, et la responsable de cette compétition (Katarzyna Czubek, une figure importante de la musique ancienne en Pologne) nous a dit qu’EEEmerging serait bien pour nous. Mais je pense que nous aurions entendu parler de ce projet d’une manière ou d’une autre, car bien des gens nous en ont parlé ensuite. C’était notre première année, à nous connaître, à nous plonger dans la musique de chambre baroque, mais nous nous sommes renseignées et nous avons trouvé le projet incroyable.
Lorsque nous avons déposé notre candidature, ils nous ont envoyé une trentaine de questions en amont, dont certaines que nous ne nous serions jamais posées nous-mêmes. Cela nous a aidées à établir ce que nous voulions faire et ce dont nous avions besoin. Ils nous ont poussées dans nos retranchements et nous en sommes ressorties plus fortes, prêtes pour toutes les situations !” “Ce programme nous a apporté deux éléments essentiels et complémentaires, résume sa collègue Monika Hartmann : de la visibilité et de la conscience-de-soi, avec ces questions qui, comme les battements d’ailes d’un papillon, ont provoqué de grands et profonds bouleversements.”
Résidences
Tout va très vite donc, grâce à l’action conjuguée de ces différents pans du programme EEEmerging. Un programme notamment rythmé par l’accueil des artistes, en résidences : des étapes fondamentales et fondatrices pour EEEmerging, pour les ensembles et pour Ambronay, comme nous l’explique Marie Isserel, responsable de la communication : “Les Centres culturels de rencontre font vivre un site patrimonial (l’ancienne Abbaye Notre-Dame d'Ambronay datant du VIIIe siècle) par un patrimoine artistique. Ce double patrimoine résonne durant le Festival mais aussi tout au long de l’année par des actions dans les murs et hors les murs, menées par des artistes associés et accueillis en résidence : des musiciens, danseurs, chorégraphes, artistes, paysagistes. Ces artistes investissent toute l’année ces lieux et ce territoire, leur donnent vie et sens, tout en s’épanouissant eux-mêmes dans leur projet artistique.” “Le site même, ses espaces avec leurs singularités, font résonner différemment la musique et ces projets, concorde Nicolas Bertrand. Ils ont permis des expérimentations : par exemple, l’ensemble vocal Cantoría a pu expérimenter des manières de chanter dans les différents espaces et les vents anciens d’Into the Winds ont testé le jeu en plein air. Ils conçoivent des projets pour ces environnements, les adaptent, les développent.
Accueillir des musiciens étrangers tout au long de l’année crée un espace de travail tout à fait propice à la recherche permanente, entre les ensembles EEEmerging présents, avec les autres musiciens et artistes évoluant dans des champs très variés, en marionnettes, paysages, arts régionaux… Ils nous disent combien ils aiment se rencontrer et se réunir, tout en travaillant chacun de leur côté aussi, même le soir ou au milieu de la nuit.
Le Centre culturel de rencontre d’Ambronay a été rénové et structuré autour de cette notion d'accueil et d’hospitalité. Lorsqu’un artiste ou un ensemble arrive à Ambronay, on ne lui donne pas juste des clés et un service de literie. Nous vivons avec eux, ils rencontrent les membres des équipes, participent à des ateliers de médiation avec eux sur le territoire, préparent leur concert de fin de résidence, etc. La résidence mène ainsi au rayonnement sur le territoire, d’artistes qui viennent des quatre coins de l’Europe.”
“Ces résidences nous apportent la ressource la plus essentielle, précieuse, et rare qui soit, confirme Bérénice Brejon de La Camerata Chromatica : du temps pour travailler tous ensemble dans des conditions idéales et accueillantes, pour nous consacrer pleinement au travail du répertoire. Avoir accès à Ambronay, à cet immense espace, ce cloître magnifique, cela donne un sentiment de liberté et en même temps de protection, comme dans un cocon. Tout est à la fois très organisé et très libre, permettant aussi bien de se ressourcer que de se concentrer pleinement sur la musique.” “Difficile de trouver des situations où nous pouvons travailler ainsi, ensemble, toute la journée, confirme Benjamin Delale. Ces occasions de passer autant de temps ensemble, permettent de plonger dans le détail, c’est très intense. Seules de telles résidences permettent de le faire et de monter ainsi en niveau. Sans EEEmerging+ nous n'aurions pas du tout le même niveau musical dans notre répertoire.”
Le Centre culturel de rencontre d’Ambronay est le “leader” de ce projet EEEmerging+ et son épicentre grâce à l’accueil des artistes en résidences et durant son Festival, mais il travaille en collaboration avec d’autres centres, instituts, festivals à travers l’Europe. “Cela nous a permis de bénéficier de résidences dans des lieux extraordinaires, s’enthousiasme Benjamin Delale : dans le collège papal de Pavie, notre salle de répétitions c’était la Chapelle Sixtine (avec peinture et dorures) ! À Torroella de Montgrí, nous avons pu partir nous balader en mer. Ambronay sait même allier résidence et master-classe, avec des spécialistes qui viennent parfois plusieurs jours pour une séance de travail XXL (nous avons eu deux fois ce plaisir que nous n’aurions jamais pu nous offrir).”
Formation complète
Si les résidences sont le cœur battant du programme, elles sont elles-mêmes l’occasion de diversifier la formation proposée aux ensembles sélectionnés. Une formation à 360° se déploie avec des master-classes, conférences, ateliers, formations sur tous les champs d’actions d’un ensemble. Elle inclut le plan spécifiquement artistique mais également les aspects administratifs, de production, de diffusion, de communication, de médiation, toujours dans un esprit de formation et d’innovation, comme en témoigne Bérénice Brejon : “nous sommes guidés dans différents domaines : pour faire un budget de concert ou de tournée, imaginer des projets, demander des subventions, négocier un salaire. Ils nous forment avec un suivi individuel ou des séances avec les autres ensembles, avec même des mises en situations, des jeux de rôles pour simuler les différentes situations concrètes. Tout du long, ils nous demandent si nous avons des besoins spécifiques de formation ou de coaching artistique, en nous invitant à proposer des noms d’intervenants si nous en avons le désir.”
“Pour un ensemble naissant comme le nôtre, poursuit Benjamin Delale, c’était indispensable, fondamental sur les plans de la production et de l'administration : pour savoir comment créer une structure, embaucher des salariés, etc. Nous avons eu une formation dès notre première résidence à Ambronay, et les formateurs nous ont dit qu'on pouvait les contacter à tout moment sur toute question. Nous ne nous sommes pas gênés pour le faire, et ils étaient toujours disponibles à tout moment, avec une grande volonté d’aider.” “Ils nous ont formés sur l'organisation, comment faire une interview, comment se présenter et se produire, avec des conseils et contacts de physiothérapeutes et nutritionnistes”, illustre également Natalia Olczak. “Ce sont des éléments de formation tellement importants qui manquent dans les conservatoires et les universités”, confirme sa collègue de Cohaere, Monika Hartmann. “Tous ces savoirs, reprend Natalia Olczak, ces connaissances que nous avons acquises au cours du programme EEEmerging+, nous les partageons ensuite avec les autres ensembles et les collègues dans notre pays et là où nous allons.”
“Dans le premier volet d’EEEmerging, il y avait initialement une dimension plus compétitive avec une sélection et des éliminations à la fin de chaque année, ce qui correspond aussi à une culture du secteur, rappelle Nicolas Bertrand. Avec EEEmerging+ nous sommes passés de la compétition à la coopération, en nous tournant aussi vers la promotion de ceux qui ont le plus besoin de visibilité pour leurs projets. Cela nous permet de valoriser des carrières artistiques, dans une palette complète d’activités : la tournée (mode le plus fréquent et pour lequel ils se forment souvent), mais aussi le numérique (pour la promotion mais aussi pour faire des concerts), les ateliers avec des enfants, dans des lieux sociaux, ou des entreprises également.”
La formation complète proposée par EEEmerging+, consiste à encourager et accompagner les ensembles à travers un panel complet d'actions artistiques, dans leur pratique musicale mais aussi dans leur capacité à transmettre, comme l’évoque Marie Isserel : “Souvent certains éléments de l’action des musiciens sont sous-valorisés et font figure de parent pauvre, alors que, justement, ces actions culturelles envers les publics éloignés sont essentielles et source de vitalité pour ces traditions musicales. Nous accompagnons les ensembles dans la recherche d’un équilibre entre le concert avec sa visibilité traditionnelle, et la richesse des autres actions, tout aussi nobles, de médiation.” “D’autant que nos lunettes musicologiques risquent de nous faire perdre la conscience de l’expérience musicale, qui est accessible à tout le monde”, rappelle Nicolas Bertrand. “Le classement ‘accessible/non accessible’ n’est pas toujours juste, résume Marie Isserel. Des musiques dites ‘de niche’ vont apporter une grande richesse à des auditoires très divers, et vont ensuite trouver de nouveaux lieux de diffusion.”
Preuve par l’exemple avec La Camerata Chromatica de Benjamin Delale : “Notre répertoire est paradoxalement très accessible. Les gens à qui nous l’avons joué dans le cadre de séances de médiation (en maison de retraite par exemple), n’étaient pas nécessairement habitués à la musique classique, encore moins à la musique Renaissance et à ses codes. Pourtant, ils ne ressentaient pas cette musique chromatique comme étrange. Ils l’ont écoutée comme une messe baroque ou classique.
Cette musique est pointue car elle appuie là où ça fait du bien ou du mal : ces expressions se ressentent de manière universelle, sans en connaître nécessairement tous les codes. Le timbre des instruments anciens joue aussi beaucoup dans ce sens : ce mélange des voix, de la flûte à bec, de l’orgue forme un son à la fois très précis, car nous y travaillons beaucoup, pur et d’une complexité veloutée, ce qui apporte la dimension agréable et confortable d’écoute.” “Ce travail de médiation est très important pour Ambronay, renchérit Bérénice Brejon, encore plus si notre répertoire peut être considéré comme spécialisé, de niche : ils déploient donc d’autant plus la volonté de le diffuser et de le transmettre largement, à des publics différents. Ils s’appuient sur nos parcours, en pédagogie, et notre action incontournable aujourd’hui, d’EAC [Education Artistique et Culturelle].”
Cet enjeu de la médiation et de la transmission est inscrit dans ce programme dès le processus de candidature, comme le raconte Monika Hartmann : “Dès notre audition à Paris, nous devions jouer deux mini-concerts en 30 minutes, l’un des deux à destination des enfants. La forme était totalement libre mais cela faisait alors moins d’un an que nous jouions ensemble… Nous avons choisi d’écrire un conte de fées (un compositeur y écrivait de la musique pour un prince insomniaque). Nous contions, chantions, dansions. C’était beaucoup de pression, beaucoup de stress, mais beaucoup de plaisir (et de voir les sourires sur leurs regards).” Sa collègue de Cohaere, Natalia Olczak, poursuit et prolonge ainsi ce mouvement : “Nous avons bien entendu des objectifs principaux, communs à tous les ensembles : tourner, faire carrière, enregistrer un disque. Mais c’est un bloc de notre projet et nous sommes également encouragés par Ambronay à partager le savoir et la musique, en étant plus dans le local. Nous aimerions aller jusqu’à organiser une tournée, des master-classes, un festival, qui sait : un projet menant vers l’Est de l’Europe, pour y faire découvrir notre musique, et nous inspirer de leur culture”.
Rencontres, échanges, communauté
Monika Hartmann, violoncelliste de l’Ensemble Cohaere, raconte ainsi comment les résidences chez les différents partenaires mènent déjà à des rencontres artistiques qui se déploient : “Nous avons passé beaucoup de temps très agréable en résidence à Ambronay, et en Espagne, à échanger avec d'autres ensembles sur des sujets artistiques et d'organisation pratique, à les voir travailler également ce qui permet de réfléchir à de nouvelles façons de faire. Nous avons même partagé des concerts. Nous avons ainsi bâti et donné un programme ‘Si lointains, si proches…’ au Festival d'Ambronay l'année dernière avec l'Ensemble La Camerata Chromatica et nous renouvelons l'expérience au Festival de cette année, avec un programme commun. Nous avons même fait un flash-mob en Croatie avec PuraCorda, un Ensemble d'Amsterdam. Même si nos répertoires et nos effectifs sont très différents, nous trouvons des passerelles, des concepts, des idées pour échanger, partager. Cela nous a permis de rencontrer des artistes très créatifs et très concrets dans leur démarche. Nous avons eu des critiques constructives, des échanges très francs et honnêtes. C’est extrêmement précieux et utile.”
“Ce modèle de coopération, de communauté est au cœur de ce projet, se félicite Nicolas Bertrand. Il est impressionnant de voir ses effets sur les ensembles et sur nos institutions : le partage de compétences, de retours d’expériences, les projets communs qui se tissent. Certains musiciens sont même dans plusieurs ensembles EEEmerging+ : le violoniste de l’Ensemble La Vaghezza, Ignacio Ramal, est aussi dans The Ministers of Pastime. Et cet ensemble The Ministers of Pastime a passé commande d’une pièce contemporaine à Mayah Kadish, violoniste de La Vaghezza et compositrice. Des ensembles partagent des concerts, des quatuors se réunissent en octuor, etc.”. Monika Hartmann nous parle dans cet esprit de “Giulio Quirici, luthiste qui était déjà dans le projet EEEmerging (avant EEEmerging+). Son ensemble n’existe plus, mais nous avons fait un projet cette année où nous l’avons invité : EEEmerging connects people.”
“Dans cette nouvelle manière de travailler et de créer, nous développons une Communauté EEEmerging, poursuit Nicolas Bertrand : ce programme n’est pas simplement une suite de projets mais la construction d’une communauté d'artistes, de structures de production et de diffusion qui œuvrent ensemble. Ce lien permet de partager des expériences, de tisser des collaborations artistiques et peut amener à créer des projets artistiques en commun, des modes de tournées en-dehors de circuits traditionnels... Quand on parle de coopération, cela entraîne une communication moins verticale, plus horizontale. Les artistes peuvent échanger ensemble, et avec les lieux où ils travaillent, qui sont vraiment des partenaires.
Nous avons ainsi encouragé un grand travail transversal entre les artistes participants, qui a, en retour, modifié notre travail en tant qu’institution. Ainsi, par exemple, les chargés de communication des établissements réfléchissent ensemble à l'action collective, aux outils, etc.
Ce projet apporte ainsi un travail global sur la gouvernance. Les directeurs des établissements partenaires se réunissent en ligne tous les 15 jours pour décider des grandes orientations. Nous fonctionnons ensuite à chaque étage sur des tranches de pyramide, où chaque équipe a son rôle et ses initiatives. Chaque service peut aussi piloter des projets, rejoindre les autres (comme les solistes d’un ensemble musical peuvent se réunir en somme). Toutes les équipes se sont ainsi pleinement approprié le programme.”
Des liens que confirme et déploie également Marie Isserel : “Ce programme a permis de travailler autrement que ce qui se fait dans le monde de la musique classique, avec une dizaine de partenaires européens. Ce projet nous a permis de creuser et de partager un travail, des actions, des réflexions que nous voulions entreprendre, mais il nous a aussi menés vers des découvertes, des avancées, des réflexions, des sujets auxquels nous ne nous attendions pas et qui vont continuer de se prolonger sur des sujets comme l'environnement, l’écologie, le renouvellement des publics, la manière par laquelle les artistes accompagnés ont à leur tour créé des lieux de rencontres et des festivals, comment ils ont réalisé des choses inattendues. La notion de laboratoire résume aussi bien l’idée : c’est un projet qui permet de tester, de voir, de réfléchir, d’innover.”
Sustainable EEEmerging
Et justement, la prochaine phase de ce projet plongera pleinement dans ces enjeux d’innovations et de transformation durable. Après EEEmerging et EEEmerging+, place pour 2024-2028 à “Sustainable EEEmerging”, que nous présente Nicolas Bertrand : “Sustainable, c’est la soutenabilité, plutôt traduite en français par durabilité. Cette notion est toutefois souvent résumée à son sens écologique, à l’attention au bilan carbone mais pas assez souvent rattachée aux questions aussi essentielles de biodiversité, de qualité de vie, de lien social… alors que ce terme englobe ces univers, et bien d’autres possibles.
L’idée c’est donc de poursuivre EEEmerging+ dans ce qui fait son efficacité et de l’améliorer grâce à ces thématiques nouvelles (sur lesquelles nos partenaires sont aussi très engagés, certains même déjà à la pointe).
Nous souhaitons ainsi travailler la notion de carrière durable, à travers des questions écologiques. L’idée est de travailler la soutenabilité de la vie artistique : comment un artiste peut trouver son équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, comment un ensemble peut construire des tournées plus riches et cohérentes sur un territoire avec des partenaires et des actions profondes. Et la soutenabilité est aussi un enjeu économique pour les ensembles, pour les artistes et pour les lieux.
La question géographique se pose également : les modèles de pratique, de diffusion et d’enseignement de la musique ne sont pas nécessairement adaptés, notamment aux musiques anciennes et informées qui sont très voyageuses, qui peuvent se transmettre plus directement, mener à redécouvrir d’autres musiques anciennes locales, à dialoguer avec d’autres répertoires traditionnels, etc.
Nous voulons également travailler et développer encore davantage nos liens et réseaux avec les acteurs de différents pays, en déployant davantage encore ce programme vers l’Est et le Nord de l’Europe (où il y a relativement moins de festivals et donc d’ensembles) : pour accroître la vitalité de la musique ancienne dans tous ces pays, créant autant d’opportunités pour tous les artistes.
L’éco-système devient alors d’autant plus vivant, il s’élargit et s’accroît.”
Rendez-vous en 2024-2028 pour en voir émerger les fruits (durables bien entendu)…