Rencontres musicales de Vézelay : une liturgie des heures bien huilée
Un festival, des rencontres
L'événement estival organisé par la Cité de la voix de Vézelay n’est pas simplement appelé "festival", mais "Rencontres Musicales de Vézelay", choix qui remonte aux origines : « Quand Pierre Cao a fondé le festival, il était très attaché à ce mot de "Rencontres", explique le Directeur des lieux, François Delagoutte. Ce terme a perduré, constitue toujours autant l’essence de la manifestation, bien qu’elle ait beaucoup évolué depuis : le festival offre en effet une multiplicité de rencontres autour de la voix dans tous ses états, avec la musique et les musiciens, mais aussi entre les musiciens et entre les festivaliers. Nous insistons beaucoup sur cette proximité, cette convivialité, cette simplicité entre le public et les artistes. Si la musique est au cœur du festival, l’expérience Vézelay se décline aussi à travers énormément de moments en constellation qui font sa singularité et ont vocation à faire éclore ces rencontres à tous les instants ».
Métaboles en résidence
« J’entre dans mon deuxième mandat à la tête de la Cité de la Voix qui me conduira jusqu’en 2026, suite à la confiance renouvelée des partenaires de l’établissement, annonce François Delagoutte : après une première étape de structuration de l’établissement à l’échelle régionale couronnée par l’appellation Centre national d’art vocal en 2020 et une première association réussie avec l’Ensemble Aedes. Cette deuxième étape aura vocation à approfondir et consolider tout ce que nous avons mis en place. Nous avons réalisé un très gros travail pour poser les fondations d’un projet artistique et culturel solide. Il conviendra désormais de le confronter à l’ensemble des transitions à l’œuvre - écologiques, sociales et territoriales - pour assurer sa pérennité. « Cité durable » sera notre grand chantier. Sur le plan artistique, nous cheminerons ces prochaines années avec Les Métaboles, nouvel ensemble associé. L’ensemble porte pour les trois prochaines années l’identité chorale de la maison avec un goût prononcé pour le répertoire du XXe siècle et la création contemporaine, autant qu’un engagement de son chef Léo Warynski dans les problématiques d’insertion professionnelle des jeunes chefs. Autant de raisons de ce choix outre l’évolution remarquable des Métaboles ces dernières années, qui l’ont porté parmi les meilleurs ensembles vocaux professionnels français.
« C’est une résidence pensée par François Delagoutte comme une véritable association avec une implication très forte de l’ensemble qui s’associe à La Cité de la Voix. Cette résidence est à la fois une chance, une fierté et un honneur, se réjouit quant à lui Léo Warynski. Il y a plusieurs temps qui rythment l’année. Il y a d’abord le travail de diffusion sur le territoire bourguignon avec des concerts, y compris avec des scolaires ou des chœurs amateurs, via le dispositif 100% chorale [qui est passé de deux à trois villes, ndlr] auquel des chanteurs des Métaboles travaillent toute l’année, auprès des enfants et de leurs enseignants. Ils préparent avec eux des spectacles, leur font travailler la technique vocale. J’ai un lien particulier avec ces Rencontres musicales car je me souviens quand elles sont nées : j’étudiais avec le fondateur Pierre Cao. En tant que jeune chef, je me disais que diriger un concert à Vézelay serait un vrai accomplissement. C’est un phare pour la musique vocale : rares sont les festivals qui mettent tant le chœur à l’honneur : je vais tâcher d’être à la hauteur ».
« La Cité de la voix est un centre de ressources important, poursuit Léo Warynski : ils ont une bibliothèque unique, dans laquelle dorment des partitions, dont certaines n’ont jamais été chantées (ou très peu) et pas enregistrées. Une fois dans l’année, nous enregistrons donc des partitions qui sont inédites pour donner aux chefs de chœur l’idée d’un répertoire qu’ils peuvent monter avec leurs propres ensembles. C’est un répertoire très varié, que nous regroupons autour de thématiques, comme le sport ou Paris en vue des Jeux Olympiques qui arrivent, le territoire bourguignon, l’international, etc. Cela construit un panel très large. » « Ils enregistreront aussi Philip Glass en janvier 2024 », complète François Delagoutte.
Le Directeur des lieux poursuit : « Nous travaillons avec eux sur l’insertion professionnelle des jeunes chefs de chœur. Ils animeront ainsi l’académie qui invite six stagiaires à travailler une semaine avec eux en juillet prochain avec un concert de restitution à la clef. Forts de l’expérience précédente, nous nous sommes fixés l’objectif de suivre les candidats dans le temps. L’un des stagiaires sera sélectionné à la suite de l’académie pour assister Léo sur une saison de production : vingt journées de travail prises en charge directement par la Cité de la Voix. C’est une manière d’approfondir le dispositif d’insertion professionnelle.
Bien sûr, la résidence donne également lieu à un concert pendant les Rencontres, le vendredi soir : « François Delagoutte m’a laissé choisir le répertoire du concert, en me disant que c’était le moment de rêver, se souvient Léo Warynski. Cela tombait bien car j’avais un rêve depuis longtemps : chanter le Concerto pour chœur de Schnittke, car c’est un compositeur qui nous accompagne depuis le premier disque des Métaboles, Mysterious Nativity. C’est une œuvre qui mobilise beaucoup de chanteurs et qui nécessite donc de gros moyens, que je n’avais jamais eus jusqu’ici. Nous aurons donc 48 chanteurs : je crois n’avoir jamais réuni Les Métaboles en aussi grand groupe. Autour de ce concerto, je voulais proposer d’autres folies chorales : l’une des plus grandes utopies chorales est le Spem in alium de Tallis, qui se chante à 40 voix réelles. Dans les grandes œuvres, je voulais aussi ajouter Mahler, auquel Schnittke a souvent été comparé par leur goût du spectaculaire. L’Adagietto de la Symphonie n° 5 me semblait ainsi être un pendant logique au Concerto pour chœur. Enfin, comme Les Métaboles inscrivent la création au cœur de leur répertoire et que j’ai un lien fort avec beaucoup de compositeurs, j’ai voulu créer Tutto in una Volta, une œuvre de Francesco Filidei, avec qui j’ai une relation privilégiée car j’ai dirigé son premier opéra et même l’une de ses premières créations, à Aix-en-Provence il y a plus de 15 ans. C’est un projet dont Francesco Filidei m’avait parlé pendant le confinement : l’œuvre avait été composée mais n’avait pas pu être créée ».
2023 : un parfum anglais
François Delagoutte l’explique clairement : il ne donne pas de thème exclusif à ses programmations. Il s’en dégage toutefois une cohérence et des résonnances qui cette année apparaissent même comme un fil rouge : la musique anglaise sera entre autres explorée sous toutes ses coutures, depuis William Byrd jusqu’à Joby Talbot en passant par les Beatles. « L’actualité britannique royale n’y est pour rien, ironise-t-il. Le point de départ de cette réflexion est l’anniversaire du décès de William Byrd dont nous commémorons les 400 ans de la disparition en 2023 sur une proposition de Robin Pharo, que nous accompagnons avec son ensemble depuis plusieurs années.
Ce dernier, gambiste et fondateur de l’ensemble Près de votre oreille, s’est en effet spécialisé dans ce répertoire : « Le premier disque de l’ensemble Près de votre oreille, Come Sorrow, était dédié à la musique anglaise de l’époque élisabéthaine, raconte-t-il. À travers un programme qui questionnait le rôle de la viole de gambe dans le répertoire aristocratique et populaire de Lute Songs, je découvrais l’identité profonde de la musique anglaise et une passion nouvelle. La musique anglaise est donc au cœur de l’existence même de l’ensemble Près de votre oreille qui s’attache à présenter des programmes variés en lien avec l’histoire de la viole de gambe. En 2022, l’ensemble a créé A Byrd celebration, qui marque une étape importante dans notre histoire en nous permettant d’explorer un répertoire davantage ancré dans l’esthétique de la Renaissance, qui est au cœur de l’émancipation de la musique occidentale. Elle est aussi un réservoir inépuisable de beauté comme le témoigne bien le sublime Agnus Dei de la Messe à 4 voix de William Byrd, qui m’a donné envie de créer ce programme. La découverte de cette pièce et la connaissance de son répertoire très important composé pour le consort de violes de gambe furent des raisons suffisantes pour me décider à rendre un hommage important à William Byrd, l’année de la commémoration des 400 ans de sa mort. Lorsqu’on commence l’apprentissage de la musique avec un instrument ancien, ce qui est mon cas (j’ai commencé l’étude de la viole de gambe à 5 ans), la musique de la Renaissance est très présente. L’œuvre de William Byrd est un répertoire charnière entre plusieurs esthétiques : il est à la fois le point culminant de la musique anglaise de la Renaissance et une porte d’entrée vers l’esthétique baroque anglaise. En composant pour le virginal [clavier à cordes pincées, ndlr] et le consort de violes de gambe accompagnant la voix, William Byrd a aussi contribué à développer la musique instrumentale. Il était un formidable joueur de virginal et d’orgue. Sa science du contrepoint et son œuvre vocale sont d’une finesse inouïe. Son Ave Verum à 4 voix, qui ouvre notre programme, me charme à chaque fois que je l’écoute. Notre programme propose une célébration de son répertoire foisonnant, en présentant l’intégralité de sa Messe à 4 voix. Entre les mouvements de l’ordinaire de la messe sont intercalées des œuvres instrumentales pour violes de gambe et des transcriptions d’œuvres pour le virginal ».
Une fois ce premier programme décidé, François Delagoutte a voulu « élargir le spectre british en présentant au public des équipes anglaises. L’ensemble vocal de Nigel Short et son programme Le Chemin des miracles, qui trouvera un écho formidable à Vézelay le samedi soir dans la basilique, s’est imposé. Ce programme permet de vivre musicalement et spirituellement un fragment du chemin de Saint-Jacques, dans sa partie espagnole, avec ce que l’expérience vécue par nombre de pèlerins passés ici offre en douleurs, souffrances jusqu’à l’émerveillement, particulièrement lors de l’arrivée à Santiago. Cette œuvre contemporaine datée de 2005 est un pèlerinage musical et émotionnel magnétique d’une extraordinaire richesse dans son écriture offrant des possibilités vocales saisissantes ».
« A partir de ces idées, nous avons déroulé ce voyage outre-manche, en associant à l’aventure Louis-Noël Bestion, fidèle parmi les fidèles de notre maison, qui travaille beaucoup depuis quelques temps autour de la musique anglaise et nous fera la grande joie de clore le festival ». Le cofondateur de l’ensemble Les Surprises (il y a plus de dix ans avec Juliette Guignard) confirme ce récent prisme anglais : « En 2019, nous avons créé le programme Purcell – Tyrannic Love à la Cité de la Voix, une plongée dans l’univers de la musique de théâtre de Purcell mais aussi de quelques-uns de ses amis, John Blow, John Eccles, Jeremiah Clarke. Ce fut notre première immersion dans la musique anglaise du XVIIe siècle. J’ai alors voulu poursuivre notre travail sur la musique anglaise baroque avec un projet en grand effectif, et me suis orienté vers les Odes, très nombreuses dans ce répertoire. Il était pour moi évident de proposer une Ode de John Blow, un compositeur trop peu joué compte tenu de l’extrême beauté de sa musique, aux côtés d’une Ode célèbre de Henry Purcell. Notre nouveau programme « Grandes Odes » propose ainsi en miroir deux Odes à Sainte-Cécile : Purcell et Blow, sont intimement liés et furent de grands amis, s’influençant mutuellement. Le second, aujourd’hui moins connu, fut le maître du premier. John Blow eut les charges de musiciens parmi les plus importantes : Compositeur de la Chapelle Royale et Organiste de la Chapelle Royale (charge qu’il partagea avec son illustre élève). Son chef d’œuvre Venus et Adonis a profondément marqué Purcell qui s’en est inspiré pour son propre opéra Didon et Enée. Tous deux usent de leur science pour rendre hommage au pouvoir de la musique, Blow à travers son art subtil du contrepoint et sa maîtrise des affects, Purcell en grande pompe avec trompettes et timbales multipliant les couleurs instrumentales et la virtuosité vocale. Begin the Song!, composé en 1684, et Hail! Bright Cecilia, composé en 1692, présentent deux visages très différents et complémentaires de cette musique. Ces deux œuvres font la part belle tant aux instruments qu’aux voix, avec de nombreux et magnifiques airs de solistes, duos, trios, et bien sûr de grands ensembles ».
Toujours dans cet esprit « british », François Delagoutte demande alors à Agathe Peyrat (Ma p’tite chanson) et Jérôme Correas (les Paladins) de « se tourner vers les Beatles, à leur manière. La discussion avec Jérôme portait sur les analogies avec Purcell, chez qui il voyait spontanément et à juste titre une approche mélodique et harmonique un peu pop. Il avait envie depuis bien longtemps de s’amuser avec cela. Notre public est friand de ces passerelles et aime être surpris : le résultat est d’une fraicheur incroyable ». Jérôme Correas détaille son projet : « Je suis parti de la constatation que la musique de Purcell sonne vraiment pop. Quand on travaille le baroque, c’est une remarque que l’on se fait souvent : il y a des tournures de phrases, des mélodies, des rythmes, qui font se rencontrer ces deux univers. De leur côté, les Beatles se sont inspirés de la musique classique (en particulier de Bach et Beethoven). J’ai noté également que Paul McCartney avait chanté dans un chœur d’églises étant enfant : il a dû entendre et pratiquer ce substrat de musique ancienne anglaise. La langue est la même et ils utilisent parfois les mêmes mots puisque ce sont des chansons qui parlent d’amour. Dans Because, les Beatles commencent même par un solo de clavecin, et plus généralement, ils utilisent beaucoup l’orgue positif. Cela m’a semblé intéressant d’entendre ce que donnent les Beatles interprétés par des musiciens baroques. Il a fallu trouver un langage entre le style des Beatles et les voix lyriques du baroque. Le programme fait donc des allers-retours entre Purcell, en soulignant ce qu’il a écrit de pop, et les Beatles. J’ai fait les arrangements en me procurant les partitions générales, avec tous les instruments (il y en a énormément, notamment des percussions). Quand il y a des chœurs chez les Beatles, il y a trois voix, c’est pourquoi nous avons trois chanteurs dans ce programme, ce qui permet de s’amuser avec les harmonies. Côté instrumental, nous avons une viole de gambe, un clavecin et un orgue positif. L’orgue tient les sons, le clavecin est très rythmique, ce qui permet de faire des basses un peu rock et une musique très nerveuse et mobile, et la viole est utilisée soit mélodiquement soit en pizzicati pour donner un côté jazzy. Cela permet de rendre hommage à ces artistes, c’est une façon de les saluer et de les aimer. Nous jouerons à l’église d’Asquins, qui devrait magnifier les voix ».
Parallèlement, François Delagoutte a convié le duo Ma P’tite chanson, composé d’Agathe Peyrat et Pierre Cussac, à porter également leur regard sur le groupe anglais : « Le duo a débuté ici. Je les ai découverts à mon arrivée, j’apprécie leur créativité, leur imaginaire, la qualité de leurs arrangements imprégnée de références et d’une culture musicale immenses. Je savais qu’ils sauraient parfaitement se réapproprier le répertoire des Beatles pour raconter leur propre histoire : on a l’impression qu’il s’agit de leurs propres chansons ». « Nous venons tous les deux du monde de la musique classique, et cela s’entend dans l’accordéon orchestral de Pierre ou dans ma voix de chanteuse lyrique, présente Agathe Peyrat. Mais nous sommes aussi des touche-à-tout qui travaillons dans le milieu du jazz ou de la musique improvisée pour Pierre, du théâtre et de la chanson pour moi-même. Notre projet original contenait déjà une chanson des Beatles, l’inoubliable Yesterday, mais c’est à l’invitation de François Delagoutte que nous avons créé un programme entièrement dédié aux chansons des ‘Fab Four’. En se plongeant dans leur univers, nous avons redécouvert la richesse musicale de ce répertoire, la beauté des textes, mais aussi leur potentiel affectif : ce sont des chansons qui nous accompagnent tous et toutes, de près ou de loin, depuis toujours. Nous y avons donc vu un potentiel inouï à un voyage dans les souvenirs et l’imaginaire. Nous disposons d’un instrumentarium unique (un accordéon, un ukulélé, deux voix) qui constitue le fil rouge et l’originalité de notre projet. À partir de là, nous nous permettons tout : dépouiller à l’extrême une chanson pour en faire ressortir le génie mélodique et l'émotion, ou au contraire arranger à la manière d’un grandiose morceau classique, en allant parfois même jusqu’à la citation de grands compositeurs. Les Beatles ont été pour nous un terrain de jeu passionnant et c’est une joie immense de donner à entendre ces chansons, à notre manière ».
La liturgie des heures
Le festival est organisé selon un rituel désormais bien établi, qui permet d’assurer la densité des journées sur un temps court : « Bien sûr, le but est de garder les festivaliers sur toute la durée des Rencontres et de leur offrir une expérience exceptionnelle et unique de la musique, du chant et de la danse, à toute heure de la journée, dans un environnement sublime », confirme François Delagoutte, qui nous détaille ensuite la journée type.
8h : réveil musculaire puis petit-déjeuner
« Le Qi gong est une discipline chinoise, permettant de se mettre en énergie, en commençant la journée avec des mouvements qui réveillent le corps. Nous avons invité Antoine Jomin qui habite la région et a été chanteur dans plusieurs ensembles vocaux. Il a développé cette activité d’ateliers de bien-être, qu’il propose chaque matin. Puis, le Petit-déjeuner en musique offre une petite heure de musique dans des endroits intimes comme des jardins, avec des artistes qui viennent prolonger leur présence par ces moments de rencontre, autour d’un café que nous offrons. Ce sont des concerts en plein air, assez légers ».
10h30 : ateliers vocaux
« A 10h30, nous proposons des ateliers de découverte vocale ouverts à tous, éclairant les participants sur les spécificités vocales et stylistiques des groupes qui viennent chanter lors des concerts gratuits. Il y aura ainsi le vendredi un atelier ‘Circle songs’ avec Ellinoa : chacun pose sa voix pour construire un son, en boucle, afin de chanter ensemble sans avoir besoin de lire la musique. Le samedi, sera proposé un atelier ‘Chansons à répondre’ de Justin Bonnet du Quintette Les Têtes de chien, forme en question/réponse courante dans les musiques de tradition orale dont il est spécialiste ». Ces ateliers sont suivis, à 12h, des apéros-concerts menés par les mêmes artistes.
Le dimanche sera l’occasion de restituer les travaux réalisés avec des chanteurs amateurs. A 11h, Olivier Fortin présentera une Cantate participative. Ce dernier nous présente sa démarche : « Nous sommes très heureux de revenir à la Cité de la Voix avec une autre cantate participative (c’est la deuxième année), Selig ist der Mann de Bach, qui évoque le dialogue entre le Christ et une âme. Nous aurons une équipe de sept instrumentistes et les deux mêmes formidables solistes que l’an passé, Elodie Fonnard et Romain Bockler. C’est une expérience emballante de partager cette grande musique avec le public et d’interpréter avec lui le choral final de l’œuvre, qui sera travaillé ensemble en début de concert. Et afin de prolonger le plaisir, nous interpréterons aussi avec le public le choral Wenn ich einmal soll scheiden, extrait de la Passion selon Saint Matthieu qui aura été donnée par Gli Angeli le jeudi. Pour ceux qui n’ont pas envie de chanter, l’expérience en vaut quand même le coup pour son ambiance ».
Paul Smith et son ensemble Apollo5 présenteront à 13h des English Voices : « Le projet de cette édition du Festival de Vézelay comprendra plusieurs séances de travail avec des chanteurs amateurs adultes, qui rejoindront Apollo5 sur scène au début du concert sous ma direction, explique Paul Smith. Nous préparerons ainsi différentes pièces de chœur a capella. N’importe qui peut chanter et prendre part à un chœur : c’est bénéfique pour la santé et le bien-être et surtout, c’est l’occasion de passer un beau moment ».
14h30 et 19h : les Mises en oreille et ateliers danse
« Les Mises en oreille sont menées par deux fidèles du festival, personnalités attachantes, que le public attend chaque année. Nicolas Dufetel propose l’après-midi un temps musicologique pour livrer au public des clés qui permettent d’aborder les programmes, avec remise en contexte historique, analyses sur des points majeurs de l’œuvre, ainsi qu’un temps d’échange avec les spectateurs. Le soir, les Mises en oreille s’organisent davantage autour d’une discussion ouverte, n’éludant pas pour autant quelques éléments musicologiques également. Les artistes sont invités à venir y prendre part. Cela leur permet de dire ce qu’ils veulent faire de l’œuvre et pourquoi ils l’abordent. C’est un point auquel je suis extrêmement attaché », explique François Delagoutte.
« A 14h30, nous proposons également des ateliers danse permettant de préparer avec l’équipe invitée, le grand bal « du samedi soir » organisé derrière la basilique. Cette année, nous aborderons les danses du Brésil en correspondance avec une teinte sud-américaine présente dans cette édition. Tout le monde peut s’inscrire à ces ateliers dans la limite des 20 places disponibles. Il y aura des danses solo et des danses en couple. Depuis 2019, j’ai souhaité proposer un bal le samedi soir pour donner une dimension festive au festival. C’est devenu un moment fédérateur, très attendu, que nous avons toujours voulu de grande qualité. Nous faisons appel cette année à une compagnie lilloise, connue pour organiser des bals à Lille : la compagnie Biscoitinho. Ils seront accompagnés d’une Batucada [un ensemble de percussions jouant de la samba, ndlr] locale et ouvriront également le festival avec une déambulation au cœur de Vézelay ».
17 ou 18h : les concerts gratuits
« Il n’y a pas de petit concert, prévient François Delagoutte : à 18h, nous cherchons à faire voyager les oreilles. Nous proposons ces concerts gratuits autour des musiques et vocalités du monde. Emiliano Gonzalez-Toro et Amel Brahim-Djelloul sont deux chanteurs issus du monde lyrique, qui proposent chacun un projet par lequel ils retournent aux musiques traditionnelles de leur pays d’origine, à l’intime, à leur identité qu’ils se réapproprient et retravaillent avec créativité. Il y a dans cette démarche quelque chose de très personnel, comme l’ouverture de portes vers des jardins secrets ».
Emiliano Gonzalez Toro explique ainsi son projet : « Fils de Chiliens, j’ai été bercé depuis toujours par les chansons de Violeta Parra : je les connais par cœur. Pour la commémoration des 50 ans de sa disparition, j’ai invité le pianiste Thomas Enhco à partager la scène avec moi pour un hommage en chansons. Ses arrangements jazz et poétique ont été pour moi, comme pour le public une vraie révélation, un moment d’émotion très fort. Violeta Parra est une légende. Elle a arpenté tout le Chili à la recherche des chansons et mélodies oubliées, devenant l’ambassadrice infatigable d’une culture populaire sans artifice. Elle a tout appris toute seule : à chanter, à écrire, à jouer la harpe et la guitare. Sa voix brute a marqué à jamais l’histoire de la chanson latino-américaine : sans Violeta, pas de Joan Baez, pas de Bob Dylan. Elle a inventé et diffusé ce qui allait révolutionner la musique populaire dans les années 60 : la folk ».
Amel Brahim-Djelloul reprend aussi les chansons qui ont bercé son enfance : « Les Chemins qui montent est un programme bâti à partir de reprise de chansons kabyle actuelles et traditionnelles, que nous avons arrangées avec Thomas Keck, afin de donner une couleur générale au programme, détaille-t-elle. En plus des reprises de certains chanteurs phares de cette culture kabyle, nous avons fait appel à un poète, Rezki Rabia, qui nous a proposé quatre textes que Thomas Keck a mis en musique. Au concert, je serai accompagnée par un ensemble composé de percussions, contrebasse, guitare, neys, violon et alto. C’est un répertoire qui a bercé mon enfance, bien que je ne sois pas originaire de Kabylie, en particulier les chansons de Idir et Djamel Allam. Je chantais des chansons de Idir dans certains concerts, et j’avais très envie depuis longtemps de consacrer tout un programme à ce répertoire. Sa mort en 2020 a été un déclencheur du processus de création, afin de rendre hommage à ce répertoire ».
16h et 21h : les concerts payants
« Entre les concerts de 16h et de 21h, la différence se fait par le lieu et absolument pas par la qualité des productions explique, François Delagoutte : le concert de 21h a lieu dans la basilique, qui peut accueillir des productions de plus grande ampleur, et jusqu’à 1000 spectateurs. Les églises environnantes offrent des possibilités entre 200 et 450 personnes. Il n’y a en effet pas de hiérarchie sinon le coût, plus accessible pour les 16h00, qui permet au fil des éditions de faire découvrir des ensembles de haut niveau pour une vingtaine d’euros ». Le public pourra ainsi entendre à 16h l’hommage à Byrd par Robin Pharo et à 21h les concerts des Métaboles et du Tenebrae Choir de Nigel Short déjà évoqués.
Un écho reliera en outre le concert du jeudi à 20h (la Passion selon Saint Matthieu) et celui du lendemain à 16h (Membra Jesu Nostri de Buxtehude par l’Ensemble Correspondances). « J’ai souhaité mettre en lumière la tradition musicale germanique à travers les récits de la Passion par Buxtehude et Bach. Le premier offre une sorte de méditation lumineuse autour des plaies du Christ. Stephan MacLeod propose une vision du drame et du texte de la Saint-Matthieu qui m’intéresse. Stephan MacLeod, qui viendra pour la première fois à Vézelay avec son ensemble Gli Angeli Genève, connaît intimement Bach et cette œuvre. Sa lecture est touchante et proche du texte, très spirituelle. La question n’est pas ici d’être croyant, mais de se laisser plonger dans le récit d’un drame universel, son humanité, sa profondeur, et bien sûr se laisser envahir par ce chef-d’œuvre musical incontournable. Les grands titres du répertoire sont une porte d’entrée dans la musique pour ceux qui en sont éloignés, comme la Joconde pour la peinture, par exemple », conclut François Delagoutte.