Décès de James Bowman, grande voix des contre-ténors au XXe siècle
Né à Oxford le 6 novembre 1941, James Bowman chante dès l’enfance parmi les voix aiguës dans des chorales religieuses, notamment dans le chœur de la cathédrale d’Ely (comté de Cambridge). À la mue, il fait le choix de délaisser sa voix naturelle de baryton-basse pour travailler son falsetto (voix de tête), une technique encore trop rare et méconnue. Il fait ses études au King’s College de Londres et au New College d’Oxford, où il apprend l’orgue, et il donne son premier récital en tant que contre-ténor, en 1959.
Si James Bowman sert naturellement le répertoire baroque (les contre-ténors venant succéder aux castrats de naguère), sa rencontre avec le grand compositeur britannique qui lui est contemporain (Benjamin Britten) est un tournant : manifestant également son goût pour le théâtre et la comédie, James Bowman s’intéresse en effet aux œuvres de son temps, en particulier à celles de Michael Tippett, Aribert Reimann et Benjamin Britten, auprès duquel il auditionne pour le rôle d’Obéron (créé par Alfred Deller) dans Le Songe d’une nuit d’été au milieu des années 60. C’est avec ce même rôle qu’il fait ses débuts en France en 1967 au Théâtre de l’Odéon. Et Britten, enthousiaste de cette collaboration, écrira même pour Bowman le Canticle IV : The Journey of the Magi en 1971, puis le rôle d’Apollon dans Mort à Venise en 1973.
S’il s’épanouit dans le répertoire contemporain, il s’accomplit tout particulièrement dans la musique baroque et ancienne, avec l’Early Music Consort (ensemble de musique ancienne de Londres) qu'il intègre dès l'année de sa création en 1967. Son timbre et sa technique trouvent en ce répertoire une justesse appropriée, notamment dans les oratorios de Haendel initialement écrits pour castrats. Il est ainsi le premier contre-ténor à être invité au Festival de Glyndebourne, pour lequel il prend le rôle d’Endimione dans La Calisto de Cavalli.
Ses interprétations du Stabat Mater de Pergolèse et du Nisi Dominus de Vivaldi ont également beaucoup de succès auprès du public, et font l’objet d’enregistrements de référence pour la nouvelle génération de contre-ténors.
James Bowman sait même croiser les esthétiques, baroques et contemporaines : aussi fait-il ses débuts à Londres à l’English National Opera dans Semele en 1971 et, l’année suivante, au Royal Opera House en Prêtre-Confesseur dans Taverner, un opéra dédié à ce compositeur du XVIᵉ siècle (John Taverner) par le compositeur Peter Maxwell Davies (1934-2016).
Il poursuit sa carrière dans les plus grandes maisons d’opéra européennes : effectuant ses débuts à La Scala de Milan en 1988 en Epafo dans Phaeton, opéra baroque de Jommelli, puis reprend le rôle d’Obéron en 1991 au Festival d’Aix-en-Provence et en 1993 à l’Opéra Comique de Paris.
Faisant ses dernières apparitions sur scène à Londres en 2011 et à Paris en 2012, James Bowman lègue à la nouvelle génération de contre-ténors les fondations d’une technique vocale novatrice (il est l’un des premiers, avec Alfred Deller, à avoir tant développé cette technique vocale en voix de tête). Le contre-ténor laisse également derrière lui plus de cent quatre-vingts enregistrements.
Si “Bowman” signifie littéralement homme-salut en anglais, c’est désormais le monde culturel qui salue la mémoire de cet artiste.