Laurent Joyeux : « Fier de l’amélioration du niveau artistique des productions de Dijon »
Laurent Joyeux, comment voyez-vous l’évolution de cette crise sanitaire ?
Je pense que cette crise va être durable car les vaccins ne seront pas largement disponibles avant le printemps. Le temps que la population soit vaccinée, les théâtres pourront reprendre une activité plus normale au mieux à l’automne, voire à l’hiver prochain. Sans être pessimiste, il est donc probable que nous ne serons pas tranquilles, sans masque et sans distanciation, avant 2022. La première saison post-Covid serait donc la saison 2022/2023.
Vous terminez votre mandat à l’Opéra de Dijon en cette fin d’année. Comment vivez-vous cette période de transition ?
Il est difficile de quitter cette maison après 13 ans, au moment où elle est dans la tempête du fait de la crise sanitaire, et alors même que nous n’avons aucune visibilité. J’aurais aimé partir en sachant que tout est prêt et calibré jusqu’à la réouverture de la maison. Là, mon successeur [Dominique Pitoiset, ndlr] va devoir faire face aux prochaines mesures sanitaires dans une maison qu’il ne connait pas encore, ou en tout cas pas de la même manière que moi, et je n’aurai pas pu transmettre la réactivité que peut apporter un directeur qui connaît sa maison après 13 ans. Ce sont des choses impalpables et non transmissibles, notamment dans la relation que l’on a avec les équipes, les directeurs, le public. Bien sûr, j’ai essayé de préparer les choses au maximum, tous les dossiers sensibles ont bien évidemment été transmis. Mais je m’en vais à un moment où toutes les maisons sont sur le fil.
D’un point de vue artistique, quels sont les projets dont vous êtes le plus fier ?
L’action que nous avons menée avec les équipes est assez exemplaire. Nous sommes parvenus à transformer cette maison. Certes, il y avait un projet artistique fort qui mélange des artistes en résidence avec des forces permanentes, sans les opposer, contrairement à ce qu’il se passe dans d’autres maisons. Cela a plutôt bien marché et le public s’y est retrouvé. Je suis fier également de l’amélioration du niveau artistique des productions qui se font à Dijon : aujourd’hui Dijon peut coproduire en tant que producteur délégué, c’est-à-dire en fabricant lui-même les spectacles, avec des maisons européennes prestigieuses ou en accueillant des metteurs en scène renommés. Cela veut dire que cette maison a un avenir.
"Le nombre d’abonnés a été multiplié par trois"
Quand je suis arrivé, on payait 60 € pour voir une production moyenne à l’Opéra de Dijon alors qu’une place pour voir une production du Met au cinéma avec un superbe son coûtait 25 €. Cela posait des problèmes : le public lyrique était extrêmement faible. Aujourd’hui, le public est renouvelé, le nombre d’abonnés a été multiplié par trois : nous avons réussi à convaincre que nous pouvions produire à Dijon des spectacles d’une qualité qui suscite suffisamment d’intérêt pour justifier l’existence d’un opéra et des moyens publics qu’on y consacre.
Comment expliquez-vous cette amélioration de la qualité des productions ?
J’ai diminué beaucoup le nombre de nouvelles productions par saison. Avant, nous produisions plus mais nous jouions moins chaque spectacle. Le temps de répétition est beaucoup plus long et il est aujourd’hui calé sur les standards du métier. Nous répétons au maximum sur le plateau, voire uniquement sur le plateau comme ça a été le cas pour Le Palais enchanté. Cela permet des habitudes, une osmose la plus parfaite possible entre la technique, le plateau et la fosse car leur travail en commun débute très tôt. Enfin, nous avons mis en place toute une politique de choix de chefs et de metteurs en scène, mais aussi de fidélisation de ces artistes, ce qui nous permet de proposer le plus haut degré de qualité possible en fonction de nos moyens. Bien sûr, nous ne sommes pas en mesure d’aller chercher certaines catégories de solistes avec notre budget, mais je crois que nous avons proposé les meilleurs artistes possibles avec les moyens que nous avions. Je n’ai pas la sensation que nous aurions pu faire mieux artistiquement avec 500.000 euros de budget en plus. S’il avait été possible d’augmenter la subvention, il aurait fallu que ce soit de 2 M€, pour passer à niveau supérieur, faire une ou deux productions d’opéra en plus et mettre les moyens techniques et administratifs pour absorber cette masse de travail supplémentaire. Aujourd’hui, on a une équipe qui est réduite et qui travaille à 200%. Avec deux titres en plus, nous pouvions offrir plus d’ouvrages du grand répertoire, dont au moins un de plus en grand effectif d’orchestre.
Lire notre compte-rendu du Palais enchanté à Dijon
Quel rapport entretenez-vous avec les chefs et les metteurs en scène ?
Je recherche tout d’abord une alchimie entre eux. Je place la musique, la partition, le contexte musical d’abord. La mise en scène arrive dans un second temps. Je choisis donc le chef et discute avec lui du metteur en scène le plus pertinent. Parfois, c’est moi qui propose un nom, d’autres fois c’est le chef. Il y a souvent des envies communes qui se rencontrent, comme ce fut le cas avec Emmanuelle Haïm : nous avions envie de travailler avec Barrie Kosky et ça a pu se faire sur Les Boréades. Il arrive que certains metteurs en scène dont j’apprécie énormément le travail ne m’intéressent pas pour une œuvre en particulier parce que son langage, sa manière d’aborder le plateau, ne convient pas à l’œuvre. Les discussions avec le chef permettent de déterminer l’univers, de langage scénique, que nous souhaitons. Cela ne me dérange pas que le metteur en scène triture l’œuvre dans tous les sens du moment que le discours musical n’est pas altéré. Cela peut arriver d’avoir des déceptions avec le meilleur chef et le meilleur metteur en scène. Cela peut être dû à un contexte personnel de l’un, de l’autre ou des équipes. Nous avons eu la chance de ne pas avoir de ratage monumental, même si je suis ressorti un peu déçu de certaines productions qui n’ont pas atteint mes attentes.
Lire notre compte-rendu des Boréades à Dijon
Intervenez-vous dans le travail de création ?
Je considère que ce n’est pas mon rôle de guider une création, même si je sais que certains directeurs le font. En revanche, je suis très attentif à tout le processus de création, et je demande à mes équipes de l’être aussi afin de trouver systématiquement des solutions à tout point de blocage ou de tension. Je veux être au courant de tout ce qui se passe pour pouvoir fluidifier au maximum les choses. Et puis on fait des points toutes les semaines ou tous les 15 jours avec le chef et le metteur en scène pour identifier tous ce qui peut poser problème. Nous sommes ainsi toujours dans l’échange. Je ne décide rien d’un point de vue artistique, même si je peux proposer des idées. Par exemple, les coupures effectuées dans la partition du Palais enchanté ont été décidées à trois avec le chef et le metteur en scène, puis nous en avons rediscuté au fil du travail pour corriger lorsqu’on avait trop ou pas assez coupé une scène. Tout cela s’est fait sous la forme d’un dialogue : je n’ai jamais imposé une coupe. Je pose des questions sur la mise en scène, mais je ne challenge pas le metteur en scène. Je reste à l’écoute des craintes, des attentes, des angoisses, des joies des uns et des autres pour les encourager dans leur démarche, mais je n’apporte aucun matériau.
"Permettre au public de découvrir des splendeurs et lui donner envie d'en découvrir d'autres"
Le seul moment où je m’autorise à dire des choses sur l’œuvre ou le contexte, c’est tout au début, au moment où le choix des équipes est fait : j’explique pourquoi l’œuvre est importante à mes yeux, que ce soit historiquement ou musicalement, et pourquoi je souhaite la programmer, et donc ce que j’en attends d’un point de vue artistique et par rapport au public. J’explique aussi où en est le public dans sa découverte d’un répertoire. Par exemple, le public dijonnais connaît aujourd’hui le langage de l’opéra du XVIIème siècle italien. Il a entendu La Finta Pazza de Sacrati, le Prometeo de Draghi, la trilogie Monteverdi : ils ont déjà l’habitude des récitatifs accompagnés ou des récitatifs cantando. J’ai essayé de penser ces évolutions sur un temps long. On a commencé avec Orlando de Haendel, alors qu’il n’y avait pas eu de baroque jusque-là. On a développé le cycle Rameau avec Emmanuelle Haïm, ce qui nous a ensuite permis de faire le cycle Monteverdi. Je n’aurais jamais commencé par Le Palais enchanté. Nous n’avons pas construit nos programmations en fonction des opportunités d’attirer tel artiste, par exemple, même si les jeux des coproductions qui se font ou non a une influence sur l’ordre dans lequel les œuvres sont programmées. Nous avons cherché à emmener le public dans une découverte, de construire avec lui en lui permettant de découvrir des splendeurs et en lui donnant envie d’en découvrir d’autres.
Que feriez-vous différemment pour un prochain mandat ?
Je serais très attentif à la maison, à ce qu’elle est et à l’état dans lequel elle est. Je savais en arrivant que Dijon était une maison compliquée, mais je ne savais pas en quoi. J’ai essayé de résoudre les problèmes les uns après les autres, en essayant de restructurer ce qui ne fonctionnait pas. Mais sans doute qu’avec le recul, je serais plus attentif à prendre le pouls de la maison, à connaître de manière beaucoup plus approfondie ses règles de fonctionnement internes que ce que j’ai fait. Bien sûr, les contraintes étaient fortes car lorsque je suis arrivé à Dijon, il n’y avait plus de directeur, plus de programmation, il a donc fallu beaucoup construire très vite.
Par ailleurs, j’aurais dû affirmer beaucoup plus tôt des choses qui pour moi allaient de soi, comme la coexistence entre des forces artistiques permanentes telles que le Chœur de l’Opéra mais surtout l’Orchestre Dijon Bourgogne avec d’autres ensembles. Cela a été l’objet de tension parce que mon discours manquait de clarté. J’aurais dû expliquer pourquoi ces ensembles pouvaient travailler ensemble sans que cela ne pose de problème. Je me suis perdu dans des explications de répertoire et le besoin que tel ensemble aborde tel répertoire : les gens avaient besoin, et c’est bien normal, d’explications simples, claires, efficaces, sur lesquelles construire. Je n’ai pas été très bon sur ce point à l’époque et c’est dommage car ça a créé des tensions dont on se serait passé.
Enfin, j’affirmerais beaucoup plus que je ne l’ai fait vis-à-vis des élus ou des autorités de tutelle l’importance qu’a l’opéra sur un territoire. Nous voyons notre rôle dans les écoles, pour l’éducation artistique, vis-à-vis des publics, donc cela nous paraît évident mais ça ne l’est pas du tout. Les tutelles se font une idée de ce qu’est un opéra, de son fonctionnement, de ce qu’est le public de l’opéra. Je vois aujourd’hui très différemment mon rôle pédagogique vis-à-vis des tutelles, mon lien avec les élus. Ce travail doit se faire dans la durée : tout le monde doit comprendre pourquoi nous programmons trois ans à l’avance, afin de saisir les implications et ce que cela veut dire dans la vie d’une maison. Ils doivent comprendre qu’avant que l’atelier puisse construire le décor, il y a forcément des études techniques et des études de charge à conduire et que cela prend du temps. Cela permettra une meilleure gouvernance de la part des collectivités. Quand on a 75% de fonds public dans son budget, il faut une gouvernance publique, et celle-ci doit être éclairée.
Durant votre mandat, Dijon est devenu Théâtre lyrique d’intérêt national : qu’est-ce que cela change concrètement ?
D’abord, c’est une fierté et une reconnaissance pour les équipes. Cela permet de reconnaître leur investissement en temps et en énergie. Cela légitime le mal qu’on se donne pour sortir les projets. C’est aussi très important pour les coproductions à l’international. Le fait d’avoir ce label, d’être reconnu par l’État, nous positionne dans une certaine catégorie. Nos partenaires allemands voient beaucoup plus clairement la catégorie de maison correspondante et savent ce qu’ils peuvent attendre de nous. C’est très pragmatique. La création de ce label est quelque chose que nous attendions depuis longtemps car hormis les opéras nationaux, il n’y avait rien. Cela permet de structurer et cartographier les opéras selon leur modèle. Cela solidifie le réseau des opéras chacun pouvant ainsi mieux comprendre ce que font les autres afin de travailler ensemble. Enfin, cette labellisation contient un certain nombre d’engagement sur le la coproduction et sur les répertoires qui doivent être abordés. Nous devons présenter les opéras de tous les siècles, ce qui est un engagement très fort.
Vous aviez proposé de prolonger votre mandat. Quel est le projet que vous souhaitiez porter ?
La convention de labellisation était conclue sur une période allant de 2019 à 2023. Je me voyais donc prolonger jusqu’au bout de cette première phase de convention avec l’État. Je prévoyais l’intensification de la programmation lyrique grâce à la montée en charge des financements de la part de l’État et de la Région. Pour des histoires de décalage budgétaire (et d’absorption des coûts), nous faisons aujourd’hui une œuvre du grand répertoire chaque saison, plus une seconde une saison sur deux : l’idée était donc d’en faire deux chaque saison, ce qui me semble essentiel pour faire vivre l’art lyrique dans une ville comme Dijon, dans une région comme la Bourgogne-Franche-Comté. Cela permettait aussi de faire vivre l’Orchestre Dijon-Bourgogne en lui permettant de se développer.
Le reste de mon projet était dans la continuité, avec chaque saison une œuvre du XVIIème siècle en compagnie de Leonardo García Alarcón, un opéra du XVIIIème avec Emmanuelle Haïm ainsi que deux opus du XIXème avec l’Orchestre Dijon-Bourgogne. Je voulais programmer chaque saison deux œuvres du début du XXème, parce que c’est indispensable pour préparer le public à la création contemporaine. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons fait un cycle Janáček, et que nous avons programmé Wozzeck de Berg ou Görge le rêveur de Zemlinsky. Enfin, nous aurions eu une création contemporaine chaque saison.
Ces projets auraient permis de jouer plus et donc de beaucoup plus rayonner à l’échelle de la région pour attirer un public plus large. En effet, notre salle a une jauge de 1.500 places pour une ville de 150.000 habitants : lorsqu’une production est jouée six fois, cela veut dire que l’on atteint 6% des habitants de la ville, ce qui est colossal (transposé à la capitale, c’est comme si l’Opéra de Paris devait attirer 130.000 spectateurs pour chaque production). Il est donc nécessaire d’attirer un public venant de beaucoup plus loin. En revanche, je n’aurais probablement pas déposé un autre projet pour l’après-2023 : je pense qu’il était sain de changer de direction à cet horizon.
Lorsqu’il a annoncé le choix de votre successeur, le maire de Dijon François Rebsamen a indiqué avoir apprécié que Dominique Pitoiset valorise mieux le Grand Théâtre dans son projet. Comment comptiez-vous utiliser cette salle ?
Au début de mon mandat, j’ai beaucoup utilisé le Grand Théâtre, et j’aime y programmer des productions, comme nous l’avions fait pour La Finta Pazza, lorsque le répertoire y est bien adapté. Nous y faisons une production par an, ainsi que quelques concerts, mais l’acoustique n’y est pas très bonne. Du coup, le public demande vraiment l’auditorium qui a une acoustique exceptionnelle. Il y a par ailleurs un problème de moyens : le budget actuel de l’Opéra de Dijon est de 10 Millions d'euros, ce qui est trop peu pour gérer deux lieux avec une programmation dans les deux salles. Par exemple, nous n’avons qu’une seule équipe technique, il est donc difficile de la partager entre deux lieux. Le public attend légitimement que ces deux lieux fonctionnent en parallèle. Si mon successeur y arrive, je m’en réjouis : je n’ai pas trouvé la recette mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas. Il peut tout à fait légitimement décider de produire moins mais d’habiter les deux lieux, mais ce n’était pas ma stratégie. J’imagine qu’il y fera du théâtre musical, l’amplification pouvant régler le problème acoustique : la fosse y étant toute petite, il est en tout cas difficile d’y faire de l’opéra. Ce que j’ai essayé de faire, c’est de mutualiser ce lieu avec d’autres acteurs de la culture, comme le Théâtre Dijon-Bourgogne ou La Vapeur, scène de musiques actuelles.
Auditorium (© Gilles Abegg) | Grand Théâtre (© Opéra de Dijon) |
Comment se passe la transition avec Dominique Pitoiset ?
J’ai mis les équipes de l’opéra à disposition de mon successeur dès le mois d’août dernier. Il est donc à la manœuvre avec eux pour travailler sur les différents dossiers. Je ne voulais pas entraver son travail et je trouvais plus opérant de le laisser travailler avec l’équipe de direction qui a les mains dans le cambouis et peuvent lui apporter les réponses dont il a besoin pour mettre en œuvre son projet, que je ne connais pas.
Comment voyez-vous la suite de votre carrière et quelles sont vos envies ?
Les choses sont assez figées en ce moment : il n’y a pas d’opportunités pour reprendre un poste de direction d’opéra. Je n’imagine pas quitter le monde du spectacle, mais je vais agir différemment : je ne compte pas attendre qu’un poste se libère. Je voudrais me consacrer aux jeunes artistes, musiciens ou chanteurs, afin de les aider et les préparer à ce monde compliqué et en faire des artistes accomplis et heureux qui aiment ce métier. Il est important pour moi de transmettre l’héritage reçu de grands maîtres. L’idée n’est pas de devenir agent ou de travailler dans une structure de production.
Vous vous êtes essayé à la mise en scène : envisagez-vous d’y revenir ?
À l’époque [en 2013, ndlr], j’ai mis en scène le Ring par hasard car ce n’est pas moi qui étais initialement prévu, mais cela m’a beaucoup plu. Il y a eu ensuite Katia Kabanova, puis la doctrine ministérielle a imposé qu’on ne mette pas en scène en étant directeur d’opéra. Je n’ai donc pas souhaité poursuivre. Si l’opportunité se présente, je ne l’exclus pas du tout, mais ce n’est pas prévu dans un avenir proche.
À quoi ressemblerait la maison idéale pour une future direction ?
Il y a deux possibilités. La première est une maison de la taille de Dijon et qui permette la liberté dont je disposais dans la programmation. Une ville qui croit à son opéra et qui mette les moyens pour développer des projets innovants et novateurs. La seconde serait une maison plus traditionnelle dans la forme et l’organisation, d’une taille plus importante comme Lyon, Strasbourg, Bordeaux ou Toulouse, qui ont beaucoup de forces permanentes, une tradition avec un répertoire, un public ayant déjà beaucoup d’habitudes. C’est alors un tout autre défi qui est de s’inscrire dans l’histoire de la maison en la faisant évoluer.