Été culturel et apprenant : les Ministères bâclent leurs cahiers de vacances
Le Président de la République annonçait, dans sa désormais célèbre visioconférence avec "le monde de la culture" le 6 mai dernier, un "été culturel et apprenant". Ce projet aussi louable dans l'intention que flou dans l'organisation a suscité de nombreuses interrogations et critiques, la première d’entre elles étant que beaucoup d’initiatives ont déjà lieu chaque année et depuis fort longtemps : "On nous a enjoint de nous ‘réinventer’, fulmine une artiste-autrice-interprète, mais en nous demandant de faire des choses que nous faisons déjà depuis des lustres. Le vrai problème c'est que le politique, qui demande à tout le monde de se réinventer, ne se réinvente pas du tout." Comment le gouvernement allait-il donc faire concrètement pour rendre cet été encore davantage culturel et apprenant ? De fait, beaucoup d’opérateurs (dont des grandes chaînes de télévision, de grands musées, théâtres nationaux et autres institutions) ont simplement collé un slogan ou un sticker "été culturel et apprenant" sur ce qu'ils font déjà et auraient fait de toute manière, sans rien changer concrètement. Certains (fort peu) ont saisi cette opportunité pour obtenir de la part des Ministères (de la Culture, de l’Éducation mais aussi de la Ville et d’autres, autant que possible) des aides en termes de subvention et de visibilité : c’est le cas du dernier projet mis en place cet été par l’Opéra de Vichy (sauf que ces initiatives sont aussi rares que les villes ayant bâti une nouvelle programmation artistique estivale : c’est le cas à Vichy, à Nice ou encore à Rennes).
Ce grand projet d’un été culturel et apprenant s'est toutefois matérialisé un mois plus tard, en rejoignant un autre grand projet déjà existant et lancé pas plus tard que l'année dernière par le Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle : l'Objectif "100% EAC pour que 100% des enfants bénéficient d’un parcours artistique et culturel de qualité pendant sa scolarité" d'ici à la fin du quinquennat. La confusion dans les annonces des différents ministères et visiblement dans les esprits de nos différents interlocuteurs parmi les porteurs de projets et artistes, s'est accrue en apprenant que le Ministère de l'Éducation voulait aussi renforcer le champ culturel d'un autre programme : les Vacances apprenantes avec ses écoles ouvertes, colonies de vacances et accueils de loisirs apprenants (autant d'annonces pour des programmes ou des actions existant déjà et qui se sont révélés très fermés aux propositions nouvelles).
Néanmoins, l'été culturel et apprenant s'est traduit le 16 juin 2020 par un nouvel outil concret avec le lancement conjoint par les Ministères de la Culture et de l'Education nationale & de la Jeunesse d'une Plateforme dédiée à l'éducation artistique et culturelle : "Pour soutenir le retour aux pratiques artistiques et culturelles des jeunes, pour permettre aux artistes et à tous les professionnels de la culture de proposer des projets pendant l’été, partout en France. [...] Permettre aux futurs bénéficiaires de prendre connaissance des propositions accessibles sur leur territoire, et encourager la mise en relation avec les porteurs de projets, facilitera leur mise en œuvre. Cette initiative porte aussi l'ambition de mieux accompagner les intervenants et de mettre en lumière toute la richesse des actions d'éducation artistique et culturelle sur l'ensemble du territoire."
Les projets ainsi soumis devaient être examinés et le cas échéant validés (en 10 jours) par la DRAC [Direction Régionale des affaires culturelles] correspondante, à la condition qu'ils répondent "aux principaux objectifs de la charte pour l'éducation artistique et culturelle : favoriser la rencontre avec les artistes et les œuvres, encourager le développement et l'expression de la perception sensible, de la créativité ou de l'esprit critique, s'inscrire dans une logique partenariale et territoriale." Difficile, soit dit en passant, d'imaginer qu'une prestation véritablement artistique ne réponde pas déjà, par nature, à ces attendus.
Ôlyrix a donc mené l'enquête sur cette plateforme deux mois durant (lui laissant aussi le temps de se mettre en action et de donner d'éventuels résultats), en examinant plusieurs centaines de projets et d'initiatives (ceux liés à l'opéra, à l'art lyrique, à la musique classique, et de très nombreuses propositions associant les styles musicaux et même différentes pratiques et disciplines artistiques et culturelles). Nous avons directement échangé avec un grand nombre de porteurs de projets et d'artistes présents sur cette plateforme.
Sollicités à plusieurs reprises et en amont, le Ministère de la Culture tout comme des DRAC à travers la France métropolitaine (représentant plus de la moitié d’entre elles) ont accusé réception de nos demandes, nous assurant faire de leur mieux pour nous apporter des réponses et un retour. Cela n'a toujours pas été possible. L'occasion de corroborer, pour ce qui concerne la presse, l'absence de retour constaté par les artistes.
Énormément d'informations, peu spécifiques
La plateforme affiche à ce jour pas moins de 1146 résultats, une liste de propositions d’actions en tous genres et sous toutes les formes (depuis l'artiste seul avec son instrument jusqu'à des projets d'ensembles internationaux déjà très célèbres), à travers toute la France. Cela reflète une infinie richesse (cette fameuse exception culturelle française, qui serait ici traduite en plateforme internet ministérielle), mais a comme inconvénient de perdre chaque projet dans un océan de propositions. D’autant que les porteurs de projets présents sur le site nous disent avoir rempli de longs formulaires et envoyé les détails de leurs projets en termes artistiques et organisationnels, avec propositions de calendriers et spécifications techniques, alors même que ces informations ne sont pas (ou mal) affichées sur le site.
Au final, certains projets n'ont qu'un titre extrêmement vague, une tranche d'âge et une Piste de transmission décrite comme "Spectacle inter-actif" par exemple alors que d'autres détaillent un projet déjà vu et revu en long et en large, par l'équivalent (illisible sur une page web) de plusieurs pages de textes. La plupart -voire la quasi totalité- des projets (plus ou moins détaillés) sur la plateforme ont simplement copié-collé leurs textes déjà rédigés préalablement -voire il y a fort longtemps- pour leur site internet ou bien le contenu de précédents dossiers de subventions, mécénat ou autres appels à projets. Les artistes avec lesquels nous avons échangé ne s'en cachent pas, rappelant combien leur travail se résume trop souvent à rédiger des dossiers administratifs plutôt qu'à pratiquer leurs talents. "Nous avions déjà tous les documents, avec tous les dossiers de présentations, les fiches techniques, les teasers, etc., notre spectacle tourne depuis plusieurs années : nous avons vu cette plateforme comme un répertoire." De fait, les projets n'ont généralement (et dans les détails) pas été particulièrement adaptés à cet été culturel et apprenant : "La forme de notre action est déjà proche du public (tout en respectant les distances) d'autant que je travaille -précautionneusement- sur la bouche et sur la voix. Hormis reculer un peu le premier rang, aucune adaptation ni reconfiguration n'a été nécessaire", raconte Kristof Hiriart de la Compagnie LagunArte. Hervé Peyrard, auteur, compositeur et chanteur du groupe Zèbre à Trois renchérit : “J’avais un projet déjà ficelé, qui répondait déjà à tous les critères mis en avant par le Ministère. Mon travail est déjà et toujours modulable, pédagogique, interactif, didactique. Je me sers des réactions et des questions des enfants pour choisir les répertoires et adapter les chansons”. Il y a d’ailleurs une forme de cohérence à ce que les artistes inscrivent leurs projets dans la continuité de leurs actions habituelles de médiation. D’autant plus que ceux qui ont adapté leur projet de manière très substantielle spécifiquement pour cette plateforme, pour contribuer à ce projet d'été culturel et apprenant, le regrettent amèrement, considérant que ce travail n'a aucunement été valorisé : ils n'ont pas reçu davantage de retours, n'ont eu aucun engagement et même, certains de leurs projets n'ont pas été acceptés (chaque fois sans explication).
Manque de visibilité
La plateforme ne donnant pas accès à des financements, son principal objectif est d’apporter de la visibilité aux projets. Cependant, elle n’est qu’une page comme une autre sur le site du Ministère : ainsi, les liens “Aides & démarches”, “Documentations” et autres mènent vers des ressources générales du Ministère de la Culture et non pas en lien avec cette initiative particulière de l'été culturel et apprenant. Peu mise en avant, elle est d’ailleurs difficile à trouver (pour ceux qui veulent annoncer comme pour ceux qui veulent consulter), même pour qui veut aller à sa rencontre, qu’ils soient porteurs ou en recherche de projets. Or, elle n'a pas été mise en avant et tous nos interlocuteurs (même les professionnels aguerris de la culture) nous expliquent en avoir entendu parler par hasard, par du bouche-à-oreille. Il faut dire qu'elle n'apparaît pas directement dans les moteurs de recherches et demande de cliquer sur un lien dans un communiqué de presse ou une page du Ministère de l'Éducation, lien menant vers une autre page de présentation où il faut encore cliquer sur un autre lien. La plateforme n'a pas même d' URL simplifiée mais pour adresse : https://www.culture.gouv.fr/Si... (pas tellement "à portée de main" ni de clic d'ailleurs).
Un problème de capacité à jouer
Le constat est sans appel : "Le Ministère a (mal) travaillé sur la visibilité avant même de travailler sur la possibilité", résume une porteuse de projet. "L'été apprenant c'est gentil mais la plupart de nos lieux de représentations sont fermés. C'est le cas pour tous les lieux associatifs où je devais jouer et si je peux avoir une date dans la médiathèque c'est uniquement grâce à la volonté acharnée de la municipalité et de son personnel". Là est tout le paradoxe : alors même que de nombreuses initiatives culturelles et apprenantes ont lieu chaque année pendant l’été, celles-ci, loin d’être encouragées cette année, ont dû être annulées, qu’elles soient présentes sur la plateforme ou non, du fait des contraintes sanitaires particulièrement sévères qui pèsent sur la culture.
Absence d'accompagnement et de suivi
Cette plateforme aurait pu permettre aux DRAC, ayant accès aux projets, d’aider à leur mise en œuvre dans le contexte sanitaire actuel. Mais les porteurs de projets nous expliquent qu'ils n'ont pas du tout été conseillés, ni accompagnés dans cette nouvelle initiative, que cette plateforme a simplement servi de chambre d'enregistrement de propositions sans retour ni explication en cas d'acceptation ou de refus. "Nous avons proposé six ateliers : deux ont été acceptés, mais nous n'avons pas eu de retour, ni sur ceux-ci ni sur les autres. Juillet est passé, août déjà bien entamé et on ne nous a pas dit comment l'accès était donné aux informations, comment et par qui elles étaient traitées et relues, comment tout était décidé, ce qui était pris dans le dossier pour être affiché sur le site", témoigne Sandrine Duplat qui a bâti des projets spécifiquement pour cet été et cette plateforme. "0 retour, 0 accompagnement, simplement un message tardif pour prévenir que le projet avait été sélectionné", confirme un autre porteur de projet.
Un duo d'artistes explique aussi la confusion générée par le fait que la DRAC devait à la fois gérer la validation des projets proposés dans leur région sur la plateforme nationale et dans le même temps mener ses propres actions régionales de soutien et de gestion de crise, questionnant au passage les priorités : la DRAC aurait selon eux mis en avant ses propres projets régionaux implantés de longue date sur le territoire et fait un "service minimum" pour cette plateforme nationale imposée d'en haut (du Ministère de la Culture répondant lui-même aux injonctions présidentielles). Ce point a d’ailleurs pu être étayé par l'absence de réponses concernant les projets de la plateforme nationale alors que le même interlocuteur de la DRAC leur répondait voire les relançait sur des projets régionaux. Le dépôt du projet via la plateforme nationale est dès lors d’autant moins pertinent que les projets n’y sont pas financés, contrairement aux projets de la DRAC, qui peuvent donner lieu à plusieurs milliers d'euros de subvention par projet sélectionné. "On nous a dit que le Gouvernement finançait ou financerait les projets de la plateforme nationale, mais nous n'avons pas réussi à obtenir d'éléments concrets" poursuit une interprète-régisseuse.
Un processus de validation peu lisible
Cette absence d’explication est d’autant plus frustrante pour les candidats que nous avons pu constater que certains projets acceptés tiennent en quelques lignes, voire en quelques mots, tandis que d'autres ont été refusés (nous avons pu y avoir accès) alors qu’ils offraient plusieurs pages de détails répondant aux attendus.
De très nombreuses fiches validées sur la plateforme sont d’ailleurs truffées d'erreurs : beaucoup de liens que nous avons tenté d'explorer ne fonctionnent pas (ou bien ils mènent vers une adresse web qui est souvent celle de l'artiste ou de la compagnie en général, sans rapport direct avec le projet annoncé). Il en va de même pour certaines adresses email ou numéros de téléphone erronés (confirmant que les services de validation de ces projets ne les ont pas contactés). Nous avons reçu de nombreuses réponses automatiques ou de messageries indiquant que l'artiste ou la compagnie est absent ou en vacances jusqu'à la rentrée, ou bien que le projet est fini, voire qu'il n'a pas du tout eu lieu : chaque fois concernant des projets qui sont encore présents sur la plateforme. De tels résultats sèment le doute sur toute la procédure de validation et de valorisation des projets.
Une base de données mal exploitée
Le Ministère ayant demandé aux candidats de soumettre un dossier différent pour chacun de leurs projets, les DRAC ont parfois effectué des validations redondantes. La liste complète multiplie les propositions extrêmement similaires et parfois même des projets exactement identiques recopiés plusieurs fois (le projet "De la page Blanche à la Scène" à Pontonx-sur-l'Adour apparaît pas moins de cinq fois exactement à l'identique mais sur cinq pages et fiches différentes, quoiqu'il ne faille pas le confondre avec le projet portant exactement le même nom situé à Villeneuve-sur-Lot, et son autre homonyme situé à Soorts-Hossegor).
Autant d'informations trop nombreuses et trop laconiques à la fois que rendent encore moins lisibles le moteur de recherche, les systèmes de classement et de téléchargement. Le site permet certes de télécharger la liste des initiatives dans des formats divers (csv xls json rss pdf) mais toutes les dates des événements y ont été arbitrairement fixées au dimanche 21 juin 00h00, sans doute une date par défaut choisie a priori par les services du Ministère en clin d’œil à la fête de la musique (impossible donc d'utiliser la fonctionnalité permettant d’entrer les événements dans un agenda numérique ni de s'envoyer un rappel). De fait pour savoir quand le projet peut effectivement avoir lieu, il faut exporter la liste des événements en pdf, retrouver l'événement en question, cliquer sur un lien "openagenda" afin de chercher une ligne où sont éventuellement inscrites les dates effectives (idem pour les besoins matériels) en ignorant la date fautive.
Dans ce millier de projets plus intrigants les uns que les autres se côtoient des titres tels que : BEEP, Rêver les doigts dans le nez, Percuchouette, Étoiles, Constellations, Jack Jacko la Guitare, Le plein de super, La ligne, M&M Musique et Machines, Reborn, La brouette à musiques, Toultoutim, etc. La plateforme répartit les projets en différentes catégories, toutes intéressantes mais qui limitent le système car chaque projet ne peut appartenir qu'à une seule des 19 catégories (Architecture ; Arts de la rue ; Arts plastiques et visuels ; Bande dessinée ; Cinéma ; Cirque ; Danse ; Écriture ; Histoire des arts ; Livre et lecture ; Média et information ; Musique ; Numérique ; Patrimoine ; Photographie ; Pluridisciplinaire ; Poésie ; Théâtre, conte, marionnettes ; Autre). Les porteurs de projets ne peuvent donc pas préciser quels arts ils associent et, en opposition avec le discours politique incitant au pluri-disciplinaire, ils en viennent donc à choisir un art privilégié, menant à des paradoxes tels que ce projet “Atelier de théâtre de marionnettes” qui n'est pas dans la section “Théâtre, conte, marionnettes” mais dans celle dédiée aux “Arts de la rue”, car il se déroule en extérieur.
De son côté, outre le problème d’affichage qui fait systématiquement apparaître “0 résultat” dans le menu déroulant des catégories, l'utilisateur de la plateforme ne peut sélectionner et étudier les catégories que successivement. Il est toutefois possible de faire un tri selon la "Forme d'intervention", qui comprend "Accès aux œuvres (visite d’exposition, spectacle, concert…), Atelier, Courte résidence ou Autre". Une carte est également accessible, mais encore faut-il prendre l'initiative de cliquer dessus (seul moyen pour qu'elle devienne un paramètre de recherche) puis de dézoomer longuement (la carte étant focalisée sur un no man’s land près de Colmar), avant de rezoomer sur la région souhaitée pour modifier la sélection (hélas, même alors, les projets ne sont pas indiqués par des marqueurs sur la carte).
Une initiative trop tardive
Un immense défaut de ce projet, entraînant une énorme frustration de la part des artistes est lié à son calendrier, trop tardif et entaché de trop de retards. La plateforme a en effet été officiellement lancée le 16 juin 2020, ce qui laissait déjà bien peu de temps avant l'été. Or, nos interlocuteurs nous affirment qu'elle n'était pas fonctionnelle avant début juillet et plusieurs ayant rempli des dossiers complets dès cette période n'ont pas eu de validation avant le mois d'août. "Comment imaginer, questionne une artiste, que nos projets vont être consultés assez rapidement pour nous offrir des propositions durant l’été ?". Pourtant, de nombreux projets sont très mobiles, parfois à l'extrême : tout, jusqu'aux coussins pour asseoir les spectateurs, tient dans le véhicule personnel de l'artiste qui propose d'intervenir partout en France. Mais ceux-là n'ont pas eu davantage de retours.
Cet aspect tardif est accentué par le fait que les DRAC et le Ministère de la Culture n'ont pas apporté de réponses aux porteurs de projets qui les contactaient, notamment car les responsables étaient en vacances d'été. Plusieurs confirment un "silence radio pendant des semaines voire des mois" dans différentes DRAC à travers la France.
Peu ou pas d’impact
L'écrasante majorité de nos interlocuteurs expliquent n'avoir eu absolument aucun retour, aucun spectacle, aucune proposition d'engagement grâce à cette plateforme, ou alors bien indirectement. Les résultats constatés sont en effet liés au fait que les dossiers ont été relus par les DRAC lors de la validation, ce qui a pu susciter des idées et de la visibilité : "La plateforme a donné une nouvelle occasion à la DRAC de relire des dossiers sur des projets existants et de fait d'en renforcer ou d'en confirmer le soutien, matériel ou au moins dans l'écoute et l'échange."
Malgré la totale absence de débouchés liés à cette plateforme durant l’été, nos interlocuteurs espèrent que l'initiative porte ses fruits plus tard : "À voir si cette plateforme génère d'autres possibilités lorsque les spectacles reprennent." L'été devra donc aussi avoir été apprenant pour les Ministères qui doivent tirer les leçons de cette expérience. Ainsi avons-nous eu les retours suivants : "Les centres de loisirs n'ont pas eu les autorisations de déplacer les enfants en car : nous ferons probablement quelque chose avec l'école en septembre", ou "Les établissements scolaires partenaires ont tous préféré reprendre leurs activités à partir de la rentrée."
Les regrets sont en effet d'autant plus vifs qu'une telle plateforme paraît absolument indispensable aux artistes et porteurs de projets. Visible et efficiente, elle permettrait de valoriser le travail culturel mené à travers le territoire (et pas seulement durant l'été). Elle offrirait à tous les projets une visibilité qui sinon revient très cher (soit l'artiste sacrifie une part importante de son temps de création pour travailler à sa visibilité, soit il doit atteindre un chiffre d'affaires assez important pour s'offrir les services de professionnels de la communication/diffusion). En face, il permettrait aux lieux de culture d'avoir accès à un catalogue de propositions aussi riche que l'exception culturelle française, d'entretenir celle-ci et de pouvoir favoriser selon ses choix des pratiques artistiques et culturelles aussi bien que des compagnies plus locales (répondant aux enjeux de la crise culturelle-sanitaire tout comme aux enjeux écologiques, plus que jamais urgents).
La plateforme de l'été culturel et apprenant aura ainsi suscité des espoirs, transformés en frustrations voire en colères d'artistes attisées vis-à-vis des Ministères et du politique en général. Le Ministère de la Culture a mis en place un outil aussi peu pratique que lisible ou visible, sans pouvoir attester de résultats, sans même pouvoir rendre compte de l'impact éventuel, ou ne serait-ce que des moyens mis en œuvre (l'une de nos multiples relances consistait simplement à demander au Ministère de la Culture quels moyens financiers et humains ont été engagés dans cette plateforme : là encore, pas de réponse).
Le bilan que beaucoup en tirent est très négatif et il confirme l'inquiétude principale formulée dès la visio-conférence du Président de la République consacrée au monde de la culture : "Emmanuel Macron invite les artistes à se rendre dans les écoles, il appelle à un été culturel et apprenant mais personne ne l'avait attendu pour faire déjà tout cela et il aurait donc fallu un véritable accompagnement, un soutien clairement traduit dans les faits." Les regards continuent aussi de se tourner vers la nouvelle Ministre de la Culture, Roselyne Bachelot dont beaucoup veulent croire que l'action ne saurait tarder, entre autres pour un monde musical qu'elle connaît et apprécie.