Hommage à Mady Mesplé, la soprano colorature de la Ville rose
Mady Mesplé s’est éteinte ce 30 mai 2020 à l’âge de 89 ans dans cette ville de Toulouse qui la vit naître et qu’elle chérissait tant. Elle a combattu avec vaillance la maladie de Parkinson qui l’a emportée. Dans son livre « La Voix du corps-Vivre avec la maladie de Parkinson » paru aux éditions Michel Lafon en 2010, Mady Mesplé évoque, outre sa vie de femme et sa carrière, sa lutte au quotidien contre cette maladie si invalidante.
Elle naît à Toulouse le 7 mars 1931 et entame très jeune des études complètes de musique qui la dirigent déjà vers le piano. Sa jolie voix la fait cependant vite remarquer. Elle se forme en chant lyrique au Conservatoire de Toulouse auprès de Madame Izar-Lasson, femme du ténor Louis Izar alors Directeur du Théâtre du Capitole de Toulouse. Elle y rencontre son amie de toujours, Jane Berbié. La jeune artiste se perfectionne ensuite en ses premières années de carrière à Paris auprès de la soprano Janine Micheau, un guide avisé. Les débuts scéniques de Mady Mesplé s’effectuent à l’Opéra de Liège en 1953 dans le rôle-titre de Lakmé, ouvrage qui la rendra célèbre et marquera son entrée à l’Opéra Comique en juin 1956.
Très vite en Belgique puis dans les théâtres de l’hexagone, les prises de rôles s’intensifient, dont tout particulièrement ceux de Rosine du Barbier de Séville ou de Gilda dans Rigoletto. Gabriel Dussurget toujours précurseur, lui ouvre les portes du Festival lyrique d’Aix-en-Provence cette même année avec Le Téléphone de Menotti ainsi que Zémire et Azor de Grétry. Elle reviendra 10 ans plus tard sur la scène de l’Archevêché en Zerbinette pour une série d’Ariane à Naxos de Richard Strauss qui fera date. À ses côtés, une autre amie de cœur, Régine Crespin et Tatiana Troyanos incarnant le compositeur. En 1958, elle succède à Liliane Berton en Sœur Constance dans Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc au Palais Garnier avant de triompher sur cette même scène en Lucia di Lammermoor de Donizetti auprès d’Alain Vanzo, rôle repris ensuite lors de la soirée de clôture du Festival d’Edimbourg. Le 29 décembre 1960, elle remplace Mado Robin, qui vient de disparaître toute jeune encore, pour la 1500ème représentation de Lakmé Salle Favart. En ces années 1960, Mady Mesplé ne cesse de parcourir la France et les engagements à l’étranger se multiplient : Colon de Buenos Aires, tournée en URSS, Vienne (La Reine de la Nuit et Le Rossignol de Stravinsky qui lui vaut une ovation qu’elle considérait comme la plus belle de sa carrière), Chicago, New York (débuts en 1973 dans Rigoletto)…
Pour autant, cette fine musicienne ne délaisse pas le répertoire d’opérette, la musique religieuse et surtout la création contemporaine vers laquelle son aisance dans le déchiffrage et sa curiosité l’appellent : Élégie pour de jeunes amants d’Hans Werner Henze ou création du Quatuor à cordes II de Betsy Jolas écrit spécifiquement pour dans le cadre du Domaine Musical fondé par Pierre Boulez, ouvrage alors enregistré,
L’Échelle de Jacob d’Arnold Schoenberg, Syllabaire pour Phèdre de Maurine Ohana.
Les difficultés techniques de ces pages musicales, leur singularité, apparaissent comme un défi que la cantatrice dotée de l’oreille absolue (mémorisation et reconnaissance de toutes les hauteurs sans avoir besoin de diapason) assume avec aplomb. La cadence du nombre de représentations assurées par Mady Mesplé ne faiblit guère au cours des années 70 et 80, même si le récital prend peu à peu toute la place. Son interprétation de la Poupée Olympia dans Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach à l’Opéra de Paris en 1975 dans la mise en scène magnifique de Patrice Chéreau reste gravée dans les mémoires.
Mady Mesplé enregistrera beaucoup notamment par la
firme EMI (opéras, mélodies) et se consacrera ensuite à
l’enseignement. Grâce à ses nombreuses apparitions à la
télévision, notamment dans les émissions populaires de Jacques
Martin, Mady Mesplé est parvenue à acquérir une notoriété alors
bien rare pour une cantatrice. Bien plus qu’une voix de soprano
colorature facile et agile, fraîche de timbre, l’artiste séduisait
par sa présence réelle en scène et un charme constant. Une grande
dame de l’art lyrique et du chant français nous a quittés !