Le Metropolitan Opera de New York fermé jusqu'au Réveillon du Nouvel An
Pour combler ce déficit, l'institution mise comme à son habitude sur une drastique réduction des coûts et de nouveaux appels aux dons d'urgence. Les personnels artistiques et des dizaines d'administratif ne sont plus payés depuis avril (nos précédents articles), la maison mais même ses artistes et employés sont contraints de multiplier les fundraisings en ligne.
Due to the ongoing health crisis, we have made the difficult decision to cancel the first few months of the 202021 season. We expect to re-open our doors on December 31, 2020. Learn more: https://t.co/rnT4n4gG3p pic.twitter.com/lUIb21Bmic
— Metropolitan Opera (@MetOpera) 1 juin 2020
Fermé jusqu'au Réveillon
Nous annoncions déjà dans notre précédent article que la saison du printemps était condamnée par le Met, son Directeur Peter Gelb le confirme au New York Times, dans une vidéo et un communiqué : "C'est une évidence absolue : la distanciation sociale et l'opéra ne peuvent pas aller ensemble. Nos docteurs, conseillers médicaux, comme les responsables gouvernementaux le confirment. Non seulement pour la santé du public, mais aussi pour la santé de la compagnie et des artistes : impossible de mettre un orchestre dans une fosse, pas plus que des interprètes ou un chœur à proximité les uns des autres sur la scène du Met." Tandis que l'Europe reprend progressivement les concerts avec de petites jauges, Peter Gelb balaye cette hypothèse : "Quand bien même ce serait possible, il ne serait pas réalisable de jouer devant 400 ou 500 spectateurs dans notre salle de 3800 places. Comment les faites-vous entrer et sortir ?" Certes, cela exige ailleurs de faire venir les spectateurs bien en avance, ce qui est concrètement impossible en cette période de manifestations et d'émeutes à travers le pays contre le racisme et les violences policières. Une question sur laquelle le Met s'est d'ailleurs exprimé :
There is no place for racism in the arts. There is no place for racism in New York City. There is no place for racism in this country or in the world. The Met stands with those raising their voices in support of justice and equality. In memory of #GeorgeFloyd #BlackLivesMatter pic.twitter.com/OxEnQoFKua
— Metropolitan Opera (@MetOpera) 1 juin 2020
Le Met se serait bien passé de cette situation catastrophique, qui aura une incidence lourde sur la maison. "La situation financière était assez fragile avant la pandémie, poursuit Peter Gelb, ses risques économiques se sont accrus de manière significative. Le Met aura besoin d'un redémarrage économique total." Le Met a toutefois réussi à lever 60 millions de dollars en dons ces deux derniers mois. Ainsi, et paradoxalement, le fait que l'opéra soit loin de pouvoir équilibrer ses budgets par les recettes de billetterie et nécessite un fort appui de mécénat (ou de subventions publiques en Europe) entraîne un danger -très relativement- moindre pour sa survie que dans le théâtre privé où les pertes de billetterie sont des pertes de revenus presqu'entiers.
Réouverture : un Gala de reports
Le Met continue toutefois de vouloir voir les choses en grand et il se projette déjà vers sa réouverture par un Grand Gala du 31 décembre. Un événement qui devrait faire date -et rapporter gros- comme l'institution lyrique américaine a réussi brillamment à le faire, même en période de confinement, grâce à son Gala en ligne depuis les maisons des stars de l'Opéra. Cet événement (notre compte-rendu) a été regardé par 750.000 spectateurs et a permis de recueillir $1.5 million en petits dons, plus $1.5 million de grands sponsors.
La reprise s'annonce belle (le Met a toujours su réunir les plus grandes stars mondiales pour de riches programmes), mais la suite beaucoup plus inquiétante. "Nous allons devoir être plus flexible" affirme le Directeur, ajoutant immédiatement "mais la réponse sera justement d'espérer avoir encore plus de nouvelles productions et de nouvelles expériences pour stimuler l'intérêt." En effet, c'est grâce à des projets différents que le Metropolitan Opera retrouvait une santé financière très encourageante ces deux dernières saisons (amplifiée par les diffusions au cinéma battant des records), à deux bouts du spectre artistique, le contemporain et le populaire : Akhnaten de Philip Glass, Porgy and Bess de Gershwin.
Mais avant cela, la saison 2020/2021 qui deviendra seulement la saison 2021 sera marquée par les reports de nouvelles productions pour la maison (comme nous vous l'annoncions également dans notre précédent article : ne serait-ce qu'en raison de la fermeture estivale qui rend impossibles les tests techniques nécessaires à l'élaboration de ces nouveaux spectacles).
La Flûte enchantée par Simon McBurney, et Don Giovanni de Mozart par Ivo van Hove seront remplacées par des reprises de mises en scène (respectivement celles de Julie Taymor et Michael Grandage). La stratégie du Met est ainsi claire, identique à celle de La Scala pour sa rentrée (et à l'opposé donc de ses plans de rénovation culturelle future) : miser sur les œuvres populaires susceptibles d'attirer le public inquiet. Les Mozart ont donc été conservés, alors que L'Ange de feu de Prokofiev qui devait marquer les débuts maison de Barrie Kosky, est reporté sine die. L'institution préfère reprendre avec les plus grands blockbusters (Carmen de Bizet avec Varduhi Abrahamyan et Roberto Alagna, La Traviata de Verdi avec Dmytro Popov et Stephen Costello, La Bohème de Puccini avec Angel Blue et Joseph Calleja). Dans le même esprit, la reprise de Lulu (Berg) par William Kentridge est annulée, ses dates remplacées par un prolongement du Barbier de Séville (Rossini : heureusement la chanteuse initialement prévue, Brenda Rae peut passer de Lulu à ses débuts en Rosine). De surcroît, toujours pour rendre le retour en salle "aussi attirant que possible", les représentations sont avancées à 19h et la compagnie envisage de couper certains opéras, "comme c'est traditionnellement le cas pour les pièces de Shakespeare : Jules César de Haendel sera ainsi réduit à 3h30 avec un entracte, au lieu de 4h30 avec deux interruptions."
"Pour l'instant nous continueons à proposer du streaming", conclut le Directeur (le Met propose gratuitement un opéra par jour en vidéo, le programme complet est ici), "mais l'hiver venu, nous jouerons à nouveau."
"Winter is coming" est pourtant une formule très inquiétante, espérons qu'elle devienne plus heureuse dans le jeu de chaises musicales que dans le Jeu de trônes.