Synopsis
Mitridate, re di Ponto
La mort (simulée) de Mithridate pousse ses deux fils à déclarer leur amour pour leur belle-mère : Aspasia. Lorsque le Roi du Pont revient, Pharnace est accusé d’avoir usurper le trône. Furieux, Mithridate jure sa perte et celle d’Aspasia et demande l’aide de son autre fils Xipharès pour se venger.
Met Live Tosca
Création de l'opéra
Mithridate, Roi du Pont (Mitridate, Re di Ponto) est le premier opera seria de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), structuré en une ouverture et trois actes. Le livret en italien de Vittorio Amadeo Cigna-Santi (v.1730-1795) a été écrit d’après la pièce de Jean Racine (1639-1699).
Depuis le 13 décembre 1769, Mozart et son père sont en tournée en Italie. Lorsqu’ils arrivent à Milan au début de l’année 1770, ils sont accueillis chez le gouverneur de la Lombardie le Comte autrichien Karl Joseph von Firmian, un grand mélomane qui organise de nombreux concerts privés chez lui. Voyant l’intérêt grandissant du jeune garçon pour le genre de l’opera seria, le Comte lui offre l’intégral des poèmes de Metastasio : Mozart s’empresse d’en mettre certains en musique. Ses petits airs, créés devant l’audience privée du Comte, impressionnent fortement ce dernier, à tel point qu'il décide de lui commander un opera seria pour le Teatro Reggio Ducal de Milan, une des trois plus grandes maisons d’opéra de l’époque.
Le livret est remis à Mozart le 27 juillet 1770, la création étant prévue pour l’hiver suivant, lors du carnaval. Fort de son étude poussée sur l’opera seria de Josef Mysliveček (1737-1781) La Nitteti effectuée durant le printemps 1770, Mozart commence son travail par l'écriture des récitatifs, dès réception du livret. En revanche pour les airs, il ne commence véritablement son travail qu’après avoir rencontré les chanteurs en novembre, afin de leur écrire des numéros sur mesure.
L’opéra est représenté pour la première fois le 26 décembre 1770 au Teatro Reggio Ducal de Milan lors du carnaval. Malgré la réserve première du public à l'idée d’entendre une œuvre écrite par un jeune garçon âgé de seulement quatorze ans, la création est un succès. À tel point que le théâtre lui-même commande à Mozart un second opera seria pour le carnaval de l’année 1772 (intitulé Lucio Silla, mais dont le manuscrit a malheureusement été perdu). Mithridate, Roi du Pont est représenté une vingtaine de fois, puis tombe dans l’oubli jusqu’à ce que des chefs d’orchestre de la seconde moitié du XXe siècle décident de monter à nouveau cet opéra de jeunesse.
La tragédie de RacineMithridate est une tragédie en cinq actes, écrite par Jean Racine, et inspirée de l’histoire ancienne. Mithridate VI règne sur le royaume du Pont (actuellement en Turquie) et mène une guerre sans relâche contre les Romains pour contrôler les terres autour de la mer noire. Trahi par son fils et humilié par la défaite de ses armées, Mithridate se donne la mort. C’est autour de ce drame familial final qu’est bâtie l’œuvre de Racine.
Pour sa tragédie, l’auteur a réuni les épisodes en une seule journée et a donné une grande importance aux intrigues amoureuses, au détriment de la dimension épique. En effet, dans la tragédie de Racine, ce n’est pas tant la défaite de Mithridate contre les Romains qui est racontée, mais plutôt ses relations conflictuelles avec ses deux fils.
Construit autour de longs discours et monologues, cette œuvre en vers contenant exactement 1698 alexandrins a été créée le 13 janvier 1673 devant une audience privée à l’Hôtel de Bourgogne. L’œuvre est bien accueillie et devient même la tragédie préférée de Louis XIV, mais elle diffère un peu trop des habitudes de l’auteur (notamment dans sa dimension épique), c’est pourquoi dès le XVIIIe elle est très peu montée. Encore aujourd’hui, Mithridate reste considéré comme une œuvre secondaire de Racine, et est donc rarement jouée.
De la tragédie au livret d’opéraLa structure dramaturgique de la tragédie de Racine est propice à sa transformation en livret d’opera seria, car l’intrigue est claire, les jeux d’opposition sont forts et les passions sont vives. Quant à la mort de Mithridate, elle garantit une scène d’apparat aux effets sûrs. De plus, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les sociétés européennes (et particulièrement celle de Vienne) développent un fort intérêt pour l’Orient et pour la Turquie. Tous les ingrédients sont ainsi réunis pour garantir la qualité du livret de cet opera seria.
Le livret de Cigna-Santi a été conçu d’après une traduction italienne de la pièce par Giuseppe Parini. Globalement, aussi bien dans sa structure que dans son esprit, elle se rattache au genre du dramma per musica établit par les maîtres du genre Zeno et Metastasio. Malgré un allègement nécessaire du texte, l’action suit scrupuleusement celle de Racine dont Cigna-Santi a retenu les articulations et les idées essentielles. Les coupures les plus importantes sont celles faites dans l’acte II et l’acte IV de la tragédie.
Afin de rendre l’histoire plus « opératique », le librettiste a également effectué quelques modifications. Certaines sont mineures (comme le nom de Monime qui devient Aspasia) et d’autres plus importantes comme l’invention de deux personnages pour équilibrer les rapports de force : celui d’Ismene, promise à Pharnace et qui raisonne Mithridate dans sa colère contre son fils, et celui de Marzio, un officier romain, qui attise la haine de Pharnace contre son père. Au niveau de l’intrigue, Cigna-Santi a choisi de modifier la fin : Pharnace, juste avant la mort de son père, demande son pardon et souhaite se repentir de ses fautes. Ce revirement soudain, quelque peu étonnant et qui affaiblit l’histoire, s’explique très bien d’un point de vue stylistique, car les opera seria devaient obligatoirement bien se terminer.