À propos de ce lieu
Si le premier Festival de Salzbourg a lieu le 22 août 1920, le projet a une longue histoire derrière lui. Dès l’apparition du Festival de Bayreuth en 1876, les salzbourgeois souhaitent à leur tour mettre en avant leur génie, Wolfgang Amadeus Mozart, et en 1877, la Fondation Internationale du Mozarteum met en place des concerts annuels, interrompus par la Grande Guerre. Les personnalités qui mettent en place le festival à proprement parler sont le compositeur et chef d’orchestre Richard Strauss, le poète Hugo von Hofmannsthal, librettiste du premier, le scénographe Alfred Roller, le chef d’orchestre Franz Schalk et le metteur en scène Max Reinhardt. Dès le début, Salzbourg est conçu comme un anti-Bayreuth, puisqu’il n’a pas pour vocation d’être dédié au culte du seul Mozart, ni même uniquement à l’art lyrique, accueillant également du théâtre et des concerts.
La première édition de 1920 ne voit qu’une représentation théâtrale, celle de la réécriture du mystère Jedermann (Chaque homme) par Hofmannsthal, pièce reprise à quasiment toutes les éditions du festival jusqu'à aujourd'hui, à son emplacement d’origine sur le parvis de la cathédrale. La musique n’apparaît qu’à la deuxième édition, sous forme de concert. La première représentation lyrique a lieu en 1922. Il s’agit de Don Giovanni (Mozart) avec des chanteurs issus de l’Opéra d’Etat de Vienne dirigé par Richard Strauss, les autres opéras de l’édition étant également des œuvres de Mozart. Très vite, la programmation s’élargit puisque dès l'édition lyrique suivante, qui a lieu en 1925, il s’y donne Don Pasquale de Donizetti. En 1926, un vieux palais, le Felsenreitschule, ancien siège de l’archevêché, est converti en Palais du Festival, premier lieu de représentation durable après plusieurs solutions provisoires.
Les deux dominantes de Salzbourg à ses débuts sont Mozart et Richard Strauss, et son orchestre attitré est le Philharmonique de Vienne. En 1928, le Festival de Salzbourg accueille sa première représentation de Bastien et Bastienne, l’un des premiers opéras de Mozart, ce qui confirme la différence d’orientation avec Bayreuth, puisqu’il ne s’agit pas de constituer un canon des chefs d’œuvre du compositeur mais d’en explorer le répertoire dans son ensemble, y compris ses œuvres de jeunesse. Salzbourg connaît un premier âge d’or entre l’avènement d’Hitler en Allemagne en 1933 et l’Anschluss en 1938. Le Festival accueille ainsi Toscanini, farouchement opposé au fascisme, qui y dirige notamment un Falstaff mémorable en 1935, faisant entrer l’opéra de Verdi au répertoire habituel du festival. L’arrivée des nazis bouleverse tout : Toscanini s’exile, Max Reinhardt, qui est d’origine juive, est contraint de fuir, et étant donné qu’Hofmannsthal est juif également, le Jedermann est interdit de représentation. Le Festival a lieu tout au long de la guerre, sauf en 1944.
L’immédiat après-guerre est marqué par la dénazification du festival, Furtwängler et Karajan étant un temps interdit. L’un des éléments les plus importants de la période est la création de L’amour de Danaé en 1952, opéra de Richard Strauss sur une idée de Hofmannsthal. Une modernisation du festival est entreprise, même si certains projets achoppent, notamment l’écriture par Bertolt Brecht d’une pièce alternative au Jedermann qui se heurte à un boycott de Brecht par des anticommunistes.
De 1957 à 1989, la personnalité qui domine le Festival est sans conteste Herbert von Karajan, quoique Karl Böhm soit également une présence forte jusqu’en 1980. L’arrivée de Karajan à la direction artistique est suivie trois ans plus tard par l’inauguration du Grand Palais des Festivals, à la capacité beaucoup plus importante. Cela encourage l’élargissement du répertoire à des œuvres telles que le Trouvère de Verdi (alors que jusque-là seul Falstaff était fréquemment donné), Tosca de Puccini ou Carmen de Bizet, et à des productions dont l’attrait pour le public a déjà été prouvé. Pendant les années Karajan, le Festival de Salzbourg devient un festival jet-set, où toute la haute société internationale se retrouve. Les prix des billets flambent en conséquence. En 1967, Karajan fonde le Festival de Pâques, entité totalement distincte même si elle utilise les mêmes lieux, employant le Philharmonique de Berlin au lieu de celui de Vienne, avec lequel Karajan est alors en froid.
Après la mort de Karajan en 1989, c’est un iconoclaste qui prend la succession en la personne de Gérard Mortier, tout juste sorti de la Monnaie de Bruxelles. Ce dernier juge que l’ère Karajan n’a pas montré assez de prises de risque artistique, et souhaite rendre le Festival plus démocratique en mettant en place un politique d’accès jeune public. La direction de Mortier fait scandale avant même la première édition en 1991, quand Riccardo Muti claque la porte, heurté par la mise en scène provocante de la Clémence de Titus (Mozart) qu’il doit diriger. L’une des œuvres marquantes de la première année de Mortier est Saint-François d’Assise de Messiaen mis en scène par Peter Sellars, qui remet le contemporain à l’honneur. Il remet également en cause la primauté de la Philharmonie de Vienne sur le Festival. Parmi les autres productions symboliques du mandat Mortier figurent également Le Grand Macabre de Ligeti mis en scène par Sellars et la création de Cronaca del luogo de Luciano Berio en 1999. Dernier pavé dans la mare, sa propre mise en scène en 2001 de l’opérette autrichienne par excellence, La Chauve-souris de Johann Strauss II, qui fait intervenir Hermann Göring et Eva Braun. S’il a considérablement renouvelé la tradition salzbourgeoise, il n’a pas réussi à entamer sa nature exclusive, les prix moyens restant exorbitants.
Le successeur de Mortier est Peter Ruzicka (2001-2006), suivi par Jürgen Flimm (2006-2010). Celui-ci marque les esprits à son arrivée en 2006, à l’occasion du deux-cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Mozart, lorsqu’il met en scène les vingt-deux opéras du maitre salzbourgeois dans la même année. 2007 voit également la création officielle du Festival de Pentecôte, après des années de concert à cette période, festival lié à celui d’été contrairement à celui de Pâques, et centré sur le baroque napolitain. La directrice artistique en est actuellement Cecilia Bartoli. L’actuel directeur du Festival d’été est Alexander Pereira depuis 2012. Salzbourg demeure l’un des plus grands, si ce n’est le plus grand festival d’art lyrique du monde, avec une dizaine de spectacles lyriques par année, allant du baroque à la création contemporaine, sans oublier bien entendu Mozart et Strauss.