Macbeth : un Amour Meurtrier à L'Opéra Grand Avignon
Inspiré de la tragédie Shakespearienne, cet opéra représente le désir et la folie par l'obsession du pouvoir. La musique du compositeur italien immerge le spectateur dans une attente obscure et terrifiante. L’œuvre met en valeur la manipulation extrême à travers un personnage féminin prêt à tout pour accéder au pouvoir. Son mari, complice mais aussi esclave de ses envies, est comme aveuglé sur le moment, puis envahi de regrets. Contrairement à son épouse, le personnage de Macbeth est touchant d'humanité, sensible.
Macbeth par Frédéric Bélier-Garcia (© Cédric Delestrade / ACM-Studio)
Frédéric Bélier-Garcia et son assistante Caroline Gonce surprennent dans une mise en scène réaliste mais grandement morbide. La tanière des sorcières (interprétées par le chœur de femmes) est un lieu d'épouvante où sont gardées prisonnières de jeunes filles nues et apeurées, sous un manteau noir, présence fantomatique. L'atmosphère est angoissante et austère. Les décors de Jacques Gabel sont structurés, réalistes et flexibles. Ils étonnent le public avec des univers différents et intenses. Accompagnant ces tableaux, les lumières arrangées par Roberto Venturi sont superbement réalistes et reconstituent avec succès une nuit orageuse comme une journée ensoleillée. Le spectacle plonge les auditeurs dans un suspens glacial jusqu'au dramatique mais judicieux final. Sarah Leterrier propose un ensemble de costumes fidèles à chaque personnage et sans excès.
Macbeth par Frédéric Bélier-Garcia (© Cédric Delestrade / ACM-Studio)
L'Orchestre régional d'Avignon, dirigé par Alain Guingal donne l'ampleur espérée de l’œuvre. La puissance est à couper le souffle et baigne dans le Verdien. Dans le ténébreux et douloureux rôle de Macbeth, le baryton Juan Jesús Rodríguez représente le regret et le doute attendu. Il capte les spectateurs à travers un jeu théâtral assuré. Sa profonde voix est élancée, avec une bonne diction et une bonne souplesse vocale. Notamment, son air ''Pietà, rispetto, amore' conquière le public.
Juan Jesús Rodriguez dans Macbeth par Frédéric Bélier-Garcia (© Cédric Delestrade / ACM-Studio)
Le basse Adrian Sâmpetrean est un Banquo vivant avec une très bonne approche de son personnage. Son apparition sanglante pendant le banquet est redoutablement angoissante. À l'aise dans ce rôle, la voix est fluide et en accord avec la partition. Il se dégage un côté naturel très apprécié par la salle.
Adrian Sâmpetrean dans Macbeth par Frédéric Bélier-Garcia (© Cédric Delestrade / ACM-Studio)
Le rôle de la manipulatrice et froide Lady Macbeth est interprété ici par la soprano Alex Penda. Ayant un parcours impressionnant, elle est imprégnée de ce caractère charismatique et surpuissant, la chanteuse évoluant dans la terreur et dans sa folie d'accéder au règne. Sa voix de soprano dramatique dispose d'une très bonne projection dans les aigus. La voix est cependant parfois un peu trop appuyée, ce qui suscite quelques tensions pour l'oreille.
Alex Penda dans Macbeth par Frédéric Bélier-Garcia (© Cédric Delestrade / ACM-Studio)
Dans le petit mais lourd rôle de la servante de Lady Macbeth, la mezzo-soprano Violette Polchi est envahie par une inquiétude constante pour sa maîtresse. Elle s'avère être touchante quand elle annonce sa mort. La voix est colorée, raffinée et magnifiquement pure. Macduff est défendu ici par le ténor Giuseppe Gipali. Son jeu scénique est remarqué et reste présent tandis que sa voix est soutenue, claire et légère. Le jeune ténor Kevin Amiel interprète Malcolm avec un sérieux très adapté pour la situation de son rôle. Il se montre même perfectionniste dans son jeu théâtral tout comme dans son chant. La voix est assurée, légère et énergique. Le baryton Jean-Marie Delpas est quant à lui le médecin, bien présent et contrôlé. Le basse Pascal Canitrot (le sicaire) et le baryton Xavier Seince (héraut) assurent eux aussi une bonne présence scénique et une bonne technique vocale. Dans le rôle des trois apparitions, la mezzo-soprano Christine Craipeau, le baryton-basse Saeid Alkhouri et la soprano Marie Simoneau soutiennent le jeu des personnages et accentuent les tensions, notamment dans la scène des couronnes où Macbeth est repris par la folie.
Giuseppe Gipali dans Macbeth par Frédéric Bélier-Garcia (© Cédric Delestrade / ACM-Studio)
Le Chœur et les choristes supplémentaires de l'Opéra Grand Avignon, dirigés par Aurore Marchand, savent créer une grande émotion vocale au sein de l'auditoire. Les scènes de regroupements sont sonores et bluffantes. Enfin, grâces doivent être rendues au ballet de l'Opéra Grand Avignon, guidé ici par la chorégraphe Marion Ballester. Les danseurs enchaînent des mouvements d'une amplitude remarquable et montrent leur professionnalisme. L'Opéra d'Avignon relève ainsi avec succès le défit de plonger le public dans le funèbre destin du couple Macbeth.