Cyrille Dubois et Alphonse Cemin, les Amours du poète en lundi musical à l'Athénée
Cyrille Dubois est un ténor très prometteur, comme en atteste la biographie incluse dans le programme. C’est un jeune ténor. Un ténor de petit format sur le plan vocal, ce qui n’est ni bien ni mal, mais une donnée objective. Il ne manque ni de raffinement ni de maîtrise technique. Il prononce parfaitement les langues qu’il propose au travers de son programme (allemand, italien, anglais et français). Il est manifestement en phase avec un public en extase, s’alanguissant avec lui dans ses propositions d’interprétation. Il tient propos, il déploie des stratégies, dans les cycles et au sein de chaque pièce. C’est un musicien délicat et expert.
Dans son format vocal, et dans ce genre da camera (musique de salon), il propose une mise en voix dans laquelle la dynamique piano constitue le « niveau neutre » d’énonciation, et navigue ensuite, au gré de sa « peinture » des mots, entre le pianissimo (un peu sourd et souvent couvert -malgré l’acoustique parfaite de cette si jolie petite salle- par le piano vif et tonique, à juste titre, d’Alphonse Cemin) et un mezzo forte, qui tient lieu de forte. Quelques FF (fortissimi) tonitruants (par contraste) viennent parfois ponctuer son discours. Cela confère à sa stratégie un caractère contemplatif, parfaitement en accord avec le cycle de Fauré (« C'est l'extase langoureuse, […] Le chœur des petites voix. Ô le frêle et frais murmure ! Cela gazouille et susurre »).
Cyrille Dubois (© Mirco Maggliocca)
En revanche, cela ne nous semble jamais vraiment pouvoir rendre compte dans Dichterliebe (Les Amours du poète) du caractère quasi « cyclothymique » du jeune poète exalté, amoureux, saisi d’élans vigoureux et tombant aussi vite dans l’abattement, entre exaltation et quasi dépression. La proposition d’interprétation de Cyrille Dubois est construite et cohérente (il s’y tient avec constance), mais elle gomme tout le bouillonnement romantique, alternant ces états pathétiques « adolescents » d’un sentiment amoureux absolu et impérieux, bouillonnement pourtant parfaitement présent sous les doigts d’Alphonse Cemin. Elle installe une rêverie contemplative subtile, où les contrastes (ténus) ne brisent jamais un sentiment de suspension et de douceur, éloigné -lorsqu'il est seul- du romantisme Schumannien.
Dans les œuvres de Britten en italien (puis en anglais, pour les trois bis accordés à la fin), la voix est de manière intéressante beaucoup plus tonique et plus en accord avec la personnalité artistique de Peter Pears, dédicataire de l’œuvre et son fervent ambassadeur.
Cyrille Dubois (© Mirco Maggliocca)
Monsieur Dubois est un jeune chanteur qui prend la parole en tous cas, qui propose, qui prend parti et qui mérite à ce titre d'être suivi avec intérêt dans ses évolutions à venir (pour ce faire, cliquez sur son nom puis « Ajouter aux favoris » en haut de sa page). Il propose (remplaçant au débotté, ce qui est méritoire, Stanislas de Barbeyrac empêché) une soirée intimiste, qui a su trouver le chemin du cœur d’un auditoire en quête de tendresse dans ce monde de brutes.