Sara Blanch et Paolo Bordogna, duo rossinien au Festival Peralada
Le titre du récital Il Cegno di Pesaro annonce d’emblée le programme de la soirée : du Rossini et uniquement du Rossini, avec des pièces très connues, voire incontournables, mais également quelques raretés, comme l’air « Là pugnai - No, non piangete » d’Aurélien en Palmyre. Rossini, certes, mais un Rossini dans tous ses états : burlesque, sentimental, héroïque, interprété par trois artistes rompus à ce répertoire. Le spectacle promet donc beaucoup au public du Festival Castell de Peralada. Seule ombre au tableau : la réverbération de l’Eglesia del Carme, lieu de concert imposé en attendant la construction prochaine de l’auditorium, où les voix se trouvent assez mal servies, surtout dans le registre grave. Une perturbation acoustique qui ne gâche pas le spectacle pour autant.
Enfant du pays, Sara Blanch a bien sûr toute la sympathie du public catalan. Elle impressionne dès son entrée en scène par sa voix incisive au timbre rutilant. La soprano espagnole ne fera que monter en puissance, affichant son aisance technique et la maîtrise de ses moyens vocaux. Sa grande tenue de souffle lui permet d’assurer les longs phrasés nuancés aussi bien que les vocalises souples et savamment détachées. Son aigu est tranchant et solidement timbré. Elle montre aussi une grande expressivité, tantôt dans la colère, tantôt dans l’espièglerie, tantôt dans le recueillement avec l’air « Squallida veste e bruna » extrait du Turc en Italie.
Paolo Bordogna se montre moins à son avantage sur les premiers morceaux. Il est vrai qu’il lui faut composer avec la redoutable réverbération de la salle, qui amplifie à ses dépens le piano derrière lui. Semblant s'adapter à ces conditions de résonance, la voix du baryton italien s’affine et s’enrichit d’harmoniques aiguës. Son émission suavement couverte dans le masque, son vibrato serré et élégant lui assurent une bonne projection ainsi qu’une égalité de timbre. En véritable « show man », il habite ses personnages par des mimiques et des intonations de voix, pour le plus grand plaisir du public.
L’acoustique difficile a le mérite de mettre en lumière l’accompagnement au piano de Giulio Zappa. Avec un naturel et un sérieux imperturbable, il a la tâche de reproduire à lui seul tout un orchestre. Son jeu est brillant, vif, d’une dextérité impressionnante. Son écoute des deux chanteurs est sans faille, notamment sur le crescendo de « La Calunnia », tiré du Barbier de Séville, où le baryton et lui apparaissent parfaitement synchronisés.
La complicité entre Sara Blanch et Paolo Bordogna est perceptible, comme le démontre leur dernier bis sur le célèbre Duo des chats, qui aura beaucoup amusé le public. Chaque salut des trois artistes recueille un tonnerre d’applaudissements.