Les Muses pleurent avec Jordi Savall au Festival Peralada
Le concert était dédié à la mémoire de Luis López de Lamadrid, fondateur et directeur du Festival de Peralada, disparu en août dernier peu après la 37e édition du festival. De ce fait, le programme est placé sous le signe du recueillement, avec quelques pièces sacrées de William Byrd, John Dowland, Orlando Gibbons et autres prédécesseurs de Henry Purcell. Ces morceaux funèbres alternent avec des œuvres plus enjouées, non sans une once de mélancolie, pour célébrer la poursuite de la vie dans la danse et dans les chants. Quoi de mieux pour rendre hommage à un amoureux de la musique, et du même coup, annoncer l’heureux évènement qui attend la soprano Elionor Martínez ?
L’Eglésia del Carme s’impose comme cadre de choix. Son acoustique amplifie le timbre de l’ensemble de violes de gambe, tout particulièrement celui des deux instruments basses de Philippe Pierlot et Marc de la Linde, au grain métallique et capiteux. Par-dessus se détachent les notes boisées du luth de Josep Maria Martí. Jordi Savall dirige tout en assurant la partie de viole de gambe soprano avec dextérité et sensibilité. Natalia Timofeeva à la viole ténor et Xavier Puertas à la contrebasse, bien que plus discrets, sont également très en place dans cet ensemble d’une grande homogénéité.
L’acoustique du lieu ne sied pas aussi bien aux voix, dont le registre grave est hélas peu réverbéré. Un détail qui n’enlève rien à la prestation solide des deux interprètes. Elionor Martínez déploie une voix fraîche et lumineuse, peu vibrée, au phrasé net et concis. La soprano espagnole montre par ailleurs beaucoup d’expressivité, tant dans son interprétation que dans son visage radieux.
La prestation de William Shelton est plus sobre, tout en intériorité et en application. Son émission suavement palatisée alliée à une tenue de souffle sans faille lui assurent un équilibre constant entre harmoniques de tête et de poitrine. Atténuant ainsi le falsetto, son timbre résonne avec naturel, évoquant la chaleur d’un mezzo-soprano. Enfin, tous deux démontrent une remarquable écoute l’un de l’autre, et leurs voix s’harmonisent avec justesse.
Le programme en clair-obscur ne cède la place ni à la tristesse ni à la gaité, mais à un intense sentiment d’humanité et de communion par la musique. Le public, réuni sous les voutes ouvragées de l’église aura su l’apprécier : il en ressort ravi.