Les enchantements du Rinaldo de Haendel avec Carlo Vistoli à Beaune
Un imposant orage et des pluies diluviennes s’étant abattues sur Beaune en fin d’après-midi, la représentation de Rinaldo est de fait transférée de la fabuleuse Cour des Hospices à l’imposante Basilique Notre-Dame. Ce désagrément de dernière minute n’a d’ailleurs guère affecté le succès du concert, plein et entier, tous les instrumentistes et interprètes présents apparaissant même comme motivés face à cet évènement contrariant.
Thibault Noally et son Ensemble Les Accents (en cette année 2024 fêtant les 10 ans de sa fondation, in loco) ont inscrit à leur répertoire le premier ouvrage d’Haendel pour la scène londonienne il y a seulement quelques mois (le Théâtre des Champs-Elysées les accueillait en février dernier avec en partie la même distribution vocale). Cet ouvrage essentiel pour la suite de la carrière britannique du compositeur, quoique paraissant moins abouti dans ses tensions purement dramatiques que des opéras postérieurs comme Alcina ou Giulio Cesare, regorge d’airs, duos et ensembles proprement magnifiques et de personnages déjà démesurés comme Armida.
Chiara Skerath, juste après sa Mélisande d’Aix-en-Provence et qui chantait jusqu’à présent le rôle plus nuancé d’Almirena, révèle en Armida un tempérament de feu, un peu comme si elle se trouvait véritablement au milieu des effets de mise en scène que requiert ce rôle à transformation. La voix s’élève vibrante et large, agile aussi, aux aigus pleins et lancés tels des éclairs. Son aria “Vo’ far guerra” qui vient clore l’Acte II se trouve comme encore plus exaltée avec l’accompagnement virtuose du clavecin.
À ses côtés, Gwendoline Blondeel aborde le rôle d’Almirena avec aisance et facilité, inspirée et volontaire, sur l’ensemble de la tessiture qui vient encore enrichir un timbre parmi les plus attrayants. Lorrie Garcia donne beaucoup de caractère au personnage magnanime de Goffredo, même si la projection pourrait être plus affirmée. La contralto Anthea Pichanick sait déployer des moyens imposants dans le rôle d’Eustazio, tout en contrôlant parfaitement tant le style que le legato, son chant baignant dans une sorte de mélancolie que son timbre profond accentue encore un peu plus.
Le baryton Victor Sicard possède un souffle long et une habileté certaine au niveau des récitatifs. Il assume avec appui les différents airs d'Argante, passant du rôle de méchant à celui de repenti avec subtilité.
Dans le rôle-titre, le charme du contre-ténor Carlo Vistoli agit visiblement sur l’assistance de bout en bout. La voix s’illustre par son vocabulaire belcantiste affirmé, mais sa virtuosité n’occulte certes pas le sentiment le plus abouti. Son charisme s’impose tant dans les airs de bravoure que ceux plus harmonieux. Et sa présence même, avec son charme naturel et son sourire, apporte au rôle un plus certain.
Thibault Noally, qui conduit l’orchestre depuis son violon, propose une version dynamique de l’ouvrage, riche dans ses effets, laissant les solistes de son ensemble Les Accents s’exprimer au meilleur niveau. Le public s’émerveille ainsi au chant des oiselets interprétés avec volupté par la flûte et le hautbois, ou par « l’affrontement » des trompettes et de la voix de Carlo Vistoli dans l’air fameux de l’acte III, “Or la tromba”.
Le plaisir ressenti et partagé lors de cette représentation de Rinaldo aura décuplé l’enthousiasme des auditeurs qui ont, de fait, un peu de mal à quitter la Basilique de Beaune.