Les Joies de la Vie Céleste et la Symphonie n°4 de Mahler enchantent Evian
L’Orchestre de Paris n’avait jamais encore été invité à se produire au sein de la magnifique salle de La Grange au Lac d’Evian. Devant le succès remporté au terme du concert, il reste fort à parier que cette manifestation sera suivie de beaucoup d’autres. Pour autant, la première partie du programme consacrée à l’exécution du célébrissime Concerto pour piano et orchestre n°20 de Wolfgang Amadeus Mozart avec la pianiste italienne Beatrice Rana, voit le chef Klaus Mäkelä proposer une direction musicale un peu heurtée, brutale même à plusieurs endroits sur certains départs. Au-delà des qualités intrinsèques de l’orchestre qu’il met pleinement en valeur, son approche manque de moelleux et d’onctuosité, révélant un Mozart ici un peu athlétique. Il s’ensuit un certain décalage d’atmosphère avec la partie piano où Beatrice Rana affiche une plus grande subtilité dans son interprétation certes virtuose, mais manquant d'expressivité dans les sentiments. Le troisième mouvement Allegro assai les trouve plus en phase, plus impliqués l’un envers l’autre.
Rien de pareil ne se reproduit avec la Symphonie n°4 en sol majeur de Gustav Mahler, maîtrisée de bout en bout. L’Orchestre de Paris et Klaus Mäkelä ont abordé cette Symphonie pastorale et riante en mai dernier d’abord à leur port d’attache, la Philharmonie de Paris, avant de la reprendre en juin sous la Pyramide du Louvre pour leur rendez-vous annuel. Le fruit de cette double exécution porte pleinement ses fruits à Evian. La magnificence des pupitres, tout particulièrement des cuivres, et l’équilibre subtil des quatre mouvements successifs, la beauté qui émane de chaque son, la plénitude ressentie par l’auditeur prouve que la musique de Mahler résonne au cœur même des musiciens.
Cette exécution trouve dans le cadre plus intime de La Grange au Lac le point juste et exact entre démesure et mesure. Le second mouvement touche tout particulièrement par son amplitude vibrante et l’expression de modération qu’il implique. C’est le jeune prodige italien Andrea Obiso, violon solo au sein de l’Orchestre de l’Académie nationale Sainte-Cécile de Rome (il joue sur un Guarneri del Gésu de 1741), qui en invité se tire avec une aisance stupéfiant l'auditoire de sa partie difficile avec son instrument volontairement accordé plus haut.
Habillée avec beaucoup de goût et de classe, la soprano Christiane Karg (déjà présente à la Philharmonie de Paris) surgit en quatrième partie au milieu des bouleaux qui ferment l’horizon scénique. Son apparition de toute beauté rejoint son interprétation harmonieuse et sensible du fameux Lied final, Les Joies de la Vie céleste (Das himmlische Leben). La voix un peu corsée s’élève avec ductilité et aisance au sein de La Grange au Lac.
Le triomphe, venant visiblement émouvoir Klaus Mäkelä, salue cette soirée touchée par la grâce et la félicité.