Requiem allemand de Brahms : Cathédrale musicale à la Basilique de Saint-Denis
Le Requiem allemand de Brahms dans la Basilique de Saint-Denis pourrait être le symbole de l’esprit du Festival de cette ville. Cette œuvre sacrée prend en effet toute sa place dans la programmation du prestigieux Festival, notamment par la présence de solistes de renommée internationale, en l’occurrence Pretty Yende et Ludovic Tézier, tout en faisant jouer les ensembles nationaux, le Chœur de l'Orchestre de Paris et l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg. Une des ambitions du Festival de Saint-Denis étant la mise en valeur du patrimoine architectural de la ville, la magnifique Basilique devient pour la soirée l’écrin somptueux accueillant les harmonies brahmsiennes.
La conception de l’œuvre même entre en résonance avec l’esprit du festival, tous deux sensibles aux valeurs humaines. Brahms a en effet composé un Requiem original, en allemand, plus intime que solennel, sans les éclats du Dies Irae ni du jugement dernier. L’opus « est moins une prière pour les morts qu’un chant de consolation destiné aux vivants » (rappelle la note d’intention). Le compositeur avait même songé l’intituler « Requiem humain » plutôt que « Requiem allemand ».
L’humanité est également une valeur du Festival qui, à travers plusieurs dispositifs, cherche à toucher un large public (sensibilisation dans le milieu scolaire, billetterie solidaire, retransmission gratuite de concerts à l’extérieur de l’édifice sur un écran géant…).
Pour ses débuts au Festival de Saint-Denis, le chef Aziz Shokhakimov s’est déplacé « en famille », avec l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg dont il est le directeur musical depuis 2021. Il connaît parfaitement la phalange et obtient des musiciens des phrasés mouvants qui se développent en arches généreuses tout en préservant un son contenu afin de laisser la place sonore au chœur, vedette de la soirée. Toute l’attention du chef semble vouée à les porter les accompagner, les soutenir en veillant en permanence à l’équilibre sonore. En si bonne escorte, le Chœur de l'Orchestre de Paris délivre les riches et nombreuses parties chorales avec assurance et précision. Le texte est émis distinctement à l’aide de consonnes sonores et le son d’ensemble se répand dans une homogénéité sans faille qui favorise l’impression d’unité de cette œuvre de grande envergure.
La soprano Pretty Yende se présente dans une grande sobriété (robe noire, sans bijoux ni maquillage) pour porter la parole consolatrice. Assise (elle n’intervient qu’au 5ème numéro), elle se délecte de ce qu’elle entend, les yeux fermés ou souriant d’extase. Elle distille la tendresse du texte d’une voix claire et d’aigus soulevés, néanmoins, son désir de douceur et de legato s’accompagne à certains moments de portamenti (ports de voix) plus propices au répertoire belcanto.
Le baryton Ludovic Tézier fait lui montre d’impassibilité et sa voix ne se dépare pas d’une certaine vaillance, même dans le solo élégiaque de la troisième partie. Il excelle cependant dans l’intensité et délivre le message d’espoir dans un ancrage vocal impressionnant lui permettant des aigus tantôt délicats tantôt aussi sonores que les trompettes du jugement dernier.
Après un très long silence imposé par le chef à l’issue du concert, le public nombreux de la Basilique, touché par cette œuvre à la fois monumentale et profondément humaine, applaudit chaleureusement les artistes.