Poésie, mélodies et voix : triple hommage à Fauré par l'Académie de l'Opéra de Paris
À l’occasion du centenaire de sa disparition, Fauré, ses mélodies et ses successeurs dans cette veine poétique et musicale (Roger Ducasse, Nadia Boulanger ou Charles Koechlin) est à l’honneur du programme de ce récital, accueillant le public nombreux dans une certaine intimité. Les pièces programmées mettent en musique poèmes inspirés, dont certains de Verlaine ou de Hugo.
La soprano Lisa Chaïb-Auriol est la première à faire entendre sa voix pleine de fraîcheur et de charme, tout à fait à propos. Captivante par sa présence, elle parvient à transmettre la tendresse des mélodies. La palette de ses nuances se veut subtile, ne jouant pas de contrastes mais plutôt de progressions naturelles, passant de son médium tendre à ses clairs aigus notamment par des attaques posées avec grand soin et douceur.
La mezzo-soprano Sofia Anisimova dans sa robe étincelante aux reflets or et diamants, propose pourtant une présence tout en retenue. Cette sobriété expressive apparente trouve son pendant dans de déchirantes déclarations (telle la Sérénade toscane de Fauré sur un poème de Romain Bussine). Le texte est porté avec soin par la voix possédant un certain moelleux et une lumière tendrement tamisée surtout dans ses aigus (les graves mériteraient davantage de texture). Bien que contrastant par leur présence scénique, les deux chanteuses mêlent savamment et délicatement leurs voix dans deux duos dont la frétillante Tarentelle, poème de Marc Monnier, qui se finit par une souriante joute de vocalises.
Le ténor Kevin Punnackal met en lumière de petits bijoux de Nadia Boulanger de son timbre assez chaleureux. Ses nuances sont recherchées avec soin et permettent une interprétation, sur un fil délicat, de Soleils couchants (sur un texte de Paul Verlaine), avec une très appréciable conscience du phrasé, un souffle long et soutenu. La couleur de son timbre n’a néanmoins pas toujours la souplesse souhaitée : presque trop belle dans Le Couteau, sur un texte expressément vernaculaire de Camille Mauclair, la voix est un peu raide dans les lignes d'Au bord de l’eau, sur un poème de Sully Prudhomme mis en musique par Fauré. Mais il ne manque pas de convaincre par l’intensité maîtrisée de son interprétation.
Le baryton-basse Ihor Mostovoi présente un timbre à la texture très moelleuse avec une once de noirceur qui lui apporte une juste profondeur. Ses propositions de couleurs, variant selon ses registres, sont amenées avec une certaine finesse, parvenant à captiver lors des mélodies de Koechlin, particulièrement Épiphanie (texte de Leconte de Lisle), dans lequel sa gestuelle ajoute à son investissement physique, tout à fait poétique.
Les chanteurs sont accompagnés par deux pianistes qui alternent, eux-mêmes artistes de l’Académie. Mariam Bombrun propose beaucoup d’intéressantes couleurs, avec d’intelligentes et efficientes progressions de phrasés, tandis que Paul Coispeau fait minutieusement entendre un touché aux couleurs claires.
Les quatre chanteurs offrent en mélodie finale la préciosité du quatuor vocal Madrigal de Fauré, où jeunes filles et jeunes gens chantent la douce folie d’aimer. Devant un public absolument enchanté, les deux chanteuses offrent en bis la Tarentelle, comme un ultime feu d’artifice à cette soirée pleine de délicatesse et de profondes beautés.