20 ans d'Opera Fuoco en gala au TCE
La Compagnie Lyrique Opera Fuoco et l’orchestre sur instruments d’époque qui l’accompagne furent fondés en 2003 par le chef d’orchestre David Stern. Depuis cette date, Opera Fuoco accompagne des jeunes solistes vocaux dans leur formation et leur perfectionnement, leur entrouvrant le chemin, au début de leur carrière. C’est au sein de ce creuset déjà imposant que David Stern -qui vient de lancer pour trois années nouvelles la sixième génération de jeunes bénéficiaires- a naturellement choisi de puiser pour animer ce concert de gala. Toujours attentif au répertoire ancien et aux raretés, il a divisé le programme en trois thématiques distinctes : "Flammes Baroques" (airs de Marcello, Telemann et Haendel), "Feux Classiques" (de Haydn à Mozart), "Ardeurs Romantiques" (Simon Mayr, Rossini, Bellini, Gounod et Offenbach).
Hélas, victimes d’un refroidissement soudain, Adèle Charvet et Vannina Santoni ont été contraintes de se retirer au dernier moment du programme initial au profit de la soprano ukrainienne Iryna Kyshliaruk et de Karine Deshayes qui, toujours partante et décidément infatigable, a vu ses interventions se démultiplier. Il faut avouer que celle-ci domine la soirée par sa complète maîtrise vocale, sa virtuosité basée sur une technique mise pleinement au service de la musicalité, son engagement dans chaque air et chaque personnage. "Dopo notte" de l’Ariodante de Haendel, où elle remplace Adèle Charvet, peut paraître un peu grave pour elle, mais tout comme dans l’air de Rosine du Barbier de Séville, rehaussée d’une ardeur communicative, Karine Deshayes ne cesse jamais de surprendre, et surtout de transmette son bonheur de chanter à l’auditeur.
Ces qualités font encore partiellement défaut chez les autres interprètes, mais il est vrai que le chemin est long et quelquefois douloureux pour y parvenir. Ainsi, Axelle Fanyo aborde-t-elle Telemann puis Mozart avec une véhémence certaine, mais sans faire la place au déploiement du sentiment. La voix de Chantal Santon-Jeffery manque un peu de pulsion et de diversité dans les couleurs baroques, puis dans la Romanza de L’Amor conjugale de Giovanni Simone Mayr où Olivier Gourdy lui offre une réplique assurée. Natalie Perez pour sa part, au-delà d’une voix de mezzo de caractère au timbre chaleureux, ne parvient pas vraiment à animer la très longue scène de Bérénice de Joseph Haydn. Cyrielle Ndjiki Nya prête sa longue voix mordorée aux aigus lumineux à l’air de "D’Oreste, d’Aiace" tiré de l’Idomeneo de Mozart. Elle possède un réel tempérament, qui rend sa prestation passionnante de bout en bout dans ce morceau semé d’embûches.
La soprano Irina Kyshliaruk, sans démériter, ne déploie pas l'éclat d’I puritani. Le ténor Léo Vermot-Desroches déploie en Roméo (Roméo et Juliette de Gounod) des moyens déjà affirmés, une diction française modèle et un aigu radieux. Il ne lui reste plus qu’à mûrir un peu pour affronter le rôle à la scène. La fameuse Barcarolle des Contes d’Hoffmann réunit comme souvent l’ensemble des interprètes. À eux viennent aussi se joindre pour une large scène des Noces de Figaro d’autres élèves et interprètes, ainsi que Laurent Naouri (qui intervient régulièrement au sein de la formation dispensée par Opera Fuoco) pour quelques mesures mesurées du Comte.
Placé sous la baguette de David Stern, l’orchestre, après une entrée un rien difficile dans l’ouverture d’Arianna de Benedetto Marcello, s’améliore peu à peu durant la soirée pour parvenir au meilleur avec Offenbach et Mozart, avec une rondeur du son et une implication complète de l’ensemble des pupitres.
Le public du Théâtre des Champs-Elysées marque bruyamment sa satisfaction.