Trio de choc au Festival lyrique de la Sainte-Chapelle
Le programme interprété par ces voix françaises rend hommage aux compositeurs nationaux (et aux airs d'amours, passionnels comme fraternels), des Pêcheurs de perles à l'honneur de tout le début de ce concert, jusqu'au Trio final de Faust (point d'orgue de lyrisme et de complicité musicale même amusée entre ces trois voix lyriques).
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Le baryton Alexandre Duhamel fait d'abord preuve d’une présence vocale retenue, mais l'auditeur réalise bientôt qu'il s'agit d'une décision artistique (visant notamment à associer son collègue ténor dans l'espace acoustique nécessaire). Cette modération initiale laisse en effet rapidement place à une démonstration vocale : de sa riche tessiture, au timbre dense et intense. Alexandre Duhamel navigue ainsi avec aisance à travers un éventail dynamique allant du murmure le plus délicat au crescendo le plus puissant, sans jamais compromettre la qualité de son timbre (riche mais net). Il dévoile même ce soir son travail de Scarpia, entonnant son “Te Deum”, d'autant plus saisissant et particulièrement ici en cette Sainte-Chapelle, pour s'annoncer dans la peau de ce terrible personnage qui profane le Sacré et ses autels (pour en faire de même avec Tosca).
Valentin Thill semble même s'inspirer de cette incarnation dans ses propres inspirations, profondes et perceptibles, ainsi que sur son visage animé d'expressions vivantes, naviguant entre les airs et les émotions avec aisance. Sa voix n'en illumine par moins la coupole en Nadir, dans une brillance qu'il conserve pour les duos aux côtés de Fabienne Conrad : Roméo et Juliette, Manon et Des Grieux sont douceur et délicatesse, la voix de l'hôtesse de la soirée sachant se faire tendre et aisée, dynamique toujours (qu'elle chante ou qu'elle présente, en français et en anglais, la soirée, les artistes, le lieux, l'Art). Glissant sur les mélodies avec aisance et clarté, elle sait particulièrement installer et entrelacer son timbre avec celui du ténor, pour s'élever en épais faisceaux.
Dorothée Bocquet traduit au piano la richesse des contrastes musicaux, creusant dans son clavier la passion, mais avec la précision et la fluidité de la ligne du toucher : avec un usage modéré de la pédale mais aussi du volume sonore, pour ne pas couvrir les voix a fortiori dans une acoustique de chapelle.
L'accueil chaleureux du public se manifeste par des applaudissements enthousiastes et persistants, ainsi que par leur réticence à partir, avant que de quitter ces lieux...