Un nouveau Chant de la Terre, version TM+ à l’Opéra de Massy
En résidence de création à l’Opéra de Massy, l’Ensemble TM+ y présente sa toute dernière production, créée il y a quelques jours au Théâtre national de Nice dans le cadre du Festival du Printemps des Arts de Monte-Carlo. Cette re-création reprend les poèmes du Chant de la Terre (cycle de Lieder de Gustav Mahler). Ces poèmes chinois avaient été traduits en allemand (par Hans Bethge), puis repris par Mahler, ils sont ici en français et la musique est composée par Laurent Cuniot qui ajoute deux extraits des Poèmes à la nuit de Rainer-Maria Rilke. Il puise ainsi dans le terreau expressif de ces textes qui prennent une teinte plus éthérée et en résonnance (d'autant plus avec la vitalité qui parcourt les textes originels).
Dirigeant en personne et d’une gestuelle très souple et rebondie, telles des vagues, Laurent Cuniot (également Directeur musical de TM+ depuis 1986) conduit et déploie la texture très minutieuse (mais aussi, souvent, très dense) des seize instrumentistes. Le résultat sait se faire assez oppressant lors de la « Chanson à boire de la douleur de la terre », très justement tournoyante et même confuse pour illustrer à la fois l’ivresse et le désespoir. La musique sait aussi bien se faire douce voire évanescente, jouant ainsi des contrastes sans jamais brusquer. Le son d'ensemble est travaillé dans une cohérence de timbres qui se juxtaposent, se complètent et se substituent même parfois, entre ceux des instruments et ceux des voix. Si l’absence d’une mélodie clairement définie peut éprouver un peu l’écoute, la musique se fait figuraliste : illustrant l'expression des textes, accompagnant ses images. Les timbres des instruments se mêlent et se suivent ainsi, avec une palette élargie de leurs possibilités (glissandi, pizzicati, respiration dans les instruments à vent…). La précision des rythmes et des nuances est également au rendez-vous, offrant des passages tempétueux ou bien d’autres tout à fait dansants comme dans « La Beauté » où s’alternent ces passages figuratifs entre les jeunes filles qui cueillent des fleurs de lotus, aux allures de valse lente, et la jeune et galante compagnie galopante, avec des rythmes plus soutenus.
La mezzo-soprano Pauline Sikirdji fait immédiatement entendre une interprétation soignée et subtile de ces poèmes, autant dans les nuances que dans la souplesse de ses lignes. Sollicitée dans les extrêmes de ses registres, elle y porte une attention maîtrisée tout en conservant sa liberté expressive avec une aisance apparente. Lumineuse dans ses aigus, elle a des graves chaleureux bien qu'un peu moins sonores. Le ténor Benjamin Alunni, annoncé souffrant, voit en effectivement ses aigus manquer d'énergie et de stabilité. Néanmoins, il défend son chant par une douceur bienvenue, des phrasés élégants (quoique légèrement courts), et un timbre faisant preuve d’une certaine homogénéité et de rondeur.
Les lumières de Christophe Schaeffer ajoutent aux effets scéniques, jouant des teintes froides ou chaudes, tamisées ou jusqu’à devenir tout à fait aveuglantes juste avant la phrase finale « A jamais… » et un noir complet.
De cette soudaine obscurité surgissent les applaudissements du public massicois, charmé par cette nouvelle mise en musique de poèmes qui, encore aujourd’hui et redécouverts sous une nouvelle lumière, gardent toute leur saveur.