Bach & Breakfast au Centre de musique de chambre salle Cortot : un beau dimanche musical et accueillant
Le Bach&Breakfast est une très belle initiative de démocratisation musicale, ouverte à tout le monde, y compris celles et ceux qui se croient dotés d'une voix de casserole. Être un chanteur du dimanche est même recommandé puisque c'est le jour de la semaine choisi une fois par mois par le Centre de Musique de Chambre pour proposer un petit-déjeuner avec café, croissant, cantate. Indéniablement, cette entreprise réjouissante est un succès : les participants sont très nombreux -les têtes blondes côtoyant les tempes grisonnantes- et tous ont un plaisir visible et contagieux à travailler, répéter et chanter en compagnie d'un ensemble complet de choristes et d'instrumentistes professionnels.
Bach & Breakfast (© Thibault Prioul / Centre de musique de chambre de Paris)
Le public-interprète est tout d'abord préparé par le chef de chant Ariel Alonso. Au menu, mise en état de concentration et de relaxation, échauffement corporel et vocal (notamment en trottant comme le cheval) dégustation (imaginée) d'un plat délicieux pour affûter les résonances buccales par le son bouche fermée qui s'appelle moïto. Il s'agit ensuite d'imiter le son de l'aspirateur de salive chez le dentiste pour bien prononcer le "ch" léger et chuintant de l'allemand baroque.
Puis, vient le chant. Le public suit d'abord la ligne mélodique sur les partitions qui lui ont été distribuées, mais bien vite il lève les yeux vers le fond de scène où la portée musicale est projetée. Le son est ainsi d'autant mieux projeté, non pas vers le bas mais dans toute la salle Cortot aux chaudes boiseries. D'autant que l'émulation d'un grand groupe et le travail ludique du chef lèvent toutes les inhibitions vocales. Comme dans tous les grands chœurs, les voix appuyées de piccolos des sopranos surnagent (d'autant que l'extrait de cantate choisi est dans un registre aigu, atteignant même le sol au-dessus de la portée).
Bach & Breakfast (© Thibault Prioul / Centre de musique de chambre de Paris)
Les choristes ayant bien répété leur ligne, entrent alors l'orchestre et la Maîtrise de Saint-Christophe de Javel (direction Gérald de Montmarin). Le chef du concert, Jérôme Pernoo, propose un exercice de style, enchaînant différentes nuances et intentions afin que l'auditoire adapte son chant. Après une explication de texte retraçant les différents épisodes et sentiments de la Cantate BWV 93 "Wer nur den lieben Gott läßt walten" ("Celui qui laisse Dieu régner sur sa vie"), les musiciens l'interprètent en entier.
Bach & Breakfast (© Thibault Prioul / Centre de musique de chambre de Paris)
À l'entrée des solistes, le chef quitte son pupitre, troque sa baguette pour un archet et s’assoit afin d'accompagner le chant avec son violoncelle, offrant une basse continue avec l'harmonium puis la contrebasse. Le baryton soliste Hiroshi Hamada est impliqué dans son interprétation. La noblesse définit son port et sa voix, à la mesure de la salle et qu'il sait alléger dans les aigus. Le public applaudit la fin de cette partie solo (ce qui n'est certes pas la coutume, mais tant pis et tant mieux pour cette spontanéité). Le ténor Sébastien Obrecht maîtrise une projection sonore dans le médium. Son chant appuyé sert dans l'aigu mais relève d'un engagement remarquable. La contralto Blandine de Sansal et la soprano Shiho Tajiri suivent avec application la partition qui exige d'elles une bonne mise en place et articulation (afin de révéler la subtile architecture du contrepoint).
Bach & Breakfast (© Thibault Prioul / Centre de musique de chambre de Paris)
Point culminant, et même point d'orgue de l'exécution, les 250 membres du public entonnent le morceau appris en compagnie des musiciens. Certes, la ligne principale chantée avec tant de choristes et d'enthousiasme fait disparaître les contrechants sublimes de Bach, mais la joie matinée d'application rend le moment délicieux. Traditionnellement, les musiciens aiment bien faire participer le public lors des bis : pour cela l'exercice du Bach & Breakfast est parfait, le public reprend deux fois supplémentaires le final et salue la matinée par des applaudissements chaleureux.
Nombre des spectateurs ravis de cette activité dominicale se font la promesse : "Je reviendrai", ce qui se traduirait en anglais par "I will be Bach"... prochaines séances le 26 février et le 26 mars.