La monarchie britannique en musique et en majesté à l’Opéra de Massy
Le 6 juin 2023 en l'église catholique Saint James de Londres, le désormais Roi Charles III faisait l’une de ses premières sorties officielles à l’occasion d’un concert du Concert Spirituel intitulé « God Save the King! ». Un titre de circonstances pour un programme qui se donnait déjà en 2021, qui ne se voulait donc pas prémonitoire mais en hommage aux temps de Haendel.
En introduction des quatre Coronation Anthems, composés pour le couronnement du roi George II le 11 octobre 1727, la majesté britannique reste évidemment à l’honneur avec le spectaculaire Dettingen Te Deum.
Dans sa toujours aussi subtile et désopilante présentation du contexte du programme (d'un Allemand ayant étudié en Italie pour un roi Anglican), Hervé Niquet rajoute donc aussi au public de l’Opéra de Massy sa rencontre royale avec Charles III (« qui est un ami ! »).
A real treat to hear Handels thrilling Coronation Anthems played by Le Concert Spirituel at St Jamess Spanish Place tonight in the presence of HM King Charles III exactly a month after his Coronation. Chapeau! pic.twitter.com/78MunKrUoU
— Peter Leon (@petersgleon) 6 juin 2023
Les artistes du Concert Spirituel s’emparent des œuvres avec une pleine énergie, et dans une disposition assez inhabituelle, orchestre et chœur se faisant face, le premier à jardin avec les cuivres et percussions au fond, le second à cour. Ce choix compose un efficient équilibre sonore avec une concrète mise en égalité des groupes sur le plateau. Les instrumentistes bénéficient de la vivacité de leur premier violon Augustin Lusson, les cordes ne manquant ainsi jamais ni d’agilité ni d’animation. Les oreilles souvent éprouvées par la difficulté des trompettes naturelles ont ici de quoi se réjouir, les quelques légers déraillements ne faisant pas oublier le timbre éclatant aux couleurs solennelles de ces musiques royales. L'ensemble accompagne même les mouvements les plus fins par des harmonies qui frottent tendrement l’oreille.
Les artistes du chœur ne font pas preuve d’une grande homogénéité, l’auditeur pouvant distinguer presque chacune des appréciables voix des 23 chanteurs, avec aussi quelques légers défauts dans la fin des phrases (pour les paroles). Toutefois, les phrasés (musicaux) partagent des intentions et des attentions dans leur conduite.
Sans exubérance gratuite, la majesté ne fait pas défaut notamment lors du célèbre « Zadok the Priest », bénéficiant d’une parfaite régularité de tempo, avançant dans une solennité néanmoins vivante. Partageant une certaine complicité avec ses musiciens, Hervé Niquet montre sa direction caractéristique et même unique, alliant maîtrise et sensibilité avec équilibre, par une gestuelle étonnamment droite dans les bras, mais assouplie par ses mouvements de poignets.
Le public unanimement enthousiaste a droit en bis à de la "musique française", composée par un Italien (bien que la paternité attribuée à Lully soit très discutée)... de la musique française d'origine donc, et qui n'est autre que l’hymne national britannique, God Save the King. Quelques spectateurs ne peuvent s’empêcher de joindre leurs voix à ce moment touchant par sa sobriété patriotique. Le maestro le dit lui-même : « Bravi tutti ! »