La fureur d’aimer avec Marina Viotti à Aix-en-Provence
Le programme s’avère à la fois éclectique et thématique. Un florilège d'airs d'opéras et d’intermèdes instrumentaux prennent l’amour pour cible, depuis Éros jusqu’à Thanatos. Ils sont offerts à un public venu fêter une Saint-Valentin collective en musique : avec Chérubin le taquin, Alceste, Orphée l’endeuillé, Dalila la diva, Carmen ou encore la Favorite, au timbre cuivré.
La présence scénique de Marina Viotti est travaillée depuis sa formation en musique Heavy Metal (transparaissant dans le vêtement, cuir noir de geai en première partie, fourreau au dos plongeant en seconde). Ses interventions punchy mêlent informations tant sur le programme que sur l’amour et la vie d’une femme, Saint-Valentin oblige.
Du rock au baroque
La prosodie est aussi punchy et précieuse, grâce au débit du souffle, placement de la voix, projection et diction. Son legato, jamais ampoulé, relie dans la clarté sonore les accents de phrases propres à la langue de Molière, tandis que les vocalises s’ornent d’un subtil staccato (piqué). La mezzo lance ses lignes vocales, bien construites, vers les cimes et les fait atterrir sur le coussin de ses graves, ourlés de résonance. Parfois, les lignes paraissent s’enrouler autour des archets les plus proches, dont elle préfigure les glissandi (Mon cœur s’ouvre à ta voix, Saint-Saëns). Seul son medium, se tenant au côté de la voix parlée, est parfois recouvert par les graves grondements de l’orchestre.
La direction, rondement menée, de Jérémie Rhorer, à la tête du Cercle de l’Harmonie, s’impose soudainement, telle une explosion d’énergie, aux mouvements précis, travaillant l’espace dédié à la baguette dans l’infiniment petit et l’infiniment grand. Gestes centrifuges et centripètes se déterminent mutuellement, comme les polarités d’une batterie électrique, reliant par des ondes invisibles les protagonistes du plateau. Le chef, de concert avec son ensemble, adapte à la vocalité boisée de la chanteuse, les tutti et les soli, en premier lieu le sable chaud de la flûte (Gluck), l’orientalisme de la clarinette (Saint-Saëns), l’archet épidermique du violon ou encore la mousse claire de la harpe (Thaïs de Massenet).
Le public, baigné d’une vibrante lumière rouge, bat la chamade avec ses mains, après avoir obtenu deux bis : l’insaisissable Cenerentola de Rossini, puis l’indomptable Carmen de Bizet.