Au TCE, une pas si Petite Flûte, pour les petits et pour les grands
C’est désormais une tradition : le Théâtre des Champs-Élysées propose chaque saison une production participative à son jeune public. Cette fois, c’est donc La Flûte enchantée qui est proposée dans une version pour orchestre réduit, traduite en français et limitée à une heure de musique pour s’adapter aux plus jeunes. Dans ces spectacles, tout commence avant le lever du rideau : la cheffe de chœur Eléonore Le Lamer prépare en effet d’abord le public à ses interventions. Son discours, mené avec beaucoup d’humour, est très adapté aux enfants comme aux adultes, entre clowneries, mime et stand-up.
Comme Tamino est un prince égyptien (et que le public français a découvert l’œuvre en 1801 sous le titre Les Mystères d’Isis), Julie Depardieu croise pour sa mise en scène ces origines (Pamina ressemble à Cléopâtre, avec perruque de pharaon) avec l’idée du conte pour enfant. Ainsi, les membres du clan de la Reine de la nuit deviennent-ils des félins dont les ombres (pensées par Joël Fabing) évoquent Bastet, la déesse de la musique, protectrice de l’humanité, qui a une tête de chat. Dans cet esprit, Sarastro prend les traits de Thot, dieu de la sagesse au visage d’ibis. Monostatos est quant à lui dépeint en crocodile… du Nil probablement, qui rappelle Sobek, le demi-frère de Thot. Finalement, les enfants retiennent surtout les beaux costumes de David Belugou, plus que ses décors, assez simples et sous-exploités.
Bien qu’annoncé malade, Fabien Hyon fait bon usage de sa voix fine, riche et claire de ténor en Tamino, et cisèle son phrasé avec subtilité.
Quelques semaines avant les Victoires de la Musique Classique où elle concourra dans la catégorie Révélation lyrique, Lauranne Oliva (Pamina) ressort par sa voix souple à l’assise déjà mature et au timbre velouté, et par le soin apporté à sa diction et à ses nuances.
Adrien Fournaison remporte un vrai succès public en Papageno, accompagné de son « glocken-truc ». À l’aise scéniquement, il fait rire les enfants tandis que sa voix au timbre brillant remplit mieux que les autres cette salle qu’il a déjà fréquentée assidument.
Anne-Sophie Petit ne fait qu’une bouchée des vocalises de La Reine de la Nuit, qu’elle interprète avec précision et agilité, d’une voix certes encore trop restreinte pour la taille du Théâtre. Le fait que ses paroles soient traduites en français l’incite à un jeu plus en lien avec le sens du texte que les interprétations habituelles.
Si la voix d’Olivier Gourdy manque encore de noirceur en Sarastro (il atteint les graves extrêmes avec justesse mais sans cacher la difficulté de l’exercice), il la conduit avec noblesse d’un beau timbre voisé.
Louise Pingeot assume les rôles de Papagena (très drôle en momie) et de Première Dame d’une voix rougeoyante, qui gagne en vigueur au fil du spectacle.
Charlie Guillemin met son habituelle verve théâtrale au service d’un Monostatos obséquieux et tremblant, et altère sa voix bien émise pour évoquer la méchanceté du personnage.
Preuve de l’ambition de cette production, ce sont les musiciens de l’ensemble Les Siècles que dirige Joël Soichez (qui officiait déjà in loco en 2018 dans la version participative du Barbier de Séville). L’arrangement opéré par Robin Melchior fonctionne tout à fait et l’orchestre, dynamique, ne paraît pas si réduit : au point que plusieurs chanteurs se trouvent parfois couverts.
Pendant tout le spectacle, les enfants participent avec enthousiasme et application, parfois même de manière inattendue (comme durant l’épreuve du feu), avant de réserver leurs cris et leurs applaudissements aux artistes, qui dansent sur la scène jusqu’au baisser de rideau.
Le verdict des enfants est sans appel : les pouces levés et des « C’était super ! » qui fusent.