Les Épopées d'Alceste à Versailles
Dans ce deuxième opéra de Jean-Baptiste Lully, créé en 1674, Alceste accepte de se sacrifier pour Admète. Alcide (Hercule) va la chercher aux Enfers pour la faire sienne mais rend Alceste à Admète devant leur amour si intense.
Véronique Gens incarne l'héroïne pleinement, même en version de concert, d'une interprétation libre et incarnée (s'émancipant des partitions et pupitres). Son timbre léger et placé est enrichi par des vibratos subtils, ajoutant une dimension expressive à l'ensemble, le tout présenté avec une diction modèle.
Nathan Berg offre sa profondeur de baryton-basse, caractérisée par un timbre rond et fourni. Sa capacité à descendre relativement bas dans sa tessiture sans sacrifier la puissance témoigne de sa maîtrise technique. Incarnant Alcide, il dégage une grande présence et une prestance scénique, renforçant l'impact de son interprétation.
Cyril Auvity livre une interprétation touchante et sincère d'Admète, caractérisée par un timbre léger mais riche. Sa voix, bien que délicate, porte une profondeur et une expressivité résonnant avec la sincérité de son interprétation (notamment dans les adieux).
Guilhem Worms incarne Lycomède, Charon et un homme désolé. Il installe son grand coffre vocal, caractérisé par une abondance de souffle et une puissance sonore remarquée. Sa voix investit aisément toute la salle, sans la moindre difficulté. La maîtrise de sa ligne est évidente, et il manipule habilement les sonorités en ajustant la position de sa mâchoire. Il sait aussi offrir des aigus surprenants, bien que légèrement voilés.
La voix de soprano de Camille Poul (Céphise, La Nymphe des Tuileries) se distingue par son caractère feutré, son timbre voilé créant une atmosphère enveloppante, tandis que ses moments plus perçants ajoutent une dynamique vibrante à son chant. Sa collègue Claire Lefilliâtre (La Gloire, Une Femme affligée) présente une voix riche et colorée, avec une excellente diffusion sonore et une sonorité pleine.
L'expressivité de Léo Vermot-Desroches transparaît dans la richesse des nuances et une habileté de jeu au service des personnages de Lycas, Phérès, Alecton et Apollon. Il joue en outre avec les variations subtiles de ton et d'intensité, sa voix puissante résonnant avec ampleur.
Geoffroy Buffière offre un timbre de basse léger aux rôles de Cléante, Straton, Pluton et Éole. Bien qu'il peine parfois à atteindre les notes graves de sa tessiture, sa voix s'épanouit avec aisance dans les médiums et les aigus.
Juliette Mey, mezzo-soprano qui incarne Proserpine, Diane, Thétis et la Nymphe de la Marne, se distingue par des aigus éclatants. Son vibrato puissant installe sa maîtrise à travers l'ambitus.
Cécile Achille (Nymphe, Ombre et Nymphe de la Seine), dispose d'un soprano clair et d'un timbre léger. Son chant s'élève avec naturel, tout en délicatesse.
Le Chœur de l'Opéra Royal de Versailles préparé par Lucile de Trémiolles joue un rôle crucial en renforçant de manière notable la teneur émotionnelle des scènes. Leurs voix habilement agencées soutiennent la narration et la passion du drame, tout en ponctuant les émotions et caractères des différentes scènes.
Stéphane Fuget insuffle une énergie dynamique dans sa direction, guidant avec agilité ses musiciens. Ses mouvements sont à la fois souples et amples, impliquant tout son être, et l'expression musicale trouve une résonance profonde à travers sa maîtrise de la respiration. Engagé de manière proactive dans la direction des chanteurs, il montre aussi combien il connaît les paroles en les énonçant silencieusement, renforçant ainsi la connexion artistique entre la direction et l'interprétation vocale.
L'orchestre "Les Épopées" sur instruments historiques délivre avec fierté chaque note de la partition, tandis que les musiciens lorsqu'ils ne jouent pas en profitent pour se tourner vers le plateau, s'immergeant ainsi dans le spectacle. Les regards sont sinon constamment fixés sur le chef d'orchestre, pour suivre l'exploration subtile et commune des nuances, culminant dans des effets de masse saisissants.
La réception du public est empreinte d'un enthousiasme contagieux, redoublé devant le triomphe de l'amour en de chaleureux applaudissements.