Trois contre-ténors flamboyants à l’Opéra Royal de Versailles
Le répertoire des castrats, véritables « stars » à l’époque baroque est perpétué par les contre-ténors, et l’Opéra Royal de Versailles qui invite à replonger dans leur âge d’or, également en revivifiant une tradition : celle des concours de virtuosité (prétexte avant tout à de grands concerts pyrotechniques, vocalement parlant).
Étincelant, en strass noir surmonté d’une longue veste noire sans manche puis d’une veste blanche à cape, le sopraniste Bruno De Sá attaque avec L’Olimpiade de Vivaldi dans un tempo vertigineusement rapide. Il ne manque pas d’impressionner par son agilité précise des vocalises, soutenue par un long souffle et des aigus aussi éclatants que limpides (tout en offrant également de savoureux graves). Sa cadence, interprétée avec une espièglerie non dissimulée, déclenche déjà de chaudes acclamations du public. Il sait aussi affiner ses phrasés avec émotions (pour Germanico in Germania de Porpora).
Le jeune Théo Imart montre une voix alliant contre-ténor et sopraniste grâce à des aigus puissants qui transpercent autant qu’ils caressent. Vêtu "simplement" (à côté de ses collègues), d’un élégant smoking bleu sombre, il se montre plus retenu dans sa gestuelle sans manquer toutefois d’une intense expressivité émotionnelle surtout dans le regard, captivant ainsi son auditoire. Ses graves se font moins présents et son soutien ne lui permet pas encore des vocalises toujours très ciselées, mais il dessine sa bravoure par la grande clarté de son timbre.
Le public versaillais avait découvert Nicolò Balducci l’année dernière, à l’occasion d'un même concours de virtuosité, en la Galerie des Glaces, en invité surprise, et se réjouit de retrouver sa grande aisance scénique et vocale. Se déplaçant volontiers sur la scène, il se montre très libre et très expressif dans sa gestuelle et son expressivité faciale. Vêtu d’un smoking au revers de strass étincelant, le contre-ténor italien chante avec élégance et surtout une séduisante malice Griselda de Vivaldi. Il ne manque pas non plus de déployer son agilité vocale portée par un souffle long et très soutenu. Son timbre souple avec une touche de rondeur reste au service de son jeu poignant. Jouant d’acrobaties vocales, il emporte aisément l’adhésion du public qui se montre tout autant charmé par l’émotion d'Ariodante de Haendel.
Les artistes partagent quelques airs en duo, avec une liberté moindre car accrochée à leur partition. Mais la complicité brille justement dans les démonstrations vocales, avec cette "rivalité" davantage amicale et musicale.
Ils peuvent compter sur l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles dirigé du violon par Stefan Plewniak. Extrêmement vifs, offrant des contrastes dramatiques saisissants grâce à des élans tempétueux, les instrumentistes savent aussi créer des nuances très tendres. Tout en impulsant des tempi particulièrement alertes, l’ensemble reste attentif aux intentions des jeunes solistes et les soutient avec une grande précision.
En remerciement des nombreux bravi qui fusent du public, les artistes offrent plusieurs bis dont le tendre "Pur ti miro" et même, pour faire plaisir au public français, un joyeux écart avec la « Danse des Sauvages » des Indes galantes de Rameau, dont seul le refrain est chanté mais soulevant de nouvelles acclamations d’un public ébloui par tant de virtuosité, par une jeunesse si talentueuse.