Reinoud Van Mechelen, bouillonnant Atys à l’Opéra de Versailles
Christophe Rousset connait bien son Lully, et Atys (sur un livret de Quinault) est le onzième volet d’une intégrale des opéras du maître français commencée il y a plusieurs années. Cependant, il entretient une relation particulière avec cet opéra, et ce depuis la fameuse production William Christie & Jean-Marie Villégier en 1987 dans laquelle il assurait le continuo au clavecin (Jean-Marie Villégier qui vient de s'éteindre, au lendemain -littéralement- de cet Atys à Versailles).
Afin de pouvoir aussi s’affranchir de cette version de référence, Christophe Rousset a préféré attendre avant de l’aborder et c’est riche de ses expériences Lulliennes et conseillé par le Centre de Musique Baroque de Versailles, qu’il livre son interprétation dans un enregistrement et une version de concert.
Il peut compter sur l’expertise des Talens Lyriques, fidèles complices, pour restituer ses intentions musicales et délivrer les pages orchestrales avec à la fois une précision d’orfèvre et un geste musical ample. La musique semble couler naturellement dans des phrasés équilibrés qu’aucune saillie n’entrave : la flûte piccolo s’intègre au son d’ensemble, les battements de guitare demeurent discrets et les effets dramatiques résident dans des suspensions et des silences éloquents.
Les détails sont confiés aux chanteurs avec une attention particulière au texte et une riche ornementation. Dans cet objectif, le casting des solistes demeure une priorité pour Christophe Rousset car « L’interprétation d’un opéra tient beaucoup à la personnalité des chanteurs, qui donnent une nouvelle vie aux personnages qu’ils incarnent », dixit.
Reinoud Van Mechelen prête sa voix de haute-contre (ténor aigu) au rôle-titre qu’il investit dramatiquement avec passion. L’ardeur de son interprétation ne faiblit jamais et il capte aussitôt l’attention de l’auditoire qui ne demanderait pas mieux que d’accourir pour accueillir la déesse Cybèle (« Allons, allons, accourez tous ! »). Sa voix assurée et chamarrée exprime la violence de sa colère dans une projection impressionnante et il demeure bouillant dans l’expression de son amour, seule sa mort révélant des piani (visiblement irrésistibles).
La soprano Judith van Wanroij incarne la déesse Cybèle et son timbre chaleureux orné d’un doux vibrato sied davantage à l’amoureuse (d’Atys) qu’à la respectueuse divinité. La tessiture centrale du personnage n’avantage pas la chanteuse qui peine quelque peu à rendre l’intensité de sa passion et la grandeur du rôle. Cependant, elle livre avec émotion son « espoir si cher et si doux ».
Céline Scheen prête sa voix de soprano aux rôles de Flore et de Sangaride avec une grande sensibilité et un investissement constant. Variant son vibrato, elle colore son chant subtilement. Néanmoins, son élocution manque de clarté et le public doit avoir recours au surtitrage pour suivre ses états d’âme.
Les sopranos Apolline Raï-Westphal (Melpomène et Melisse) et Gwendoline Blondeel (Iris et Doris) délivrent le texte dans une grande limpidité, l’accroche vocale de la première induisant un timbre brillant et la simplicité d’émission de la deuxième faisant valoir toute l’humanité du personnage.
La fameuse scène du sommeil est confiée au ténor Kieran White qui invite à dormir sur des tenues délicates que son timbre défini et très proche de la nasalité fait planer au dessus des mélismes des flûtes. Ses acolytes, les ténors Nick Pritchard en Morphée, Antonin Rondepierre en Phantase et le baryton Olivier Cesarini en Phobétor rivalisent de douceur dans un trio hypnotique saisissant. Ce dernier, cependant, projette difficilement sa voix lorsqu’il interprète le fleuve Sangar, son invitation à chanter, danser et rire étant davantage sur le ton de la confidence.
Le roi Célénus est interprété par le baryton Philippe Estèphe dans une posture plus sensible que royale. La puissance modérée de sa voix est comblée par un timbre centré, des aigus aisés et une diction irréprochable. Le baryton Romain Bockler (en Idas) délivre clairement ses conseils à Atys de sa voix définie aux graves sonores.
Le Chœur de chambre de Namur évolue dans un équilibre propice à l’intelligibilité du texte et à un son d’ensemble lumineux et rutilant. Le baryton Vlad Crosman sort du rang pour interpréter un songe funeste avec autorité.
« Atys est trop heureux » et le public l’est également en ovationnant les artistes avant d’être invité à une séance de dédicace de Christophe Rousset et Reinoud Van Mechelen de l’enregistrement de l’opéra pour le label Château de Versailles Spectacles.