La Grande-Duchesse de Gérolstein règne sur l'Odéon de Marseille
Les décors de Loran Martinel campent dès le lever du rideau un extérieur champêtre agrémenté d’une tente militaire et d’un étendoir à linge. Ce lieu deviendra festif pour le mariage de la Grande Duchesse, lors du finale où les flûtes de champagne seront à l’honneur.
À l’intérieur du château de la Grande Duchesse, les complots se succèdent. Un mécanisme dissimulé dans une toile de maître permet l’ouverture d’un passage secret, qui mène à la chambre des amours cachées. Un lit à baldaquin tremble des émois de Fritz et Wanda. En fond de scène sont projetés en alternance, le plan du duché de Gérolstein et celui du château.
Les "costumes de l’Opéra de Marseille", parfois utilitaires, lorsqu’il s’agit des militaires en veste bleue et pantalons rouges porteurs de fusils, deviennent resplendissants pour les membres de la cour, en particulier pour la Grande Duchesse dont les diamants scintillent sous les feux de la rampe.
Le rôle-titre, de la Grande Duchesse, est incarné par Laurence Janot. L’articulation est modèle dans l’air attendu “Ah ! Que j'aime les militaires !”. La ligne vocale nuancée, au médium velouté, aux graves timbrés, avec des sauts agiles du grave vers l’aigu, lui confèrent charme et charisme.
Julia Knecht en Wanda, fiancée, puis épouse de Fritz, possède un léger vibrato, qui rend le discours souple, avec des graves soutenus et moelleux. Les paroles sont nettement compréhensibles.
Pierre-Antoine Chaumien campe Fritz, avec une voix projetée au timbre chaud, mais pas toujours nettement articulée. Nuancé et expressif dans la chanson du régiment, il pratique le scat imitant avec brio la trompette.
Impressionnant Général Boum, Franck Leguérinel, affirme son autorité avec un médium timbré et dense, utilisant toute une palette de nuances. Son texte est nettement compréhensible.
Alfred Bironien campe le Prince Paul, d’une voix brillante et timbrée, à l’émission haut placée, très bien articulée, avec un médium lumineux. ”L’univers attend son mariage”, qui sera une happy end.
Dominique Desmons incarne le Baron Puck, qui manigance et tire les ficelles, en chantant d’une voix souple nettement compréhensible. Il est toujours de bon conseil : “Grog soyez brûlant.”
Jean-Christophe Born est justement ce Baron Grog, avec une diction claire, et de la prestance dans ses longues tirades.
Népomuc, aide de camp, joué par Antoine Bonelli, est un personnage haut en couleur, avec une perruque rousse bouffante ornée de quelques mèches horizontales. Il se fait messager facétieux pour l’arrivée du Baron : “ Allez groguer et soyons chauds”.
Le Chœur de l’Opéra de Marseille est beaucoup sollicité sur le plan vocal. Il intervient avec efficacité tant pour la justesse, que les nuances et le rythme. Il participe aussi à des passages dansés, avec battements de pieds parfaitement synchronisés (et les soldats traversent même la salle de l’Odéon se frayant un passage parmi les spectateurs qui frappent dans les mains).
La direction musicale de cet opéra bouffe, créé en 1867, durant l’Exposition Universelle, est assurée par Jean-Christophe Keck, musicologue spécialisé dans l'œuvre d’Offenbach et qui conduit l’Orchestre maison avec dynamisme et précision. Le pupitre des cordes alterne mélodie soyeuse et pizzicati pour accompagner au mieux le plateau. La musique militaire crépite avec une rythmique percussive de qualité, alternant avec des solos de trompette, nuancés, en particulier au moment de la présentation du sabre mythique ayant appartenu au père de la Duchesse, trophée qui sera transformé en tire bouchon par la maladresse de Fritz !
Le spectacle se termine sur une pose photo, à l'issue du mariage, enchaînée avec un finale étourdissant joué trois fois, devant une salle comble, enthousiaste, qui scande le rythme par des battements de mains et ovationne l’ensemble des artistes.