Adriana Lecouvreur : Duos de haute voltige à l’Auditorium de Lyon
L’Opéra de Lyon présente comme de coutume une version de concert prestigieuse, cette fois à l’Auditorium et comme à l'accoutumée en co-production avec le Théâtre des Champs-Élysées où ce même concert sera proposé demain soir.
Dès leurs entrées et sorties de scène, les artistes s’investissent dans la version concertante en soulignant les intentions expressives des personnages, permettant à l’auditoire de se plonger au mieux dans l’intrigue.
Sous la direction de Daniele Rustioni, l’Orchestre de l’Opéra national de Lyon dont il est le directeur musical est réglé au millimètre. À la battue carrée, le chef veille au grain, à la virtuosité, ainsi qu’à la précision jusqu’aux dernières notes pianissimi exprimant les derniers soupirs d’Adriana. Il encouragera également les solistes, particulièrement pour les moments de tension.
Remplaçant Elena Stikhina pour des raisons personnelles, la soprano américaine Tamara Wilson prend ce soir le rôle-titre d'Adriana Lecouvreur et rencontre un franc succès public. La chanteuse se plonge dans ce rôle avec une facilité constante, allant jusqu’à se détacher de la partition. Mêlant délicatesse et fortissimi accrochants et remplis à souhait, ses interventions demeurent sans failles. Son air phare "Io son l'umile ancella" concentre toute sa musicalité dans des legati enivrants et colorés, et partage un dialogue pur et poétique avec l’orchestre.
Si la rivalité amoureuse se fait terrible dans cette intrigue, la -positive- rivalité vocale est également de mise avec la mezzo-soprano Clémentine Margaine dans le rôle de la Princesse de Bouillon, tout aussi investie et convaincue (et sachant également s’éloigner de la partition). Sa première entrée ainsi que son air "Acerba volutta" annonce et affirme une rivale de caractère, ferme et coriace. Son timbre sombre et bien charnu se confirme par un engagement vocal constant dans la coloration expressive des phrases, marquées par des aigus poignants.
Le ténor Brian Jagde triomphe également en Maurizio au jeu gracieux et plutôt engagé. Doté d’un vibrato expressif, l’ensemble de son étendue vocale est porté avec brillance et rondeur. Cependant, son chant semble parfois un peu trop chargé, rendant ses passages trop en puissance. Son dernier duo avec Adriana ("Che? Tu tremi") saura alléger davantage la voix, renforçant d'autant les sentiments.
Le baryton Misha Kiria est un Michonnet convaincu, malgré une petite réserve au premier acte où les phrases sont un peu écourtées et manquent de clarté dans la diction. Heureusement, le chanteur se rattrape ensuite avec une aisance scénique et vocale plus aiguisée et démontre un discours plus expressif et fluide.
Le Prince de Bouillon est assuré par la basse Maurizio Muraro dont le jeu formel et sérieux sied pleinement au personnage. La voix profonde et caverneuse s’étend avec aisance dans la salle, notamment lors des scènes d’ensemble où il sait se démarquer.
Le personnage Poisson est joué par le ténor Léo Vermot-Desroches au son affirmé et élégant.
Le Studio de l’Opéra de Lyon est aussi représenté à travers quatre interprètes. Dans le rôle de l’Abbé de Chazeuil, le ténor Robert Lewis montre un potentiel certain. Encouragé par le Prince de Bouillon avec qui il partage une belle complicité par des dialogues vivants, il déploie un chant tonique et portant dans la salle. Pour les autres, la projection manque encore un peu. Mesdemoiselles Jouvenot et Dangeville sont confiées à la soprano Giulia Scopelliti à la prestance assurée ainsi qu’au son léger et pétillant, et à la mezzo-soprano Thandiswa Mpongwana, plus en retrait dans sa gestuelle, mais dont se distinguent des graves attrayants. Enfin, le baryton-basse Pete Thanapat affirme un Quinault ancré et solennel. Le Chœur de l’Opéra intensifie les scènes d’ensembles par de généreux passages tutti, donnant du corps à l’histoire et à la pâte sonore.
En attendant leur venue au Théâtre des Champs-Élysées, les artistes sont acclamés par les auditeurs lyonnais et le chef d’orchestre ne manque pas de remercier chaque soliste et musicien.