Promenade musicale d’Automne au Musée d’Orsay
Ce projet inventif et dé-concertant revient comme chaque saison, emmené par l’Académie Orsay-Royaumont, dont les duos piano-voix lauréats ont bénéficié d’une semaine de résidence avec Stéphane Degout et Simon Lepper, afin de mettre chacun en forme un programme en lien avec une peinture de la collection du Musée d’Orsay.
Chaque binôme chant/piano illustre ainsi en musique, par des mélodies soigneusement choisies, l’œuvre en question, devant celle-ci et en format de récital in situ au sein des salles d’exposition, pour des visiteurs parfois surpris par cette irruption de la musique dans un Musée, mais toujours attentifs et intéressés.
Emma Roberts, accompagnée d’Emma Cayeux au piano, se lance dans un programme ambitieux débutant par les Trois Chansons de Bilitis de Debussy devant les Jeunes Filles au bord de la mer de Puvis de Chavannes. La Chevelure par exemple se prête bien à l’association du tableau et de l’esprit impressionniste de Debussy. La voix sombre et chaleureuse de mezzo profond dotée d’un solide legato soyeux et d’un beau rayonnement dans l’aigu manque cependant parfois d’impact dans le bas de sa tessiture (non aidée certes par l’acoustique de la salle), ses graves sonnant un peu mats et sourds. Le jeu frémissant et délicat d’Emma Cayeux l’accompagne de manière idoine dans ce programme.
Le baryton-basse coréen Jeeyoung Lim, et son acolyte Gyeongtaek Lee, proposent un programme très raffiné allant de Brahms à Duparc en passant par Chausson, devant le fameux Déjeuner sur l’herbe de Manet. Il modère avec délicatesse la largeur de son chant cuivré, délivrant dans un français impeccable de beaux phrasés avec une souplesse et une projection constante, offrant au public conquis un joli moment de grâce. Gyeongtaek Lee se fond dans ses intentions musicales, délivrant un accompagnement généreux et lyrique soutenant pleinement les mélodies sélectionnées.
Joël Terrin, quant à lui, et son complice, Cole Knutson, se fondent à merveille dans l’univers nocturne et alcoolisé des scènes du Moulin Rouge de Toulouse-Lautrec. Jouant tant de sa voix rayonnante de baryton très assurée et à l’aigu impeccable, que de ses qualités de comédien espiègle, il propose un voyage théâtral dans le Paris des Années Folles avec un programme léger et pétillant entre la verve de Satie et la poésie douce-amère de Poulenc, qu’il défend avec beaucoup de charisme et de musicalité. Cole Knutson se joint à lui dans ses facéties musicales avec beaucoup de brio et de vivacité.
Enfin, la soprano finlandaise Iida Antola et sa compatriote Anni Laukkanen au piano (qui déroule sous son large instrument un tapis incisif et précis), déclinent devant Madeleine au Bois d’Amour d'Émile Bernard un mélange résolument moderne, voire contemporain, incluant un des Poèmes pour Mi de Messiaen et même une mélodie de Kaija Saariaho. Elle déploie, pour illustrer cette scène paisible de repos dans une forêt au bord d’un lac, sa grande voix de spinto au médium étoffé et aux graves opulents, dans un format un peu trop lyrique pour cette salle et correspondant peu à la sérénité du tableau, en accusant quelques soucis d’intonation dans la tierce aigüe (donnant envie de la ré-entendre dans certains Verdi plus adéquats à son format vocal, voire dans certains rôles plus dramatiques de l’opéra allemand).
Le public du Musée, étonné par ces incursions musicales osées, joue le jeu en applaudissant chaque mini-récital avec sincérité et enthousiasme.