“Immortel Requiem” à Toulouse
Le chef Ton Koopman se retrouve au cœur de son répertoire puisqu’il a déjà enregistré, avec son propre ensemble sur instruments d’époque (l'Orchestre Baroque d'Amsterdam), deux des trois œuvres présentées : la troisième Suite pour orchestre de Bach et le Requiem de Mozart. La dernière, beaucoup plus rare, est le Concerto pour mandoline de Johann Nepomuk Hummel avec ici le soliste Julien Martineau, qui vient d'être pour sa part enregistré sur le disque "O sole mio" avec ce même mandoliniste et cet Orchestre toulousain.
Ton Koopman s’emploie à faire sonner les différentes époques et la différence entre Bach et la suite du programme est ainsi bien marquée. L’orchestre est toujours très subtil et les volumes souvent légers ce qui permet de marquer les contrastes (la promptitude des timbales et la netteté des vents notamment) dans la suite de Bach ou encore de mettre en valeur la virtuosité de Julien Martineau dans le concerto pour mandoline dont le troisième mouvement constitue une vraie douceur tant par la délicatesse de l’orchestre que celle du soliste. La coordination entre les deux est d’ailleurs fluide.
Pour le Requiem de Mozart en revanche un excès de subtilité de l’orchestre lui donne parfois quelques peines à équilibrer le chœur, en tout cas jusqu’au Lacrimosa particulièrement accompli, où les violons prennent plus leur place. Globalement la modération du volume de l’orchestre associée à la rapidité des tempi tend à lisser certains effets, inscrivant ce Requiem dans la lecture religieuse de son époque de création, où tout excès de forme aurait été considéré comme vulgaire voire blasphématoire dans le répertoire sacré (ce qui a d’ailleurs été reproché à Verdi près d’un siècle plus tard).
C’est donc le Chœur de l’Opéra national du Capitole qui joue les premiers rôles, préparé par son chef attitré Gabriel Bourgoin. Depuis sa nomination, ce dernier continue d’élever cette phalange qui est en l’occurrence unie et coordonnée. Les canons sont rythmiquement suivis et les pupitres se détachent pertinemment de l’ensemble quand il faut les identifier (dans la Communio par exemple). Les voix sont claires et puissantes. La diction latine est compréhensible, l’interprétation vocale simple et précise tout en permettant quelques envolées maîtrisées dans le Lacrimosa ou le Sanctus notamment.
Du côté des solistes, la soprano Elisabeth Breuer présente des aigus élégants et une appréciable fluidité dans les mélodies. Là encore, le choix d’une certaine sobriété se fait de mise et l’opulence de la voix n’est pas recherchée. La mezzo-soprano Lara Morger montre un peu d’acidité dans le timbre. Si la voix est juste, la puissance fait souvent défaut. Le ténor Kieran White tient ses notes avec régularité. Il place sa voix de façon directe et franche. Enfin, le baryton Benjamin Appl impressionne visiblement et audiblement le plus, par son souffle et sa puissance, conférant une vraie portée à ses interventions. Cet effet est renforcé par la qualité de sa diction qui souligne d’autant plus l’importance sacrée du texte. Les quatuors sont harmonieux même si les deux chanteuses -surtout la mezzo- se retrouvent parfois un peu effacées par les voix masculines.
Ton Koopman et les forces vives du Capitole montrent ainsi que les ensembles modernes peuvent s’inspirer du mouvement de l’interprétation historiquement informée tout en conservant leur identité. Le public venu nombreux, la salle étant remplie, semble avoir particulièrement apprécié le concert. Des applaudissements fournis se manifestent après le Concerto (et même pendant, après le premier mouvement) et à la fin, après le Requiem. Suite à plusieurs retours du chef, le Dies irae est repris en bis avec plus d’énergie encore que la première fois.